La question du temps de travail met le feu aux poudres

Tandis que les mesures obtenues à la fin de l’année dernière par les urgentistes sont décriées par les trois conférences des présidents de CME, une deuxième journée de grève amplifie le mouvement de contestation des agents de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l’encontre de la tentative du directeur général, Martin Hirsch, de renégocier l’accord sur els 35 heures.

382 – Les trois conférences de présidents de CME ont demandé à rencontrer Marisol Touraine pour évoquer avec elles les conséquences désastreuses que pourraient avoir les nouvelles mesures sur le décompte du temps de travail des praticiens hospitaliers. Les trois présidents (Pr Guy Moulin pour les CHU, Frédéric Martineau pour les CH et Christian Müller pour les CHS) font référence à l’accord passé en décembre dernier entre la ministre et l’Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF) sur la détermination d’une obligation de service de 39 heures de travail posté par semaine et d’un temps de travail non clinique forfaitisé dans les structures d’urgences et SAMU-SMUR. « Au-delà de sa grande complexité dans le décompte du temps de travail, ce dispositif constitue un authentique changement de paradigme pour le monde hospitalier », expliquent les présidents dans une lettre adressée à la ministre. Ils expriment la crainte de nombreux médecins d’une « fracture au sein des communautés médicales à la suite de mesures catégorielles » et estiment que, si ce dispositif était étendu à d’autres catégories de praticiens hospitaliers, cela aurait des conséquences organisationnelles, démographiques, mais aussi sociologiques et financières qui n’ont fait l’objet « d’aucune étude d’impact ». Les trois conférences s’inquiètent de « la mise en œuvre de ces orientations qui sont de nature à augmenter de façon sensible les dépenses, soit au titre des recrutements, soit du fait de la mise en œuvre de rémunérations complémentaires pour le temps clinique posté au-delà du forfait de 30 heures hebdomadaires » et ce dans un contexte où le plan ONDAM 2015-17 « conduit les ARS à exiger des établissements une maîtrise très forte des dépense de personnel médical et non médical ».

Le moins que l’on puisse dire est que les positions des présidents de CME ont été mal accueillies par les syndicats hospitaliers. Avenir hospitalier et la Confédération des Praticiens des Hôpitaux (CPH) ont exprimé leur « consternation » et déplorent que les représentants institutionnels n’aient « d’autre stratégie que de réclamer la non-application ou le report de textes législatifs et réglementaires dès lors qu’ils sont favorables aux salariés ». De son côté, le Syndicat National des Praticiens Hospitaliers Anesthésistes-Réanimateurs Elargi (SNPHAR-E) a évoqué un « sabotage » de la mission menée par Jacky Le Menn sur l’attractivité médicale des hôpitaux par « les forces occultes de l’orthodoxie budgétaire » des hôpitaux.

 

C’est lors de la cérémonie des vœux que Martin Hirsch avait annoncé le lancement d’une « réflexion ambitieuse sur l’organisation des rythmes de travail ». Actuellement les personnels de l’AP-HP travaillent 7 h 36 ou 7 h 50 par jour, dépassant les 35 heures hebdomadaires et les minutes accumulées génèrent des milliers de jours à rattraper RTT. Mais pour faire face au manque d’effectifs, les RTT sont souvent annulées au dernier moment et des mensualités de remplacement dépensées en catastrophe. Face à cette situation, Martin Hirsch estime que l’organisation du travail peut être adaptée « avec un plus grand nombre de personnes travaillant 7 heures par jour et d’autres peut-être 10 heures si cela permet de mieux ‘coller’ au cycle de soins pour les patients et de mieux utiliser les blocs opératoires ». Les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les propositions de la direction vont se traduire par une réduction du nombre de RTT, des suppressions d’emplois et une dégradation de la qualité de vie au travail des personnels qui devront faire en 7 heures ce qu’ils n’arrivent déjà pas à faire en 7 h 36. Martin Hirsch, qui n’est juridiquement pas tenu de trouver un accord avec les syndicats pour faire appliquer la réforme, assure qu’il souhaite cependant en trouver un. Pour l’instant, c’est mal parti.