Le Gattamelata

La statue équestre en bronze du Gattamelata trône sur un piédestal, sur la piazza del Santo à Padoue devant la basilique de Saint Antoine. A l’origine, ce lieu entouré d’une enceinte était un cimetière, une œuvre de Donatello réalisée entre 1446 et 1450, en fait le monument funéraire du Condottiere Erasmo da Narmi appelé le Gattamelata. 

Donatello, un sculpteur de bronze reconnu

Donato Bardi, dit Donatello, né à Florence probablement en 1386/1387, fit ses premières armes dans l’atelier de Lorenzo Ghiberti (1) en participant à la réalisation des vantaux en bronze de la porte nord du Baptistère St Jean, un pendant à celles datant de 1336 de Nicolas Pisano.

Il est remarqué dès 1406, pour la qualité de ses travaux à la Cathédrale Santa Maria Del Fiore. Les sculptures des statues en marbre pour l’église d’Orsanmichele (2) (Saint Marc 1411-1413, Saint Georges,  la plus importante de ses œuvres de jeunesse, en 1416-1417) lui permettent d’accéder aux grands chantiers de la sculpture florentine. En 1423, pour une niche extérieure d’Orsanmichele, il conçoit sa première grande sculpture en bronze doré, le Saint-Louis de Toulouse (3). Lorenzo Ghiberti avait conçu, également pour Orsanmichele un Saint Jean Baptiste monumental, en bronze, dont la hauteur atteignait 2,55 m. Le Saint Louis de Toulouse  prouve le niveau technique auquel était parvenu Donatello dans l’art de la fonte du bronze. Réalisés en plusieurs morceaux ceux-ci après dorure ont été remontés en débutant par le bas de façon à ce que chaque partie se superpose à la précédente. Reconnu comme sculpteur de bronze, il reçoit de nombreuses commandes. Citons un monument funéraire pour l’antipape Jean XXIII alliant marbre et bronze doré (Il s’allie alors avec Michelozzo, un expert florentin de fonte du bronze), pour l’opéra del Duomo de Sienne le festin d’Hérode, la foi et, en 1430, le fameux  David nu placé au départ dans la cour du palais Medici Riccardi, aujourd’hui au musée du Bargello

Pour notre sujet, il est intéressant de noter qu’il fit alors un voyage à Rome en 1432-1433 où il n’a pas manqué de voir la fameuse statue équestre en bronze de Marc Aurèle.

De 1443 à 1453, il effectue un long séjour à Padoue, où il exécute plusieurs œuvres pour la basilique de Saint-Antoine : un immense crucifix puis un ensemble appelé autel du Santo, également en bronze comptant en tout 29 sculptures et bas-reliefs dont le miracle de la mule (4). Parallèlement, il travaille à la conception de la statue équestre du Gattamelata, au moment où il est au faît de son art. Donatello meurt à Florence le 13 décembre 1466.

Gattamelata, le chat rusé, un condottiere

Erasmo da Narni dit le Gattamelata, né en 1370 à Narni en Ombrie, est mort le 16 janvier 1443 à Padoue. Il fut l’un des condottieri les plus célèbres, avec Francesco Sforza, Alfonse d’Este, Federico de Montefeltro. L’Italie, depuis 1200 environ, est un assemblage de villes-états indépendantes se faisant mutuellement la guerre pour la conquête ou la défense de leur territoire et de leurs prérogatives commerciales. Ces cités font régulièrement appel aux condottieri, chefs de soldats mercenaires, ainsi le Gattamelata a servi successivement le pape, Florence et Venise, lors de combats contre les Visconti de Milan.

Padoue, un grand lieu de pèlerinage

Padoue fut, à partir du siècle IV avant J.C., le plus important centre des Vénètes, puis l’une des villes les plus prospères de l’Empire Romain.  Entièrement détruite par les Lombards en 602, elle renaît progressivement de ses cendres et devient au XIIe siècle une libre commune.  Au cours du Moyen Age, Padoue devient un grand centre universitaire et de pèlerinage. Fondée depuis 1222, l’université de Padoue attire les étudiants de l’Europe entière. La basilique Saint-Antoine, construite entre 1232 et 1300 dans un style de transition romano-gothique, abrite le tombeau de Saint Antoine, un moine franciscain né en 1195 et mort à l’âge de 36 ans, objet d’une grande vénération.

Elle connut l’apogée de sa puissance politique grâce à la Seigneurie de la Famille Da Carrara (1338-1404), une période de grande prospérité économique et artistique. Sous  la domination de la république de Venise depuis 1405, elle reste malgré tout un grand centre artistique comme en témoigne notamment les œuvres conservées à l’intérieur de la basilique.

La Statue du Condottiere

La statue équestre du Gattamelata, une commande du fils de ce dernier, a été érigée en 1453.

Cette statue équestre colossale (H 340 x l 390) est la première œuvre en bronze de cette importance réalisée depuis celle de Marc Aurèle à Rome et le premier monument consacré à un condottiere. Une telle réalisation demande non seulement une somme d’argent considérable mais exige également une haute technicité dans l’art de la fonte.

Cette statue en ronde de bosse était située à l’origine dans un cimetière en plein air et destinée à être vue sur tous les angles. Si la hauteur du piédestal rend impossible de voir nombre de détails, le Gattamelata était visible de loin et s’imposait à tout pèlerin venant à la basilique Saint Antoine…

1/ Lorenzo Ghiberti (1378-1455) : Ghiberti remporte le concours organisé par la corporation des marchands en 1401 (sacrifice d’Isaac) pour la réalisation des vantaux  en bronze de la porte nord du baptistère Saint Jean ; cette date marque, par convention, le début de la Renaissance en Italie. Sept concurrents étaient en liste dont Brunelleschi. 
2/ Orsanmichele : l’église Orsanmichele (1337) était l’un des carrefours commerciaux religieux les plus importants de Florence, proche de la place du Palazzo Vecchio. 
3/ Saint-Louis de Toulouse (H 2,85, l 1,10, pr 0,80 m) : né en 1274 à Brignoles mort en 1297 à l’âge de 23ans, fils de Charles II d’Anjou et de Marie de Hongrie, ordonné évêque de Toulouse en 1296 et canonisé en 1317. 
4/ Le miracle de la mule montre la virtuosité de Donatello à manier la perspective mise en pratique par Brunelleschi dés 1420. La scène raconte un des miracles de Saint-Antoine de Padoue : en réponse à un hérétique l’ayant bravé en lui disant qu’il croirait en Dieu quand sa mule le ferait également, Antoine présenta à la bête une hostie qui la fait docilement s’agenouiller devant l’autel de l’église.
 
Bibliographie[1] Charles Avery. La sculpture florentine de la Renaissance. Livre de poche 1970.

[2] Marc Bormand, Béatrice Paolozzi Strozzi. Le printemps de la Renaissance, la sculpture et les arts à Florence 1400-1460 Catalogue d’exposition. Edition du Louvre 2013.

[3] Gaeta Bertela. Donatello Edition Beccoci. Firenze. 1984.

[4] Neville Rowley. Donatello. La Renaissance de la sculpture. Edition A propos. 2013.

[5] F. Bacou, F. Baratte et coll. Les Chevaux de St Marc. Le Petit Journal 1981.

[6] Richard Truner. La Renaissance à Florence. Flammarion « Tout l’art ». 1997.