Jean-Pierre Binon (Auvergne) : la coopération public/privé en pratique

Le Cardiologue : De quoi parle-t-on en ce moment chez les cardiologues auvergnats ?

Jean-Pierre Binon : On a évidemment entendu parler de la Loi HPST mais pas dans le détail ; il s’agit d’une réforme de structure, une de plus, qui finit par laisser les gens un peu blasés. Ce sont les textes d’application qui la rendront plus lisible : les réactions ne manqueront pas le jour, par exemple, où les médecins devront prévenir l’Ordre de leurs dates de vacances, le jour où le directeur d’ARS exigera d’eux plus d’implication dans les urgences, le jour où sera publié le SROS ambulatoire … Le gens ont besoin, pour mesurer la portée d’un tel texte, d’en « toucher du doigt » les conséquences concrètes dans leur exercice quotidien. Le problème du secteur optionnel, peut-être parce qu’il s’agit d’un sujet ancien, leur est plus familier. Ils savent maintenant que le dossier est censé être clos le 15 octobre, et ils attendent …

Le C. : … Attendent quoi, plus précisément ?

J.-P. B. :… Son ouverture à tous les médecins, et pas seulement à ceux qui travaillent en salle d’opération. Il y a une grande ambiguïté dans ce dossier : nos partenaires voudraient en profiter pour « éteindre » le problème du secteur 2, et les syndicats pour … débloquer la situation du secteur 1, figée depuis des années. Si la solution retenue est de n’ouvrir cette option qu’aux seuls secteur 2, sans rien offrir aux médecins de secteur 1, alors on s’expose à des problèmes. Syndicalement, il convient d’y être attentifs sauf à s’exposer à « des lendemains qui déchantent » ! Vous imaginez dans le même établissement un médecin qui aurait eu le droit au secteur optionnel et un autre pas ? Un médecin dont les dépassements seraient solvabilisés et l’autre qui en serait interdit. Je trouve la situation potentiellement plus injuste que l’actuelle.

Le C. : La démographie cardiologique est-elle, en Auvergne, spécialement « tendue » ?

J.-P. B. : Pas fondamentalement aujourd’hui mais sous quelques mois peut-être ! Les départs en retraite sont prévisibles à court terme et personne ne voit de candidat à l’installation ! Ce qui va bien finir par poser des problèmes, moins aux urgences sans doute, que dans la prise en charge des soins chroniques. A Montluçon, nos rendez-vous sont à 2 mois ! C’est sans doute l’agglomération en situation la plus fragile de la région !

Le C. : A Montluçon, vous avez notamment anticipé sur la Loi en créant, avant l’heure, un de ces GCS (Groupement de Coopération Sanitaire) justement promu par la loi HPST. Expliquez-nous en l’histoire et la finalité.

J.-P. B. : A Montluçon cohabitaient par le passé deux USIC dans deux établissements, l’un privé et l’autre public. Jusqu’au jour où l’hôpital a perdu ses forces vives. Pour sauver l’outil et, il faut bien le dire, garantir la pérennité de la cardiologie dans cette ville, il nous a fallu consentir un mariage « de raison », sous la forme d’un GCS (Groupement de Coopération Sanitaire). Qui, c’est original, est constitué de 3 composantes à égalité : la clinique, l’hôpital et les cardiologues ! Aujourd’hui, les urgences fonctionnent avec 7 cardiologues, 5 privés et 2 publics que l’hôpital a réussi à recruter sur la base de cette astreinte allégée. Je pense que l’USIC (installée dans le privé) fonctionne à la satisfaction générale mais l’élaboration des plannings reste toujours complexe … Il n’est pas si facile d’effacer une génération de concurrence.

Le C. : En fait, avec cette synergie public/privé dans la gestion des urgences, vous avez pris une longueur d’avance sur ce que l’on aurait fini par vous imposer…

J.-P. B. : Innover oui, en ce sens que tout le monde a parfaitement compris que c’était la voie obligée pour pérenniser l’outil de travail. Comment raisonner autrement aujourd’hui qu’en termes de territoires, de besoins à identifier, de moyens à mobiliser, … Pour autant, nous n’avons réalisé que la moitié du chemin, car les deux services fonctionnent indépendamment, sans cardiologie interventionnelle qui sera le deuxième étage de la fusée, à négocier avec le futur directeur d’ARS.