Dessine-moi un système de santé coordonné…

362-363 – Catherine Sansfourche – En formulant ses recommandations 2013 pour une prise en charge plus efficiente des plus de 75 ans, le Think Tank Economie Santé esquisse les contours d’un système de santé décloisonné et coordonné.

L’année dernière, dans le cadre des élections présidentielles et législatives, le Think Tank Economie Santé des Echos a formulé cinq propositions pour restructurer notre système de santé : faire de la santé et de son financement un grand débat public ; impliquer et responsabiliser les professionnels ; anticiper la mutation stratégique des établissements hospitaliers ; mieux gérer les maladies chroniques et, enfin, organiser et financer la prévention.

Le Think Tank a décidé cette année de focaliser ses travaux sur une seule thématique pour laquelle les marges de progression sont les plus cruciales, où des solutions concrètes pouvaient rapidement émerger et qui serait la plus porteuse d’amélioration en termes de qualité et d’efficience.

Une thématique d’avenir

Son choix s’est porté sur la prise en charge des personnes âgées de plus de 75 ans et vulnérables. Thématique d’avenir s’il en est, puisque six millions aujourd’hui, les plus de 75 ans atteindront 8 millions à l’horizon de 2030, leur nombre augmentant de 100  000 chaque année. Quant aux centenaires, qui sont aujourd’hui 17  000, on estime qu’ils seront 200  000 en 2060. Les maladies chroniques et les polypathologies, qui caractérisent cette population, vont donc croître elles aussi. Les plus de 75 ans payent d’ailleurs un lourd tribut en termes de morbidité et de mortalité du fait de l’organisation inadéquate de notre système de santé, fragmentée et non propice à la coordination des soins. Ainsi subissent-ils trop souvent des hospitalisations inutiles. La ministre des Affaires sociales et de la Santé indiquait récemment que chaque année, « cinq millions d’hospitalisations de personnes âgées pourraient être évitées ». Outre l’effet délétère que ces hospitalisations ont sur les personnes âgées, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) a souligné que le niveau anormalement élevé des dépenses individuelles moyennes à cet âge était dû pour l’essentiel à un défaut d’organisation du système de santé. Mais cette organisation inadéquate ne concerne pas seulement les plus de 75 ans et l’ensemble de la population tirerait bénéfice, à des degrés divers, du décloisonnement entre la ville et l’hôpital, entre le sanitaire et le social.

Ce sont ces considérations qui ont motivé le Think Tank Economie Santé à élaborer ses propositions 2013 pour une nouvelle organisation des soins qui s’articule autour de la création d’une plate-forme territoriale de coordination. L’objectif est d’impliquer et responsabiliser tous les acteurs pour coordonner leur action à l’échelon d’un territoire donné. Chaque plate-forme d’organisation des actions sanitaires et sociales serait pilotée par un Comité stratégique coprésidé par l’ARS et le Conseil Général, ainsi qu’un Comité d’intégration des acteurs sanitaires et sociaux au niveau infradépartemental. Ce dernier mettrait en place un guichet unique doté d’un numéro d’appel largement diffusé. Parce que mieux vaut prévenir que guérir, le Think Tank Economie Santé recommande un repérage des plus de 75 ans polypathologiques fragiles et vulnérables par la mise en œuvre d’une véritable politique populationnelle de santé, qui laisserait cependant aux personnes la liberté d’adhérer ou non à cette prise en charge-surveillance.

Une réussite sous condition d’un appui ferme des pouvoirs publics

Une fois « repérée », chaque personne âgée de plus de 75 ans pourrait bénéficier d’un bilan de santé, d’un protocole de prise en charge et d’un référent responsable de la coordination, lequel pourrait être médecin, infirmer, assistant social ou pharmacien candidat à cette fonction et formé à la coordination. Au sein du Comité pour l’intégration des acteurs, ce sont les professionnels qui bâtissent l’organisation opérationnelle la plus adaptée à chaque territoire. La capitation semble le mode de rémunération le plus pertinent pour la fonction de coordination volontaire.

Plus généralement, le Think Tank Economie Santé estime que, pour adapter le financement et la rémunération des acteurs afin de favoriser les activités transversales de coordination, il conviendrait, à moyen terme, de passer d’un budget par secteur (secteur hospitalier, médicosocial ou social) à un financement territorialisé. Enfin, on ne peut envisager sérieusement de sortir du cloisonnement actuel de notre système pour aller vers un parcours de soins coordonné sans des systèmes d’information performants et la mise en place d’un dossier patient numérisé et accessible à tous les acteurs sanitaires et sociaux.

La dernière recommandation vise à en finir avec les micro-expérimentations dispersées. « Un tel dispositif ne peut réussir que s’il est engagé à l’échelle d’une région avec l’appui ferme et affiché des pouvoirs publics », conclut le Think Tank Economie Santé.