Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 460 – novembre-décembre 2024
Elon Musk, souvent décrit comme un « visionnaire », ne se contente pas de bouleverser les secteurs auxquels il est lié (automobile, espace, réseau social avec X). Depuis plusieurs années, il s’est également aventuré dans un domaine encore plus complexe qu’est celui de la santé humaine.
À travers ses projets ambitieux en intelligence artificielle (IA) et en neurosciences, notamment avec Neuralink, Musk propose une nouvelle vision audacieuse de l’avenir de la médecine et du bien-être (sic), où l’homme et la machine ne font qu’un.
Lui qui dénonçait « l’Apocalypse de l’IA » en 2017, s’est lancé avec son réseau social X à son nouveau divertissement : la santé, en demandant aux utilisateurs de télécharger leurs images médicales afin de générer un diagnostic sur la plateforme IA Grok.
Celle-ci, développée par xAI (une entreprise fondée par Elon Musk), est un modèle d’intelligence artificielle (IA) générative « anti-woke » (1).
« Essayez de soumettre des radios X, PET, IRM ou d’autres images médicales à Grok pour analyse », avait donc suggéré Musk le 29 octobre dernier sur la plate-forme X, où les abonnés accèdent facilement à l’IA. « L’IA n’en n’est qu’à ses débuts, mais c’est déjà assez exact et deviendra extrêmement bon », a t’il rajouté.
Des médecins se sont penchés sur cette IA, et notamment la Dr Laura Heacock, radiologue mammaire au NYU Imaging.(2) qui a une position claire sur l’intelligence artificielle : « L’utilisation de l’IA pour prédire le risque actuel et futur de cancer du sein représente une approche puissante qui exploite l’IA au profit de chacun. »
Elle a testé la plateforme Grok en envoyant des mammographies mammaires, des ultrasons et des IRM et les résultats sont on ne peut plus clair suite à la question d’un journaliste : « Alors, comment Grok s’est-il fait en radiologie mammaire ? » « Un peu de meilleur que GPT4, mais pas un seul diagnostic correct », a-t-elle déclaré, notant qu’elle s’attendait à de bien meilleures performances compte tenu de l’affirmation de Musk sur les précisions.
Grok pourrait identifier une image comme une mammographie ou une échographie, mais a répondu aux questions courtes de Heacock avec des parties incorrectes du corps et des découvertes possibles erronées.
Dans une mammographie avec une tumeur maligne connue, Grok a suggéré que ce que la Dr Laura Heacock a appelé un « cancer épicé à grande gauche », était peut-être des calcifications. « Il n’y en a pas », a-t-elle dit.
Il ne faut pas être non plus ignorant que le téléchargement de données médicales via la plateforme X vers Groke soulève une série de questions sur la vie privée, car en soumettant nos images et d’autres informations personnelles, nous offrons toutes nos données.
Les politiques de confidentialité et de protections des données sont d’une véritable opacité et suscite bien des préoccupations, mais cela n’est pas nouveau. Cela fait quelques années que les professionnels de santé mettent en garde les apprentis sorciers qui se risqueraient de partager leurs données de santé avec Grok : rien n’est jamais gratuit, mais quand c’est gratuit, c’est vous le produit !
Mais derrière son enthousiasme pour l’IA se cache une dualité : Musk alerte régulièrement sur ses dangers tout en exploitant ses immenses opportunités. Comment voit-il réellement l’avenir de la santé avec l’IA ? Et que disent ses projets sur la transformation à venir du secteur médical ?
Pour Elon Musk, l’intelligence artificielle est une épée à double tranchant : elle peut soit accélérer le progrès humain de manière exponentielle, soit représenter une menace existentielle comme il l’avait indiqué précédemment. Malgré ses inquiétudes sur une IA mal encadrée, Musk reste convaincu que cette technologie est essentielle pour améliorer et prolonger la vie humaine.
