Le DPC sur les rails

348 – On n’osait plus y croire, mais les ultimes jours de l’année 2011 ont enfin vu la parution au Journal Officiel de six décrets relatifs au  dispositif de Développement Professionnel Continu et à l’organisme gestionnaire du DPC. En outre, une nouvelle salve de cinq décrets est parue les tout premiers jours de janvier qui vont permettre la mise en place des Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI). Ainsi, le dispositif se dessine plus clairement aujourd’hui. Il ne manque plus que les arrêtés de nominations des membres des CSI et de constitution de l’OG-DPC pour qu’il puisse être pleinement opérationnel au 1er janvier 2013.  

L’architecture du dispositif

Qu’ils soient libéraux, salariés ou hospitaliers, tous les médecins devront donc désormais satisfaire à l’obligation du DPC. «  Le DPC comporte l’analyse par les médecins de leurs pratiques professionnelles ainsi que l’acquisition ou l’approfondissement de connaissances ou de compétences », disent les textes. Pour satisfaire à cette obligation, les médecins devront participer au cours de chaque année civile « à un programme de développement professionnel continu collectif annuel ou pluriannuel ». Ce programme devra être conforme « à une orientation nationale ou à une orientation régionale de DPC », comporter « une des méthodes et des modalités validées par la Haute Autorité de Santé après avis de la commission scientifique indépendante des médecins ». Ces méthodes et modalités « précisent les conditions qui permettent d’apprécier la participation effective, en tant que participant ou en tant que formateur, à un programme de DPC. La liste des méthodes et modalités est élaborée avec le concours d’un organisme composé des Conseils Nationaux Professionnels (CNP), et est fixée par la HAS après avis de la CSI (voir entretien avec Jean-François Thébaut). Le programme doit également être mis en œuvre par un organisme de DPC enregistré auprès de l’organisme de gestion du DPC (OG-DPC). A noter que l’obtention au cours de l’année civile d’un DU évalué favorablement par le CSI en tant que programme de DPC peut permettre à un médecin de remplir son obligation.
Les orientations nationales du DPC sont annuelles ou pluriannuelles. C’est le Ministre de la Santé qui en arrête la liste chaque année, après avis de la CSI des médecins. Au sein du conseil de surveillance de l’OG-DPC, le groupe des professionnels de santé peut soumettre des propositions d’orientations à la CSI. Les ARS peuvent également compléter ces orientations nationales par des orientations régionales élaborées en fonction de leur projet régional de santé, et soumises à l’avis de la CSI.
Pour effectuer son programme, le médecin peut choisir en toute liberté l’organisme de DPC de son choix parmi. Mais attention ! L’enregistrement de cet organisme auprès de l’OG PDC ne suffit pas, et le médecin devra être attentif à savoir, lors de son inscription, s’il a obtenu une évaluation favorable du CSI, car dans le cas contraire, « l’obligation de DPC est réputée non satisfaite ».

Le contrôle

L’Organisme de DPC délivre au médecin une attestation justifiant de sa participation à un programme de DPC au cours de l’année civile, et la transmet dans le même temps au conseil départemental de l’Ordre dont il relève. Ledit conseil départemental doit vérifier au moins une fois tous les cinq ans, et sur la base des attestations de participation transmises par les organismes de DPC, que le praticien s’est acquitté de son obligation annuelle de DPC. Si tel n’est pas le cas, le conseil départemental lui en demande les raisons. Au vu de ses réponses, l’Ordre « apprécie la nécessité de mettre en place un plan annuel personnalisé de DPC et notifie à l’intéressé qu’il devra suivre ce plan ». La non-réalisation de ce plan peut constituer un cas d’insuffisance professionnelle pour lequel le médecin peut être sanctionné par une mesure disciplinaire relevant du Conseil Régional de l’Ordre.

Le financement 

Ce n’est pas, comme l’on peut s’en douter, la partie la plus claire du nouveau dispositif, et les décrets parus disent bien qui délivre les fonds et sous quelle forme, mais pas d’où viennent les fonds ni, bien sûr, à combien ils se monteront. Tout au plus sait-on que l’OG-DPC sera financé par des fonds conventionnels dont le montant sera déterminé par les partenaires conventionnels ou à défaut le directeur général de l’UNCAM, (dotation conventionnelle pour les médecins libéraux = 80 millions d’euros en 2011 et 2012, ndlr) et par  une partie de la nouvelle contribution de l’industrie pharmaceutique créée par la loi de renforcement de la sécurité sanitaire (le chiffre de 150 millions d’euros a souvent été évoqué). Tous les espoirs comme toutes les craintes sont permis…
C’est l’OG-DPC qui finance le DPC des médecins libéraux « dans la limite d’un forfait ». « Sont pris en charge dans la limite de ce forfait les frais facturés aux professionnels de santé par les organismes de DPC, les pertes de ressources des professionnels libéraux ainsi que les frais divers induits par leur participation à ces programmes ».

