Comment optimiser la sécurité du transport pour une hospitalisation ?

319 – L’analyse de ces différents paramètres permet probablement de mieux les anticiper et donc d’optimiser la prise en charge.

Évaluer le risque de la maladie

Par une haute technicité et une parfaite codification de la pratique cardiologique, nous avons la chance de disposer d’une littérature riche et un grand nombre d’échelles de stratification de risque des maladies : Braunwald, TIMI, GRACE, CHADS…

Si l’expérience et le « flair » donne la première impression au praticien, il faut ensuite analyser méthodiquement et froidement le risque évolutif de son patient, car c’est sur cette base qu’il va falloir être convainquant et ferme pour réussir à lui apporter la stratégie la plus sûre pour sa sécurité et sa sauvegarde.

Évaluer le risque de précipitation de la maladie

Si les études et les recommandations donnent des indications sur le risque évolutif d’une maladie, à partir de critères cliniques ou paracliniques, cela n’intègre pas le contexte d’environnement et le tempérament des patients.

L’annonce de cardiopathie n’a pas le même impact chez le « lymphatique » que chez « l’hypochondriaque », ou chez l’hyperactif professionnel que chez le retraité oisif. Le stress psychologique sera majoré par les bouleversements immédiats de l’hospitalisation, mais également le changement du mode de vie probablement nécessaire à long terme.

Évaluer le risque de fuite du patient

Très rapidement, le comportement de certains patients laisse à penser qu’ils ne vont pas forcément suivre à la lettre les consignes données par le cardiologue. Il est alors nécessaire d’adapter sa stratégie, d’une part pour augmenter les chances d’acheminement véritable à l’hôpital et d’autre part pour assurer une traçabilité du conseil donné, si le patient décidait de ne pas s’y rendre. Combien de vieilles dames donnent la priorité à leurs chats, ou d’entrepreneurs indépendants à l’activité de leurs entreprises. Pour être convainquant, il ne faut pas hésiter à expliquer que l’aggravation de l’état de santé peut compromettre la relation avec l’animal chéri ou aboutir à la cessation définitive de l’entreprise…

Délai pour l’hospitalisation

Le choix de la date doit en premier lieu reposer sur la stratification du risque du patient dans sa maladie. L’urgence n’est pas la même entre un angor « stable » et un angor de novo.

Bien entendu, le manque de disponibilités hospitalières peut rendre la coordination difficile, mais ne doit pas être à l’origine d’un maintien périlleux d’un patient à domicile. Il faut savoir soit imposer son hospitalisation « en demandant de pousser les murs » avec des arguments solides, soit adresser son patient vers une autre structure hospitalière si la première n’est pas disponible. La loi et le bon sens imposent l’obligation de moyens avant toutes autres considérations.

Quand l’hospitalisation ne se fait pas dans la foulée de la consultation au cabinet, il est préférable d’en fixer d’emblée la date pour éviter les errances des patients, avec une traçabilité.

Choix du mode de transport : sécurité ou rapidité ?

Le sacro-saint « principe de précaution » voudrait à l’excès que l’on demande systématiquement un transport par SAMU en cas d’hospitalisation immédiatement nécessaire. La réalité du terrain fait que ces équipes sont en nombre restreint et qu’il convient de hiérarchiser ses demandes avec rationalité, surtout si l’on veut rester crédible à l’avenir.

Devant un tableau manifestement instable (syncope sur BAV, syndrome coronarien aigu…), la sécurité doit primer sur la rapidité, en privilégiant l’appel du SAMU.