L’IA dans le corps humain
Dans le domaine de la santé, l’IA permet déjà des avancées significatives : analyse d’images médicales, diagnostic prédictif, traitement personnalisé, et même découverte de médicaments. Musk imagine cependant une étape encore plus révolutionnaire : intégrer directement l’IA dans le corps humain, pour à la fois prévenir les maladies et optimiser nos capacités. (3)
C’est là qu’intervient Neuralink, (4) l’un des projets les plus ambitieux cofondé en 2016 par… Elon Musk, avec pour mission de créer des interfaces cerveau-machine (ou Brain-Computer Interfaces [BCI]), permettant à un utilisateur d’effectuer des actions directes en utilisant uniquement l’activité de son cerveau, sans solliciter ses muscles.
Les BCI (qui ne sont pas le monopole de Neuralink) sont une avancée technologique importante dans la restauration des fonctions motrices chez les patients atteints de certains types de paralysies.
Comment fonctionne Neuralink ?
L’appareil, une puce de la taille d’une pièce de monnaie, est implanté chirurgicalement dans le cerveau. Reliée à des milliers d’électrodes, elle peut lire les signaux neuronaux et potentiellement stimuler certaines zones du cerveau. À terme, Neuralink pourrait :
Mais selon Elon Musk, ces interfaces pourraient non seulement guérir, mais aussi améliorer l’humain, offrant des capacités supérieures : mémoire augmentée, apprentissage accéléré, et même communication télépathique.
VERS UNE MÉDECINE PRÉDICTIVE
Au-delà de Neuralink, Musk envisage un avenir où l’IA jouera un rôle central dans la médecine préventive. Il deviendra enfin possible d’anticiper les maladies avant qu’elles ne se manifestent. En croisant des milliards de données issues de génomique, d’imagerie médicale, et de capteurs connectés, l’IA pourrait fournir des diagnostics extrêmement précis, adaptés à chaque individu.
Tesla, bien que centré sur les voitures électriques, reflète cette vision. Les voitures Tesla sont équipées de capteurs sophistiqués et d’un logiciel d’IA capable d’anticiper les pannes ou les problèmes mécaniques. Transposée au corps humain, cette approche pourrait permettre une détection précoce des anomalies biologiques.
Dans cet esprit, Musk évoque l’idée d’une médecine proactive : « plutôt que de réagir aux maladies, nous pourrions les prévenir, voire les éradiquer grâce à des interventions ciblées ».
ET L’ÉTHIQUE DANS TOUT CELA ?
La vision d’Elon Musk pour l’avenir de la santé soulève des questions éthiques majeures. Quid de l’implantation de puces dans le cerveau humain ou la prédiction des algorithmes de l’IA sur la surveillance de notre santé ?
Elon Musk fait fi des cadres légaux, ses projets avançant souvent plus vite que les lois, d’autant qu’en faisant partie du gouvernement Trump, sa liberté d’agir sera d’autant plus grande, ce qui pose de réelles interrogations.
L’Europe de son côté se doit de réagir, non seulement sur la confidentialité des données, mais également sur les inégalités d’accès aux soins, les dépendances technologiques avec une intégration homme-machine pourrait rendre l’humanité extrêmement vulnérable, sans oublier les réseaux sociaux avec cette illusion de neutralité et de soi-disant liberté d’expression qui donne un réel pouvoir d’influence aux extrêmes.
(1) Le terme anglo-américain woke (« éveillé ») désigne initialement le fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale. Tout le contraire d’Elon Musk.
(2) NYU Imaging – Perlmutter Cancer Center de NYU Langone Health
(3) Le livre « x » est fort intéressant au sujet de la confrontation des mondes connectés et déconnectés.
(4) Neuralink est une start-up américaine en neurotechnologie et transhumanisme, cofondée en 2016 par Elon Musk (patron de Tesla) à San Francisco2, pour la recherche et développement d’implants cérébraux d’interfaces directes neuronales
© Media Whalestock – Depositphotos
Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.
Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).
La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.
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