Le tout-puissant OG-DPC

Il fait à lui seul l’objet d’un volumineux décret ! C’est qu’il détient à peu près tous les pouvoirs au centre du dispositif de DPC. Il est composé d’un conseil de gestion, d’un conseil paritaire et d’un conseil de surveillance, composés à égalité de représentants de l’Etat et de l’Assurance maladie d’un côté, et de représentants des professionnels de l’autre. Le conseil de gestion a un rôle administratif et publiera sur un site dédié la liste des programmes de DPC, celles des opérateurs de DPC enregistrés et les résultats de leur évaluation par le CSI.
Pour les professionnels libéraux, le comité paritaire est organisé en section (une par profession). Chacune détermine pour les professionnels concernés les montants des forfaits de DPC en fonction du coût des programmes. Quant au conseil de surveillance, c’est lui qui dresse chaque année le bilan de la mise en œuvre du DPC et qui contrôle l’utilisation des fonds du DPC par les professionnels de santé.

Les commissions scientifiques indépendantes

Pour chaque profession, c’est au CSI qu’il revient d’évaluer les organismes de DPC au moment de leur enregistrement par l’OG-DPC, ainsi que d’émettre des avis sur les orientations nationales et régionales du développement professionnel continu. Les CSI établiront également la liste des DU qui seront considérés comme équivalents à un programme de DPC, et ils édicteront les conditions dans lesquelles les associations peuvent soumettre un nouveau dossier. A la demande de l’OG-DPC, un CSI pourra effectuer une expertise.
Les membres des CSI sont nommés pour trois ans. Le CSI des médecins sera composé de 28 membres, dont 22 représentants des CNP, dont 5 pour la médecine générale. Nouvelles règles de transparence obligent, les membres des CSI devront remplir une déclaration d’intérêts et seront soumis au devoir de confidentialité. Ils ne pourront siéger également à l’OG-DPC et ne pourront être administrateurs ni salariés d’un organisme de DPC.

 

Les cardiologues ont pris de l’avance

Les cardiologues peuvent être fiers ! Le troisième Livre blanc de la cardiologie paru en 2008 déclinait dix propositions pour l’avenir de la cardiologie libérale, dont la première était : « Créer un conseil national de professionnel de cardiologie » ! Dès l’année précédente, un Conseil national professionnel avait vu le jour dont l’objectif initial était de « coordonner l’action des diverses composantes de la profession sur la double thématique de la FMC et de l’EPP ». 

Aujourd’hui encore, à la veille de l’avènement du DPC, la profession est sur la ligne de départ. « Nous avons pris un peu d’avance, commente Christian Zicharelli, le président du SNSMCV. Dès 2010, l’UFCV a mis en place des programmes de DPC  accepté par l’organisme de gestion de la FPC, et qui associent le perfectionnement des connaissances et l’évaluation des pratiques avec un système d’indicateurs étudiés avant et après la formation. »

Pour Jean-Marc Davy, rsponsable de la commission FMC/EPP de la SFC et secrétaire général du Conseil National Professionnel de Cardiologie, « il est important que le CNPC saisisse l’occasion du démarrage du DPC pour montrer comment la cardiologie entre de façon unitaire dans le dispositif en établissant des procédures indépendantes et en suivant les orientations nationales ». Il souligne que la cardiologie avait trois structures agréées par le CNFMC pour la FMC et deux agréées par la HAS pour l’EPP, auxquelles s’ajoute l’agrément de Cardiorisq porté par le CNPC pour l’accréditation des médecins. « Dans ce contexte, il existe sûrement une dynamique pour un DPC porté par la profession tout entière, déclare Jean-Marc Davy. Pour autant, de nombreux cardiologues suivent des formations d’excellentes qualité, mais qui ne rentrent pas tout à fait dans le cadre du DPC, et je crois qu’il faudra que se poursuive cet aspect vivant de la formation. La cardiologie est une discipline responsable et qui se forme en permanence. »

 

Entretien Bernard Ortolan

« Toutes les craintes ne sont pas encore dissipées »

Si Bernard Ortolan, ex-président du CNFMC des médecins libéraux, se félicite de la parution des décrets du le DPC, il souligne néanmoins que d’autres textes sont encore à venir pour que le dispositif soit opérationnel.

L’expert en FMC que vous êtes doit se réjouir de voir le DPC enfin sortir des limbes ?

