IGAS, après les pédiatres les cardiologues ?

L’IGAS (Inspection des Affaires Sociales) a publié son rapport sur la pédiatrie et l’organisation des soins de santé de l’enfant. Elle avait été mandatée en ce sens par le ministre des Solidarités et de la Santé. L’avenir nous dira ce que le ministre retiendra de ce rapport et des propositions qu’il contient, mais cette histoire nous confirme, à nous cardiologues, qu’il est important d’anticiper et de faire évoluer notre exercice professionnel avant d’y être contraint. Car c’est bien ce qui pend au nez de nos confrères pédiatres si le gouvernement décidait de suivre les recommandations de l’IGAS.

Dans leur rapport, les inspecteurs identifient une spécialité en crise, en premier lieu crise démographique, notamment en libéral, aggravée par le peu d’appétence des jeunes médecins à choisir la spécialité. La crise porte aussi sur l’organisation de la filière de soins où 85 % des consultations de ville sont assurées par des généralistes dont « la formation reste hétérogène et insuffisante au regard de ce rôle prépondérant ». Plus dur encore, elle pointe le rôle « déclinant » de la pédiatrie libérale qui ne se démarque pas dans ses missions de celles des médecins généralistes. 

Les remèdes proposés sont rudes. Réalisation de consultations autonomes en ville – certes en lien étroit avec un médecin – par les infirmières puéricultrices avec une nomenclature spécifique. Au pédiatre de ville revient un rôle d’expertise pour le médecin généraliste, de premier recours limité à des situations particulières, de suivi de certaines maladies chroniques. Le médecin généraliste formé à la santé de l’enfant assure toutes les autres situations, suivi des enfants ne présentant pas de pathologie chronique ni de facteur de vulnérabilité, suivi préventif et soins non programmés. Enfin le pédiatre hospitalier est dévolu à des missions très spécialisées, telles que le suivi des maladies rares et des maladies chroniques ne pouvant être prises en charge en ville, néonatologie, réanimation… tout en gardant une fonction de pédiatre généraliste ! Il est aussi recommandé l’appui d’assistants médicaux et tout de même une revalorisation des actes par l’Assurance-maladie. 

Priver les enfants du regard expert

Le Syndicat National des Pédiatres Français (SNPF) n’a pas manqué de réagir pour dénoncer le danger de priver les enfants du regard expert que seul le pédiatre de part sa formation peut avoir. Il met également en garde sur le risque d’errance diagnostic que ferait courir une pédiatrie de ville réduite à une deuxième ligne et au suivi des patients souffrant de pathologies chroniques. Mais il avance aussi des propositions autour d’une amélioration de la formation des médecins généralistes, de puéricultrices libérales, de maison de santé pluridisciplinaires de l’enfance, du renforcement du lien ville-hôpital et d’une meilleure organisation du parcours de soins. Il revendique non sans raison une meilleure reconnaissance de la spécialité.

Positionner la cardiologie libérale dans le système de soins

Pour nous cardiologues, ce récit ne peut que nous interpeler. Nous subissons une crise démographique, la cardiologie libérale n’attire guère les jeunes et la cardiologie « générale » encore moins. C’est le rôle du Syndicat National des Cardiologues de réfléchir à l’avenir de la profession et d’insuffler la démarche qui s’impose pour proposer des évolutions. Il le fait déjà depuis plusieurs années comme en témoignent les thèmes récurrents abordés dans sa communication et lors de ses assemblées générales. Il est l’un des rares syndicats à avoir réfléchi et écrit un projet politique pour positionner la place de la cardiologie libérale dans le système de soins. C’est aussi le rôle de chacun d’entre nous de prendre conscience des nouvelles attentes de la population et des tutelles pour enclencher cette profonde mutation de notre exercice.  

La cardiologie libérale doit faire face à trois grandes révolutions :

  • celle de l’exercice coordonné, pluridisciplinaire ancré sur les territoires,
  • celle des pratiques avancées
  • et enfin celle de l’intelligence artificielle.

A cet égard je ne peux que vous renvoyer à l’excellent article de François Dievart qui paraîtra dans la revue Le Cardiologue n° 441 de juillet-août prochains

Mais pour faire face à ces défis, il ne suffit pas de bonne volonté et d’abnégation, il faut des financements adaptés au risque de rester sur le quai et de voir partir un train avec à son bord seul le système public. Ce n’est pas un potentiel avenant conventionnel qui répondra à ces défis.

Espérons que la future convention médicale sera au rendez-vous, soyons sûrs que le Syndicat National des Cardiologues s’impliquera pleinement pour qu’il en soit ainsi. Il en va de la survie de la cardiologie libérale.

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