Curés d’ARS

Après des semaines d’incertitude, la « fumée blanche » est donc sortie de l‘Élysée avec la nomination en Conseil des ministres des désormais « Directeurs préfigurateurs d’Agence Régionale de Santé ». Ceux-là ont six mois pour s’atteler à leurs premiers chantiers : trouver des locaux d’une part, recruter leur équipe d’autre part et, accessoirement (mais pas tout à fait)…, répondre aux premières sollicitations venues de Paris.

Car, osons le mot, ces « Préfets Sanitaires » auront un patron en la personne de M. Jean-Marie Bertrand, confirmé dans cette tâche par ses deux ministres de tutelle, Roselyne Bachelot, au nom de la Santé, et Xavier Darcos au nom du Travail et de la Solidarité vu que ce département ministériel « chapeaute » l’immense chantier de la dépendance. M. Jean-Marie Bertrand occupe donc un poste de « Secrétaire Général des ministères »… taillé sur mesure à son intention et qui, en réalité, en fait le véritable « numéro 2 » du ministère, à l’égal des Directeurs de cabinets.

Cette création de poste n’a jamais été ni débattue ni concertée avec quiconque, notamment pas avec les députés ou sénateurs qui ont juste été appelés à entériner, dans HPST, un articulet relatif au Conseil National de Pilotage (CNP) dont M. Bertrand tiendra le volant avec, pour co-pilote Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’UNCAM lui-même promis à la reconduction de ses fonctions.

Les deux hommes sont-ils aptes à cohabiter en cabine de pilotage ? Un premier bras de fer donne une idée de leur capacité mutuelle à trouver des compromis. Pour doter les ARS d’un exécutif rapidement opérationnel, M. Bertrand souhaitait leur attacher les services de personnels expérimentés, issus du réseau de l’assurance maladie (URCAM, CRAM, …). Il en évaluait le besoin à 2 000 quand le patron du réseau de la Sécu n’était disposé à en « céder » qu’un millier. Le compromis a été conclu à 1 560. C’est dire qu’il a été pesé au trébuchet ! Sans doute… préfigurateur des décisions à venir !- Soyons clairs : la marge de manœuvre des DARS s’exercera sur « l’épaisseur du trait » qui sépare les budgets de l’hôpital et du monde libéral … Sans doute de l’ordre de 1 % des masses financières mobilisées par la santé dans une région.

Mais 1 % des 150 milliards d’euros votés chaque année par le Parlement au titre de l’ONDAM « pèsera » quand même son pactole de 1,5 Md€… Soit quelques dizaines de millions pour les régions les plus pauvres, et quelques centaines pour les plus grosses. Largement de quoi faire un peu de plomberie dans ces « tuyaux d’orgues » qui fondent l’économie de la santé : la ville par ici, les cliniques par là, l’hôpital public ailleurs, les centres de santé encore autre part… De quoi donner un peu de « grain à moudre » au dialogue régional.

En un mot « innover » avec des partenariats originaux comme il ne s’en est, à vrai dire, conçus qu’en de trop rares occasions dans l’histoire récente : quand les URML et les URCAM s’accordaient, par exemple, pour monter, dans les années 90, des réseaux sur les subsides du FAQCS, quand les patrons d’ARH « inventaient » les premières coopérations public/privé autour des plateaux techniques… Il y a fort à parier que cette époque est révolue et que, nommés dans la fièvre d’une pandémie annoncée, les futurs directeurs d’ARS se retrouvent même missionnés sur le front de la grippe, chargés d’organiser autant de « lignes Maginot » que de territoires menacés…

Si l’on fait abstraction des personnalités-alibis dues au féminisme et à l’ouverture aux socialistes, la galerie de lauréats fait furieusement penser aux photos-souvenirs de promotions de l’ENA : une bande de « crânes d’œuf » avec qui il ne doit pas toujours être très gai de passer des vacances.

On souhaitera au passage « Bon courage » à Claude Evin, ancien ministre de François Mitterrand et qui, en Ile de France, va devoir se colleter avec les élus de la Mairie de Paris, du Conseil régional et du Conseil d’Administration de l’AP… Tous camarades de parti mais qui trouveront beaucoup de plaisir à lui « savonner la planche ».