Bernard Ortolan : « Enfin » est le mot, car depuis l’obligation de formation instaurée par les ordonnances Juppé en 1996, nous avons vécu quinze ans de faux départs. Enfin, le dispositif du DPC va pouvoir s’appliquer. Néanmoins toutes les craintes ne sont pas encore dissipées, car des textes manquent encore pour qu’il soit tout à fait opérationnel. Il manque en particulier la convention constitutive du GIP entre l’Etat et l’UNCAM  permettant la création et le fonctionnement de l’OG-DPC, et fixant la représentation des différentes composantes : organisme de gestion, conseil des commissions paritaires par branche et par profession de santé, et comité de surveillance. Les règles de composition sont encore assez floues. Sans convention constitutive, le dispositif de DPC ne peut pas fonctionner. Or, le texte est attendu pour la fin avril, ce qui est à la fois un peu trop loin, mais aussi un peu trop proche de certaines élections présidentielles ! La crainte d’un dispositif inachevé risquant d’être inappliqué n’est pas tout à fait écartée, nous en avons vu d’autres durant quinze ans, et « chat échaudé »…

Soyons optimistes, et parions sur la sortie de tous les textes. Reste le problème du financement ?

B. O. : Là encore, rien n’est sûr et tout est à craindre, y compris la disparition de l’enveloppe conventionnelle. Si elle est maintenue à son niveau actuel de 70 millions d’euros, ajoutée à la contribution de 150 millions de l’industrie qui ira pour moitié à l’hôpital et pour moitié aux médecins libéraux, soit 75 millions pour chacun, la mise serait doublée. Ce qui ne serait pas si mal, même si c’est encore insuffisant pour financer le DPC de tous les médecins. Avec un forfait de 500 euros par an et par médecin, nous n’irons pas très loin, et les opérateurs risquent d’être très mal. D’autant que dans le système DPC, le forfait comprend tout. Aujourd’hui, l’opérateur touche son forfait, et le médecin son indemnité pour perte de ressources et ses frais. Mais le forfait DPC englobe tout.

 

Entretien Jean-François Thébaut

« Il revient à la HAS de définir ce qu’est un programme de DPC »

Membre du Collège de la HAS et président de la Commission amélioration des pratiques et sécurité des patients, Jean-François Thébaut précise le rôle de la Haute Autorité de Santé dans le dispositif de DPC. 

Pouvez-vous nous préciser quel va être le rôle exact de la Haute Autorité de Santé dans le nouveau dispositif de DPC ?

Jean-François Thébaut : Le rôle de la HAS est très précis. Les professionnels de santé sont donc désormais tenus de suivre un programme annuel associant une phase d’évaluation et une phase de la formation. Dans ce cadre, la HAS devra valider toutes les méthodes de FMC et d’EPP pour toutes les professions de santé et tous les types d’exercice. Une liste sera établie regroupant par famille les différentes méthodes : formation cognitive, formation réflexive, analyse des pratiques (registres, groupes de pairs..), gestions des risques ( accréditation, RMM…), simulation en santé, etc.
Pour les médecins,un premier travail a déjà été réalisé,  notamment avec la FSM, qui servira de base à l’établissement du cahier des charges de l’OG DPC, et qui sera élargi aux méthodes cognitives. Mais pour les autres professions de santé, ce travail est en cours. Pour les médecins, Il sera réalisé avec le concours de la FSM et après avis des CSI. A la HAS, des groupes de travail vont se constituer pour écouter toutes les parties prenantes. Un gros travail est donc à faire cette année pour établir une liste exhaustive qui concerne chaque profession et chaque type d’exercice. Cette liste sera ensuite soumise à un groupe de travail interface FSM/CSI, et sera examinée par le Collège de la HAS avant validation et publication.  D’autre part, nous allons déterminer avec les conseils nationaux professionnels des programmes types comportant plusieurs méthodes et adaptés à chaque type d’exercice. Chaque CNP proposera à ses membres de choisir des types de programme correspondant à leur exercice.

Selon les textes, chaque professionnel doit s’acquitter annuellement d’un « programme de DPC ». Mais que doit-on entendre exactement par « programme de DPC » ? Que doit-il comprendre, de quelle durée doit-il être ?

J.-F. T. : Ce qui est certain, c’est que le système de points ou de crédits cumulables est abandonné. Il revient à la HAS de préciser ce qu’est un programme de DPC. A cet égard l’accréditation des spécialités à risque peut servir de prototype au DPC. Tous les programmes comportent quatre volets et tous les items doivent être remplis.

La HAS n’a plus la fonction d’agrément des organismes d’évaluation qu’elle avait auparavant ?

J.-F. T. : La mise en conformité avec la directive européenne sur les services fait que les organismes de formation ne peuvent être « agréés » mais qu’ils doivent être seulement « enregistrés ». Les opérateurs de DPC seront donc enregistrés auprès de l’OG-DPC, et évalués par les CSI. Si cette évaluation s’avère négative, ils ne seront pas subventionnés, leurs actions ne seront donc pas validées, et les médecins qui les auront suivis ne pourront donc pas s’en prévaloir pour justifier de leur obligation de DPC.
Les seuls organismes que la HAS et habilitée à agréer le sont au titre de l’accréditation des spécialités à risque, dans le cadre de la sécurité des soins qui échappe à la directive européenne au titre de la subsidiarité.