Entretien Cédric Gaultier – « La prescription des nouveaux anticoagulants requiert toute l’attention des cardiologues »

Gaultier_Cedric 300pxCardiologue conseil au Sou Médical, groupe MACSF, et cardiologue interventionnel à La clinique de la Roseraie, groupe villa Maria, le Dr Cédric Gaultier insiste sur le fait que l’information faite auprès du patient par le cardiologie clinicien ne dédouane pas le cardiologue technicien de son obligation d’information.

 

En cas de problème, le praticien doit prouver qu’il a bien informé son patient sur les risques d’un traitement ou d’une intervention. Cette obligation revêt-elle un caractère particulier dans le domaine de la cardiologie ?

Cédric Gaultier : L’information doit tout d’abord se faire oralement. Pour les actes techniques – épreuve d’effort, coronarographie, échographie transoesophagienne, etc. – des documents élaborés par la SFC sont à la disposition des cardiologues. Ils doivent être explicités puis idéalement signés par le patient. Je les invite vraiment à avoir cette démarche. Sauf en cas d’urgence, le document doit être recueilli signé après un délai de réflexion laissé au patient. Je recommande aux médecins de l’agrafer dans le dossier médical et à indiquer dans tout courrier adressé au médecin traitant ou au correspondant spécialiste technique que le patient a été informé et qu’il a pris connaissance de ce document.

Concernant l’information, j’insiste sur le fait qu’il est aussi important d’expliquer les risques qu’il y a à ne pas faire un acte diagnostic ou thérapeutique, c’est un élément capital dans le consentement du patient.

Le médecin qui prescrit l’acte n’est pas toujours celui qui le réalise. Lequel doit informer le patient ?

C. G. : Le spécialiste clinicien connaît l’acte et peut donc informer son patient globalement. Ensuite, il revient au spécialiste technicien de s’assurer que cette information a bien été délivrée par le cardiologue traitant et de la compléter sur les modalités plus techniques : l’information faite préalablement par le cardiologue traitant ne le dédouane pas de son devoir d’informer le patient. Enfin, il arrive que le patient refuse d’être informé et c’est un problème délicat car ce refus ne dédouane pas non plus le praticien de son obligation d’information. Dans un tel cas, il a intérêt à se tourner vers une personne de l’entourage désigné par le patient (personne de confiance).

Les déclarations concernant les cardiologues sont-elles importantes et quels en sont les motifs ? 

C. G. : Nous assurons 3 585 cardiologues, libéraux dans une très grande majorité. En 2012, nous avons enregistré 86 déclarations de sinistre, ce qui représente une sinistralité de 3,3 %, stable puisqu’elle était de 3,5 % l’année précédente. Nous n’assistons pas à une explosion de plaintes concernant les cardiologues. Sur les 86 déclarations enregistrées en 2012, 16 ont donné lieu à des procédures civiles, 4 à des plaintes ordinales et 34 n’étaient que des réclamations qui ont été traitées soit par l’intermédiaire d’un avocat, soit par simple courrier. Enfin, il y a eu 32 saisines des Commissions de Conciliation et d’Indemnisation (CCI).

Concernant les motifs de déclaration, il est bon d’attirer l’attention des cardiologues sur celles mettant en cause les nouveaux anticoagulants (AntiCoagulants Oraux Directs ou AOD). Ils ont été à l’origine d’un seul recours en 2012, mais de trois l’année dernière. Les médecins ont tendance à oublier ou minimiser les risques du traitement. Le praticien doit vraiment être vigilant quant aux interactions avec d’autres médicaments (antiagrégants, anti-inflammatoires), contre-indiquer leur prise avec la pratique de sports violents et surveiller la fonction rénale du patient. Certains patients, en particulier les personnes âgées, ne comprennent pas toujours très bien les explications qui leur sont données, d’où l’intérêt des cartes conçues par les laboratoires et sur lesquelles figurent des renseignements précieux en cas d’incident (le produit prescrit, la posologie, etc.). Il est impératif de suivre les recommandations édictées par les sociétés savantes mais d’être également attentif à celles de la HAS et de l’Assurance Maladie qui ont tendance recommander aux médecins de ne pas prescrire d’AOD chez les patients équilibrés sous antivitaminiques. L’alternative existant, un praticien peut être amené à justifier sa prescription d’AOD s’il fait l’objet d’une plainte, car si elle n’est pas strictement conforme aux recommandations, il pourra se voir reprocher d’avoir privilégié ces nouveaux anticoagulants.