Le jour où la Chine va gagner

Ou très anti-américain ? Ce livre est écrit par un diplomate qui a été dix ans l’ambassadeur de Singapour aux Nations-Unies et qui a présidé le conseil de sécurité de l’ONU en 2001-2002. C’est dire qu’il a une vision globale des enjeux de ce qui est décrit comme le conflit sino-américain qui devrait en tout ou partie structurer le XXIe siècle : « Les forces et faiblesses respectives des systèmes politiques américains et chinois forment la matière principale de ce livre ».

Si l’auteur décrit plusieurs des torts reprochés à la Chine, il les pondèrent rapidement en décrivant les vicissitudes américaines et les raisons poussant la Chine à agir d’une certaine façon. 

Ainsi, par exemple, pour justifier la politique chinoise contre une partie de son peuple, les Ouïgours, l’auteur rappelle que la Chine a aussi été confrontée après 2001 à des attentats terroristes islamistes, comme par exemple, celui « au cours duquel les assaillants, à bord de deux voitures, ont écrasé des passants et fait sauter des explosifs dans un marché bondé » ou celui où « des individus armés de couteaux avaient tués 29 personnes dans une gare de la ville de Kunming ». 

Et en parallèle, de rappeler le nombre de victimes civiles afghanes et irakiennes consécutives aux guerres américaines après le 11 septembre 2001, ainsi que l’usage de la torture, d’abord à Guantanamo, puis après, pour échapper aux problèmes juridiques, dans certains pays où les prisonniers étaient transférés. 

Sans oublier le coût de telles interventions, chiffré en milliards de dollars. Somme qui, pour l’auteur, aurait été mieux investie dans le système éducatif, sanitaire et de transport terrestres américains. 

L’illusion du mythe américain

Il rappelle ainsi que le mythe américain d’une possibilité d’ascension sociale pour tous est devenu une illusion et que le pays semble dirigé et tenu par une ploutocratie financière. Ainsi, aux Etats-Unis, « … un enfant de quatrième (13 ou 14 ans) issu de la tranche de revenu la plus basse obtenant des notes en mathématiques dans le quart supérieur a moins de chance de décrocher son diplôme qu’un enfant issu de la tranche de revenus la plus élevée obtenant des notes dans le quart inférieur ». Il fait le parallèle avec ce qu’il juge être le système méritocratique très sévère permettant d’accéder aux plus hautes fonctions au sein du PCC.

En parlant du respect des droits, il rappelle ce que John Bolton, conseiller du Président Trump, avait officiellement déclaré : « Ce serait une grave erreur pour nous d’accorder une quelconque validité au droit international, même si cela peut sembler dans notre intérêt à court terme car, à long terme, l’objectif de ceux qui pensent que le droit international a un sens sont ceux qui veulent étrangler les États-Unis ».

Les points de « non-contradiction »

Et l’auteur de conclure qu’en fait, entre la Chine et les Etats-Unis, il y a de nombreux points de « non-contradiction » pour ne pas dire d’accords sur ce que devrait être l’évolution du monde et de leurs sociétés respectives, points qui devraient conduire à la discussion et à l’entente raisonnées entre les deux pays à l’heure des défis climatiques sinon « Les hommes regarderaient avec pitié deux tribus de singes continuant à se battre pour défendre leur territoire pendant que la forêt brûle autour d’eux ». On ne saurait hélas mieux dire et mieux conclure.

François Diévart

  • Auteur : Kishore Mahbubani  
  • Éditeur : Editions Saint-Simon
  • Parution : 18 mars 2021
  • Broché : 315 pages
  • Prix (broché) : 23 euros
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