Deux hommes, deux exils, deux humanismes

348 – « Coeur ouvert », Elie Wiesel (Flammarion)

Elie Wiesel est né en 1928, en Roumanie. Il y a passé une enfance simple et heureuse. Ã 15 ans, il est déporté avec sa famille par les nazis à Auschwitz- Birkenau. Il y perdra d’abord sa mère et sa soeur, puis restera en captivité aux côtés de son père qui décédera dans ses bras lors de l’enfer du dernier transfert de Buna à Buchenwald. Il a décrit ce drame avec la puissance poignante « d’une expérience qui dépasse l’entendement » dans son premier ouvrage « La Nuit » (1958). Il y est revenu ensuite dans le premier tome de ses mémoires « Tous les fleuves vont à la mer » (1994). Arrivé en France en 1945, faute de comprendre le français, il se joindra à la file des « apatrides » au lieu de celle des demandeurs de nationalité française. Il restera donc en France une dizaine d’années sans nationalité avant de devenir en 1963, citoyen américain. Son oeuvre littéraire, philosophique et théologique extraordinaire lui vaudra le prix Nobel en 1986. A 82 ans, il est victime d’un syndrome coronarien aigu nécessitant des pontages en urgence. Le choc de cette annonce brutale l’amène à refaire le bilan d’une existence et d’une mission qu’il retrace après un heureux dénouement dans ce court ouvrage d’une richesse philosophique et humaniste exceptionnelle. ■

_ ■ Élie Wiesel _ Parution : novembre 2011 _ Prix : 10,00 €

« Trois passeports pour un seul homme », _ Armand Bénacerraf (l’Harmattan)

Armand Bénacerraf est né à Casablanca en 1932. Fils d’une famille aisée qui avait fait fortune au Venezuela, il sera frappé, lui aussi, dans son enfance par le décès de son père. Puis il fera des études médicales et cardiologiques en France auprès des plus grands maîtres de l’époque comme le professeur Pierre Soulié. Titulaire de deux passeports, marocain et vénézuélien, c’est au Maroc qu’il choisira tout naturellement de s’installer. Par idéalisme, il se plaisait avec humour à rappeler qu’il était « un juif ayant épousé une chrétienne et allant vivre dans un pays musulman ». Il deviendra chef de service et professeur de cardiologie à l’hôpital Averroès. Ses qualités professionnelles et pédagogiques en feront rapidement la notoriété cardiologique du Maroc.

Mais les répercussions antisionistes de la guerre des Six Jours le contraindront à quitter son pays natal et à rejoindre la France dont il obtint la nationalité en 1969.

Après quelques années d’installation à Sarcelles, son enthousiasme et son énergie lui permirent de créer le centre cardiologique du Nord à Saint-Denis avec deux complices, pourtant tellement différents, Bernard Morin et Paul Charlier. Ils fondent ainsi le premier établissement cardiologique privé, d’un niveau rivalisant avec les plus grands services de CHU, qui a formé plusieurs générations de jeunes cardiologues aux techniques cardiologiques innovantes, tout en alliant rigueur scientifique et éthique.

Tous ceux qui ont pu bénéficier de l’enseignement d’Armand B. (Fernand pour son beau-père et Ahmed lors de son bref passage sous les drapeaux marocains !) conserveront toute leur vie professionnelle un esprit critique et une manière d’aligner les éléments de la discussion rigoureuse qu’il avait lui-même hérité de son maitre Marcel Legrain ; tout comme ils ont appris de lui « que l’appartenance ne s’exprime pas dans le communautarisme, mais comme un élément d’une entité où les racines peuvent s’épanouir sans s’exclure dans l’identité de chacun ».

■ Armand Bénacerraf _ Parution : octobre 2011 _ Format : 204 pages – 18,05 €(gallery)

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