Entretien Me Frédérique Claudot  – « Avec un dossier médical bien tenu, on a rarement de problème »

Claudot Frederique 300pxAvocat, Me Frédérique Claudot est maître de conférence des universités-praticien hospitalier à l’université de Lorraine-CHU de Nancy, avocat et membre du groupe Ethique et responsabilité professionnelle de la SFC. Pour Le Cardiologue, elle explique ce qu’il faut entendre par une information « loyale, claire et appropriée » et insiste sur l’importance de la traçabilité de cette information dans le dossier médical du patient.

 

Les actions intentées par des patients à l’encontre de médecins pour manquement à l’obligation d’information quant aux risques encourus lors d’un traitement ou d’une intervention sont-elles nombreuses ?

Frédérique Claudot : La jurisprudence sur le défaut d’information est relativement importante, cependant, elle concerne peu le domaine de la cardiologie. Je rappelle que depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 1997, c’est au médecin de prouver qu’il a bien informé son patient. Ce principe jurisprudentiel a été consacré par le Code de la Santé Publique en (art. L. 1111-2).

Comment un médecin peut-il apporter cette preuve ?

F. C. : L’information donnée au patient peut être prouvée par tout moyen, mais le dossier médical constitue l’élément essentiel. La traçabilité est donc de toute première importance. Il ne s’agit pas d’écrire l’intégralité des informations qui ont été données, mais les éléments principaux et les points qui ont éventuellement nécessité des éclaircissements supplémentaires. Avec un dossier médical bien tenu, on a rarement de problème.

Quels conseils donneriez-vous aux médecins pour être certains d’être en conformité avec la loi sur ce point ?

F. C. : Je conseillerais aux médecins de lire attentivement les articles du Code de santé publique et du Code de Déontologie médicale qui portent sur cette obligation d’information et d’en bien comprendre les termes : l’information délivrée doit être « loyale, claire et appropriée ». Ensuite, il s’agit de bien cerner sur quoi doit porter l’information. Je leur conseillerais également de s’adapter au patient et de ne pas penser à sa place pour minimiser l’information sur les risques : certains patients veulent connaître tous les risques. Une fois l’information délivrée, j’insiste vraiment sur la nécessité de prendre le temps de la tracer dans le dossier médical.

Comment interpréter les termes « loyale, claire et appropriée » ?

F. C. : « Loyale », signifie sincère et conforme à la loi, ce qui suppose de connaître la loi. « Claire » signifie que l’information doit être aisément comprise, limpide – au sens propre « claire » signifie « qui émet de la lumière » – et que le médecin doit s’assurer que l’information délivrée à bien été comprise par le patient. Enfin « appropriée » signifie appropriée au patient et aux circonstances : on n’annonce pas de la même façon à un patient de 20 ans qu’il ne pourra pas devenir joueur de foot professionnel et qu’il va devoir réorienter sa carrière qu’à un patient de 65 ans qu’il va falloir espacer les compétitions de tennis le week-end. On n’informe pas de la même façon un patient de 15 ans, de 40 ans et de 75 ans – et tous les patients de 75 ans ne réagiront pas à l’identique –, un patient en consultation ou hospitalisé, dans sa chambre ou au bloc, francophone ou qui ne maîtrise pas bien le français, un patient atteint d’une maladie chronique éduqué et un patient en épisode aigu. Toutes ces circonstances influent sur la réceptivité du patient, sur la sidération, de même que la gravité du diagnostic et du pronostic.

L’information doit permettre au patient de prendre une décision concernant une intervention sur son corps, mais en réalité, sa décision concerne aussi sa santé, sa personne, sa future vie de tous les jours…

Les références : art. L. 1111-2 et art. R. 4127-35 du code de la santé publique

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