Attendu de longue date, le décret réformant le contenu des contrats responsables des complémentaires santé (98 % des contrats) est paru à la fin de novembre dernier et entrera en vigueur le 1er avril prochain.
378 – Le texte précise que ces contrats devront obligatoirement couvrir le ticket modérateur, sauf pour les frais de cure thermale, les médicaments à SMR faible ou modéré et l’homéothérapie. Il devront également prendre en charge l’intégralité du forfait journalier hospitalier, sans limitation de durée. Ce n’est pas là que le bât blesse mais dans l’encadrement de la prise en charge des dépassements d’honoraires des médecins que fixe le décret.
Trahison et « irresponsabilité »
Les remboursements des dépassements d’honoraires des médecins de secteur 2 n’ayant pas adhéré au Contrat d’Accès aux Soins (CAS) sera limité à 125 % du tarif de la Sécurité Sociale en 2015 et 2016 puis à 100 % à partir de 2017. La prise en charge des dépassements de ces non-signataires du CAS devra nécessairement être inférieur de 20 % à celle des dépassements des médecins adhérents au CAS (11 000 à ce jour). Mais le décret ne prévoit pas la solvabilisation généralisée des dépassements d’honoraires de ces adhérents au CAS, au grand dam des syndicats qui ont soutenu la création du CAS, CSMF en tête, qui crie à la trahison et juge « irresponsable » l’attitude du Gouvernement.
Un choc de complexité
Mais du côté des complémentaires, on n’est pas plus satisfait. Dans un communiqué commun, le Centre Technique des Instituions de prévoyance (CTIP), la Fédération Française des Sociétés d’Assurances (FFSA) et la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) jugent que ce décret « constitue un choc de complexité » et dénoncent « de multiples niveaux de plafonds et de planchers de remboursements ». Selon eux, « les assurés vont devoir supporter une évolution de leurs contrats, dans des conditions d’opacité et d’extrême difficulté de compréhension des garanties offertes ». La Mutualité Française se dit « vigilante » sur « les effets inflationnistes » que risquent d’avoir les plafonds fixés par le décret sur les dépenses de santé et les restes à charge et, par voie de conséquence, sur les cotisations demandées aux assurés. Son président, Etienne Caniard, juge le montant des dépassements tolérés « trop élevés » : « On a fixé un plafond de dépassement supérieur (125 % pendant deux ans) au niveau d’éligibilité pour le contrat d’accès aux soins (100 %) ». Selon lui, ce plafond de solvabilisation « risque de devenir la norme alors qu’aujourd’hui le niveau moyen de dépassement d’honoraires est de 56 % du tarif de la Sécurité Sociale ».
Le match public-privé
Il faut à cet égard rappeler que ce n’est pas chez les libéraux que l’ont trouve les dépassements d’honoraires les plus importants, loin s’en faut, ce que montre un tout récent comparatif effectué à partir de données de l’Assurance Maladie par 66 Millions d’Impatients et la revue 60 millions de consommateurs, et qui porte sur les dix interventions les plus courantes. En résumé, « la probabilité de se voir facturer un montant supérieur au tarif de la Sécurité Sociale est plutôt rare dans les établissements publics par rapport à ce qu’elle est dans les cliniques privées…mais quand c’est le cas, le dépassement s’avère souvent conséquent. » Pour les dix interventions, le taux de dépassement moyen est dans tous les cas plus important à l’hôpital qu’en clinique, « la palme » revenant à l’ablation de la prostate « dont le tarif en cas de dépassement est en moyenne quatre fois plus élevé dans le public que dans le privé » (132 % de taux moyen de dépassement à l’hôpital contre 32 % en clinique). Au total, 66 Millions d’Impatients et 60 millions de consommateurs indiquent qu’à l’hôpital public « le montant global à supporter par les ménages ou leur complémentaire santé reste stable à près de 70 millions d’euros chaque année. Un montant bien inférieur à celui affiché par les praticiens de cliniques privées dont l’activité génère entre 700 et 800 millions d’euros de dépassements par an ».