19 avril 2024

L’objectif de cet article est de préciser les points les plus importants à analyser au scanner, souvent l’élément clé de la discussion des cas limites, notamment chez les patients asymptomatiques, pour une indication la mieux adaptée au patient.

L’IMAGERIE PRÉ-TAVI POUR LE CARDIOLOGUE

Philippe Allouch, Julien Rosencher. Paris

POURQUOI UN CHANGEMENT DE PARADIGME DANS L’IMAGERIE DU RAC ?

La technique d’implantation de la valve aortique par voie percutanée (TAVI), dont nous fêtons les 20 ans cette année, est maintenant arrivée à maturité et place le scanner au centre de la prise en charge du rétrécissement valvulaire aortique (RAC) serré.

En effet, alors que la prise en charge du RAC était relativement simple (indication opératoire en cas de symptômes et de RAC serré), elle s’est modifiée, maintenant qu’il est justifié d’évaluer les dossiers en « Heart team » pour le choix entre une prise en charge chirurgicale ou percutanée.

Cette décision prend en compte les dernières recommandations mais également, pour chaque patient, le risque que l’on peut attendre de chaque technique en fonction de ses comorbidités et de son scanner. Le scanner est souvent l’élément clé de la discussion des cas limites, notamment chez les patients asymptomatiques pour lesquels il est maintenant possible de proposer une intervention préventive quand elle est jugée à faible risque.

ANALYSE DE L’ABORD VASCULAIRE

L’importante réduction de morbi-mortalité mise en évidence dans les études comparant le TAVI à la chirurgie est largement attribuée aux patients ayant eu un TAVI par voie fémorale, voie utilisée maintenant dans plus de 9 cas sur 10.

 

De ce fait, pour envisager un abord fémoral, plusieurs éléments doivent être analysés au scanner :

1. le calibre des artères doit être globalement > 5,5 mm. Cependant, ce diamètre varie en fonction de la perte de souplesse de l’artère, déterminée par la présence de volumineuses calcifications, surtout si celles-ci sont circonférentielles ;

2. la tortuosité des artères est également importante avec, de la même façon, une importance majeure de la présence associée ou non de calcifications les rendant rigides ;

3.  la hauteur de la bifurcation fémorale, qui peut être un obstacle si elle se trouve au niveau du point de ponction fémoral avec un risque d’inefficacité du système de fermeture artérielle ;

4. la présence d’athérome protusif aortique, au niveau de la crosse de l’aorte ou d’un anévrysme de l’aorte abdominale, augmente de façon importante le risque d’embolisation artérielle et d’AVC.

ANALYSE DE LA VALVE AORTIQUE

Cette analyse ne peut être réalisée qu’avec un scanner « synchronisé » aux battements cardiaques avec suffisamment de détecteurs (« barrettes »), et en systole. Le scanner a totalement remplacé l’échographie dans l’évaluation de la valve aortique en vue du choix de la prothèse (type de prothèse et taille).

 

Cette analyse comporte :

1. le score calcique valvulaire, utile en cas de doute sur la sévérité du RAC ;

2. la recherche de bicuspidie : elle ne contre-indique pas le TAVI mais nécessite une analyse plus minutieuse car le choix de la taille de la prothèse est plus complexe ;

3. la mesure de l’anneau aortique (structure anatomique virtuelle reliant le nadir de chacune des 3 cusps) est la mesure clé pour le choix de la taille de la prothèse pour diminuer le risque de complications ;

4. l’évaluation de l’importance des calcifications valvulaires et surtout dans la chambre de chasse, ces dernières augmentant significativement le risque de fuite périprothétique et de rupture d’anneau.

 

Quelques autres éléments analysés en  préimplantation

 

Enfin, plusieurs éléments doivent faire partie de l’analyse du scanner pré-TAVI :

1.  la hauteur des ostia coronaires et des sinus qui doit être suffisante pour éviter le risque d’occlusion coronaire ;

2.  l’incidence angiographique que l’on va mettre sur le tube pour aligner au mieux les 3 cusps de la valve avant le déploiement de la prothèse ;

3.  la taille du VG, influant notamment le choix de la taille des guides utilisés et le risque de mauvaise position de prothèse en cas de bourrelet volumineux ;

4.  l’analyse des coronaires afin d’éviter si possible une coronarographie en cas de normalité. Cependant, il est rare de pouvoir être formel et de garder une excellente valeur prédictive négative du coroscanner chez des patients très âgés, souvent calcifiés, et ne pouvant garder une apnée suffisante pour une analyse coronaire précise.

En Conclusion

 

Le scanner est devenu un élément central dans la prise en charge des RAC serrés car il permet d’estimer un risque « interventionnel » d’un TAVI. Ceci a un intérêt capital dans le choix de la technique à utiliser et de préparer au mieux l’intervention permettant de diminuer de façon considérable le risque de la procédure. On aura compris que le scanner pré-TAVI est indispensable, qu’il doit être de bonne qualité et être au moins thoraco-abdominal et, surtout qu’il doit être spécifiquement analysé par le cardiologue qui posera la prothèse valvulaire percutané.

Le Cardiologue n° 444 – Janvier-Février 2022

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