Intelligence artificielle, quelle place pour les médecins ?

L’irruption de l’intelligence artificielle (IA) dans notre environnement quotidien ne va pas sans soulever l’éternelle question du rapport de l’homme avec la machine. Les médecins sont d’autant plus interpellés que la santé est un des secteurs où les enjeux de l’IA sont les plus importants.

Le développement de l’IA est accéléré depuis quelques années par la conjugaison de la constitution de bases de données immenses dans le monde et l’augmentation permanente de la puissance de calcul des machines.

Tant que la machine effectuait des tâches répétitives, nous nous en félicitions. Elle devient aujourd’hui plus inquiétante par sa capacité à apprendre de ses propres comportements pour s’améliorer. Elle le sera encore plus demain, quand l’IA forte pourrait égaler ou dépasser le cerveau humain en acquérant des capacités décisionnaires.

Les conséquences de l’IA nous savons qu’elle interfère déjà dans le domaine du diagnostic, de la recherche et de l’imagerie médicale. En cardiologie nous connaissons la plate-forme Newcard pour la télésurveillance des insuffisants cardiaques, mais aussi Cardiologs qui, à partir d’une technologie de réseaux de neurones profonds, peut lire les enregistrements ECG de n’importe quel appareil numérique.

L’IA va aussi modifier les relations avec les autres professionnels de santé. Des infirmiers cliniciens en s’aidant d’outils informatiques suppléent les médecins pour certaines tâches jusqu’à la prescription de médicaments. Les chatbots (1) à l’image de l’expérience menée par le NHS peuvent se substituer à des professionnels de santé pour organiser les premiers soins. On devine tout l’intérêt de ce type d’organisation dans une période de crise démographique et de déserts médicaux.

Le développement de l’IA se heurte à des problèmes, éthiques par ses capacités d’analyses génomiques, juridiques par les risques d’atteinte de la vie privée et du secret médical. L’Ordre des médecins a d’ailleurs, en deux ans, publié deux rapports sur ce sujet.

La prise de conscience et la mise en place de mesures réglementaires ne peuvent se traiter qu’à l’échelon international, car l’IA dépasse les frontières. Le risque est de laisser le champ libre aux leaders que sont les entreprises américaines et chinoises pour qui ces sujets ne sont certainement pas une préoccupation majeure. La France ne sera audible que si elle se dote d’entreprises de haut niveau, les équipes humaines existent, aux politiques de les favoriser.

Le médecin va-t-il disparaître, comme certains le prédisent aux radiologues ? Le danger existe, mais on peut raisonnablement penser que l’enjeu est plus la transformation de son métier et sa fonction que sa disparition. L’IA lui enlèvera des tâches, mais elle lui apportera dans le même temps des informations et des dispositifs nouveaux, toujours plus performants. Il sera à la fois le scientifique qui s’approprie les nouvelles technologies et l’humaniste qui transmettra son savoir à son patient. Encore faut-il qu’il soit formé dans cette perspective !

(1) Un chatbot est un robot logiciel pouvant dialoguer avec un individu ou consommateur par le biais d’un service de conversations automatisées effectuées en grande partie en langage naturel.