« Docteur, pouvez-vous me faire un certificat pour le tennis ? »

299 – Partant d’expériences de confrères piégés, des mesures de bon sens seront précisées afin de prévenir ces désagréments.

Cas n° 1

Arrêt de travail

Un confrère examine une patiente, qu’il connaît de longue date. Ã la fin de la consultation, celle-ci lui demande un arrêt de travail de 3 jours pour son gendre (que notre confrère connaît également), au motif qu’il se serait blessé à la cuisse. Après avoir initialement refusé, il finira par accepter sur l’insistance de sa patiente, mais en demandant qu’il vienne régulariser cela le lendemain à sa consultation. Quelques jours après, le confrère sera convoqué au commissariat de police pour connaître le contexte de cet arrêt de travail. Après s’être lancé dans des explications improvisées, il va apprendre que le gendre avait commis une agression avec arme à feu et qu’il s’était servi du certificat médical comme alibi. Le confrère sera condamné pénalement pour faux certificat et faux témoignage !

Tout certificat doit être établi après examen effectif de la personne et remis en mains propres. Cette règle doit impérativement être respectée également lorsqu’un médecin est sollicité dans sa vie privée (amis, famille…) pour la remise de certificat pour l’aptitude à un loisir. Suite à des accidents graves, certains patients ou ayants droit n’ont pas hésité a poursuivre leur médecin « ami » ou beau-frère leur reprochant l’absence d’examen.

Cas n° 2

Certificat en période de divorce

à la demande d’une patiente, un confrère va rédiger le certificat suivant : « Je soussigné Dr X certifie avoir examiné Mme Y. J’ai constaté des ecchymoses sur la cuisse droite, en rapport avec des coups donnés par son mari, sous l’emprise de l’alcool. Elle est victime d’un harcèlement moral de la part de sa belle-famille… ». Produit en justice lors d’une demande de divorce, notre confrère va être l’objet d’une plainte ordinale, pour immixtion dans les affaires familiales et certificat tendancieux, pour lesquels il se verra sanctionné.

Le certificat doit se borner uniquement aux constatations médicales (signes fonctionnels, cliniques ou paracliniques). Il ne peut pas faire mention de faits dont il n’a pas été témoin. Le médecin doit veiller à ne pas se faire manipuler. Sa qualité de médecin ne rend pas plus crédible la description d’un fait de la vie courante, auquel il n’a d’ailleurs pas assisté. Il peut éventuellement dire que les lésions constatées peuvent être la conséquence de violences et d’en préciser le mécanisme (coup avec objets, brûlures…) en employant le conditionnel. Il se gardera enfin de mentionner les personnes incriminées par la victime.

Cas n° 3

Certificat et médecine du travail

Un patient, à la suite d’un syndrome coronarien aigu, est revu par son cardiologue. Interrogé par le médecin du travail, le cardiologue va établir un certificat donnant des détails sur la coronaropathie et ses conséquences et se prononcer sur l’aptitude professionnelle du patient sans réellement connaître le descriptif du poste de son patient. Il enverra directement ce certificat par la poste en mettant la mention « secret médical ».

Licencié, le patient va poursuivre le cardiologue en civil et en ordinal pour violation du secret médical et défaut d’information sur les conséquences que pouvait avoir ce certificat. Le cardiologue sera condamné.

D’une manière générale, tout certificat doit toujours être remis en mains propres et ne doit pas être envoyé directement par le médecin, pour éviter le risque de poursuite pour violation du secret médical. Par prudence, il est souhaitable de faire contresigner les certificats (qui présentent un risque concernant le secret médical) par le bénéficiaire afin de matérialiser la prise en mains par celui-ci. Même si les praticiens sont quotidiennement sollicités, il n’existe pas pour autant de secret partagé avec les médecins du travail ou des assurances. _ Le secret ne se partage qu’entre médecins participant aux soins d’un patient et après l’autorisation de ce dernier. Pour autant, le praticien peut fournir au patient, et à lui seul, des certificats détaillés sur son état en l’informant des conséquences possibles inhérentes à la transmission de ce document. Pour matérialiser cette information, il est prudent d’ajouter la mention : « le patient a été averti des conséquences possibles (mise en invalidité, licenciement, absence de garantie, à préciser selon les circonstances) de la transmission de ce certificat ». C’est ensuite au patient de décider s’il transmettra ou non son certificat au médecin du travail ou de son assurance.

Même s’il pense que la reprise professionnelle de son patient est dangereuse, le médecin ne doit en aucun cas contacter directement le médecin du travail. Il doit en revanche tout faire pour essayer de convaincre son patient. Il peut également poursuivre l’arrêt de travail, tant qu’il considère que son patient présente un risque. Pour se prémunir d’une éventuelle poursuite judiciaire en cas d’accident à la reprise professionnelle, le médecin doit garder toutes les preuves écrites attestant qu’il a essayé de convaincre son patient (annotation dans le dossier, arrêt de travail, lettre avec accusé de réception à son patient contre-indiquant la reprise professionnelle).

Il faut savoir que si le médecin du travail n’a pas les informations qu’il souhaite de la part des médecins traitants (sollicités via le patient), il peut demander une expertise par des spécialistes pour se prononcer sur l’aptitude professionnelle.

Cas n° 4

Certificat et assurances

En 1999, un médecin remplit un certificat reprenant les antécédents d’un patient qu’il connaît depuis 15 ans, en vue de l’obtention d’un prêt immobilier et lui remet en main propre. En 2002, le patient sera mis en arrêt maladie à la suite d’un infarctus grave pendant 12 mois et l’assurance de son prêt va couvrir le paiement des mensualités jusqu’à sa reprise. En 2004, le patient va décéder d’un nouvel infarctus. Souhaitant bénéficier de l’assurance couvrant le prêt en cas de décès, les ayants droit vont transmettre le compte rendu d’hospitalisation lequel fait mention d’un premier infarctus, traité par angioplastie en 1995, qui n’avait pas été signalé par le certificat du médecin lors de la demande de prêt. La compagnie d’assurances refusera sa garantie et poursuivra au civil le médecin auteur du certificat établie en 1999 lui reprochant son omission volontaire, qui a trompé l’assureur dans l’évaluation du risque de ce prêt et le paiement des 12 mensualités.

Une omission de déclaration dans un certificat équivaut à un faux certificat. Le médecin ne doit en aucun cas se rendre complice de son patient. Ses certificats ayant des implications légales, il doit les remplir scrupuleusement et refuser la rédaction de certificats par gentillesse ou complaisance.

En résumé, le certificat est un des devoirs du médecin auquel il ne peut pas déroger. Les risques juridiques sont parfaitement évitables si les règles élémentaires sont observées : rédaction objective, sans influence, comprendre que le patient doit être la seule interface, respect du secret médical et traçabilité. En cas d’interrogation devant une difficulté technique, le conseil départemental de l’ordre ou la protection juridique de l’assureur professionnel. ❚

Cédric Gaultier