L’envoi d’un patient par ses propres moyens dans un souci de rapidité est une stratégie hasardeuse qui a toute les chances d’être considérée comme fautive par les experts et les tribunaux en cas de décès ou d’accident pendant le trajet. Il faut prendre conscience que l’annonce de la maladie, de son risque évolutif, la peur d’arriver en retard, les difficultés pour localiser l’établissement de soins (ou le service), les difficultés de stationnement sont autant de facteurs de stress adrénergique susceptibles de déstabiliser la pathologie sous jacente. Plusieurs généralistes ou cardiologues ont été condamnés pour avoir conseillé ce mode de transport. Dans un des cas, le patient a fait un malaise au volant à l’origine d’un accident entraînant pour lui : une plaie oculaire, un traumatisme thoracique avec retard thérapeutique de sa coronaropathie (motif de sa consultation initiale) et pour son épouse (passagère) : une paraplégie et une colectomie. Le conducteur dans son malaise aurait pu également faucher quelques piétons…

Si le SAMU n’a pas d’équipe disponible (mais l’appel du cardiologue aura été consigné et enregistré), il faut envisager les autres moyens suivants.

Le transfert par les pompiers (non médicalisé) est un moyen offrant une sécurité certes moindre, mais ces équipes connaissent l’emplacement des établissements de soins. Elles sont surtout rompues aux techniques de réanimation avec à leur disposition des défibrillateurs semi-automatiques et un lien permanant avec une régulation. L’ambulance apporte un peu moins de sécurité que les précédents moyens. Cependant, comparativement à un transport « familial », le transport en ambulance permet au patient de réduire son effort physique (chaise roulante ou brancard), ainsi que son stress, lié à la peur d’être en retard, aux difficultés d’un itinéraire non connu et du stationnement toujours difficile aux alentours des hôpitaux. Ces différents avantages permettent en somme de réduire le délai d’acheminement et d’offrir au médecin une garantie supplémentaire que le patient ne va pas opter pour une hospitalisation retardée de quelques heures ou jours (pour aller nourrir le chien ou couper du bois pour la chaudière !).

Si le transport par le SAMU n’est pas possible chez un patient manifestement très instable, le médecin, de façon exceptionnelle, ne doit pas hésiter à accompagner son patient dans l’ambulance ou le camion des pompiers, jusqu’au relais hospitalier. A défaut, il risquerait une sanction pénale pour non-assistance à personne en danger.

Préparer l’accueil du patient dans la structure hospitalière

Si une situation requiert une hospitalisation, l’obligation de moyen ne se borne pas au seul envoi vers l’hôpital. Il convient de vérifier que le patient va pouvoir être pris en charge dans le service approprié (cardiologie classique ou USIC). Une bonne coordination des acteurs permet d’optimiser les délais de prise en charge. En matière de coronaropathie, le passage par le service des urgences rallonge classiquement les délais.

Dans un tel contexte anxiogène, le patient est toujours reconnaissant envers son cardiologue s’il bénéficie d’un accueil personnalisé par l’équipe hospitalière, qui connaît aussi bien son nom, ses problèmes et le nom du cardiologue prescripteur.

Courrier de liaison et traçabilité

Comme toujours, le cardiologue doit veiller à transmettre le maximum d’informations à l’équipe hospitalière. La rédaction du courrier permet de remplir ce premier objectif. Il permet également de signifier la détermination du cardiologue vis-à-vis de l’hospitalisation et les délais envisagés. Il n’est pas rare que des patients tardent à se rendre à l’hôpital et présentent un incident grave dans l’intervalle. Face à la mauvaise foi d’un plaignant ou en cas de décès, seul le courrier d’hospitalisation (gardé en double !) permettra de défendre la stratégie définie.

Conclusion

Bien plus que les difficultés dans l’établissement d’un diagnostic complexe, le risque médico-légal concerne souvent des défauts dans la stratification du risque des patients et dans la sécurisation du transport pour une hospitalisation. L’étape la plus aléatoire reste bien sûr de réussir à convaincre les patients du bien-fondé de cette stratégie. Ã défaut, il faut mettre les patients devant leurs responsabilités par une information ferme et sans équivoque, tout en assurant une traçabilité du conseil donné, pour se prémunir d’une action judiciaire future.

Cédric Gaultier