La palette dite du Tribut Libyen

368-369 – Christian Ziccarelli – La palette à fard dite du Tribut Libyen ou palette des Villes date de la période de Nagada III A-B soit entre 3200 et 3100/3000 avant notre ère. Elle fait partie d’un de ces trésors méconnus par le grand public que recèle le musée du Caire. 

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Les premiers noms royaux. On voit apparaître la multiplication de symboles royaux, associant un ou deux faucons à un ensemble d’autres signes : rectangles décorés dans la partie basse de stries avec un pictogramme, le nom du roi, représentant du dieu faucon – Horus – sur terre.

La civilisation dite de Nagada, du nom d’un site de la Haute Egypte apparaît vers 3800 ans avant J.-C.. Elle est connue grâce au contenu luxueux des tombes témoin déjà d’une croyance dans l’au-delà et du haut degré atteint par l’artisanat.
On distingue trois époques en fonction du type de poterie. Nagada I (3800-3500 av. J.-C.), Nagada II (3500-3200 av. J.-C.) et la période de notre palette, Nagada III (3300-2700 av. J.-C.). Nagada III se divise en Nagada III A-B ou dynastie O (3200-3100/3000 av. J.-C.) et Nagada III C ou première dynastie (3100/3000-2700 av. J.-C.). Nagada III A-B voit l’apparition des premiers « Horus » et la question de l’unification des deux terres de la Haute (le Sud) et de la Basse Egypte (le Nord, le Delta du Nil), l’un des premiers grands états qu’ait connu l’humanité. La palette du Tribut Libyen en serait l’une des illustrations, elle atteste aussi de la naissance de l’écriture et est une évocation du serekh « standard » (voir encadré en fin de page).

 

 

 

 

 

 

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Tombe 100 à Hierakonpolis

De profonds bouleversements sociaux ont eu lieu entre Nagada II et la première dynastie, décrits pour la première fois en 1939 par Petrie, un archéologue britannique. Il avait constaté une véritable rupture marquée par une invasion en Haute Egypte de populations orientales. Les gravures rupestres retrouvées sur la tombe 100 à Hierakonpolis les montrent, sans soucis de réalisme, sur des bateaux à fond plat, chassant ou domptant les animaux sauvages. On découvre une des premières figurations d’un personnage dit le « maître des animaux sauvages » bien connu en Mésopotamie.

 

Vers 3100 avant notre ère, naissent de véritables centres politiques (Abydos, Hierakonpolis) avec l’assimilation progressive du Nord par le Sud dont le point d’aboutissement sera l’unification par le roi Narmer de la Haute et de la Basse Egypte. Pour découvrir la qualité et le luxe de leurs artisanats, il faut se rendre au Louvre pour admirer notamment le couteau de Gebel el-Arak et la palette historiée du roi Narmer.

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Palette du Tribut Libyen

Cette palette réalisée en grauwacke, une pierre noire extrêmement résistante, provient des mines du ouadi Hammamat situées dans le désert arabique entre le Nil et la mer Rouge. Une cuvette centrale servait à broyer les produits cosmétiques. Au cours du temps, elles ont perdu leur fonction utilitaire pour devenir des objets de commémoration ou de culte.
Sur l’une de ses faces au premier registre sont sculptés en bas reliefs des végétaux, puis dans les registres supérieurs une suite de chèvres, d’ânes, de béliers, de bœufs. Est-ce une liste de produits apportés par les vaincus ou une domination de l’homme sur la nature ?
La réponse n’est pas univoque. Les différentes palettes de la même époque sont la démonstration du roi victorieux de ses ennemis, mais aussi du roi dominant le chaos, la nature.
La face principale a été surtout étudiée, très riche sur le plan de l’iconographie. Témoin de la naissance de l’écriture, des premiers hiéroglyphes, elle évoque soit la domination des cités soit leur fondation et le futur serekh par la présence du faucon symbole du roi. Sept bas-reliefs montrent des enceintes crènelées qui enserrent une série de petits carrés et un ou plusieurs signes hiéroglyphiques, probablement des noms de villes (?). Au-dessus de ces enceintes figurent des animaux et des enseignes, pourvus à chaque fois d’une houe, le symbole par excellence en Egypte de la fondation d’une ville (creusement du sillon délimitant la cité). Sur le premier registre on peut observer la figuration d’un faucon « Horus », d’un scorpion et d’un lion, qui sont l’image du ou des rois vainqueurs.
Cette palette est bien l’émergence d’un fort pouvoir royal n’hésitant pas à recourir à la violence pour soumettre les cités. La forme particulière des enceintes rectangulaires aux angles arrondis est à rapprocher des découvertes archéologiques à Abydos et Hierakonpolis.

 

Les premiers hiéroglyphes (une représentation de l’objet via des pictogrammes), listes de comptes ou étiquettes de produits, inscrits sur des plaquettes d’ivoire, de bois ou de papyrus, sont apparus en même temps que la constitution du royaume unifiant Haute et Basse Egypte vers 3000 ans av. J.-C. Au cours du temps les hiéroglyphes vont devenir une écriture de plus en plus cursive, pour finalement avoir un pouvoir magique. Le hiératique apparaît vers 2500 av. J.-C., le démotique vers 700, 650 av. J.-C. En août 1799, lors de l’expédition de Napoléon en Egypte, en creusant des tranchées au fort Julien à Rosette, non loin de la bouche occidentale du Nil, on découvrit un bloc de basalte, dont la face antérieure était gravée de trois sortes d’écritures et de langues, la partie supérieure était écrite en hiéroglyphes, celle du milieu en démotique, celle en dessous en grec. La pierre de Rosette fut traduite par François Champollion en 1822 alors que depuis 300 ou 400 ap. J.-C. on ne savait plus lire les hiéroglyphes…

 

FauconLe serekh

Le serekh se présente comme un rectangle entourant le nom hiéroglyphique du roi, surmonté d’un faucon (symbole du Dieu Horus) et placé au-dessus de la façade du palais royal. Le rectangle pourrait figurer un plan de ce même palais. Ce qui accréditerait la thèse qui voit dans le serekh, à l’instar du cartouche, une protection du nom du roi, contre les forces négatives. Ils apparaissent incisés ou peints dès le début de Nagada III A-B parfois vides, parfois chargés d’un mot illisible.

 

 

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