Le temps de travail des médecins à la loupe

334 – « En définitive, la tonalité du discours sur l’activité et le temps de travail n’est pas directement liée à une quantité de temps passé au travail. Elle est au contraire fortement liée au sentiment de réussir ou pas ce qu’on peut faire en médecine et à la manière dont ce projet s’articule avec la vie personnelle. » Telle est la conclusion d’une étude qualitative sur « l’emploi du temps des médecins libéraux » réalisée par la DREES à partir d’entretiens effectués auprès de 48 praticiens, dont 21 généralistes et 27 spécialistes, hommes et femmes, d’âge et de secteur conventionnel différents, exerçant en zones urbaine et rurale. Les médecins interrogés se classent selon trois cas de figure : ceux qui travaillent à temps partiel (moins de cinq jours par semaine, avec éventuellement de longues journées, au moins une demi- journée non travaillée) ; ceux qui travaillent cinq jours par semaine avec éventuellement une demi-journée non travaillée compensée par le samedi matin ; ceux qui travaillent cinq jours en semaine et le samedi matin, toutes les semaines ou une sur deux. A de très rares exceptions, tous les médecins travaillent le lundi – la journée la plus chargée pour tous – et le vendredi. Les journées de travail sont longues, commençant le plus souvent entre 8 heures et 9 heures, plus tôt pour les généralistes que pour les spécialistes. La plupart du temps les journées de travail se terminent au-delà de 20 heures, en particulier pour les généralistes. Les journées de 10 à 12 heures de travail sont fréquentes. Les médecins interrogés déclarent travailler entre 24 et 70 heures par semaine.

Les médecins prennent leurs vacances le plus souvent sous la forme de semaines entières, concentrées sur la période estivale, surtout en août. Les médecins interrogés prennent entre zéro et douze semaines de vacances annuelles, soit une moyenne de cinq à six semaines, conformément à une étude quantitative antérieure (Le Fur, 2009). Sur ses bases déclaratives, et en assimilant les semaines de formation à de l’activité, l’étude de la DREES situe le nombre annuel d’heures de travail des médecins libéraux entre 1 100 et 3 500. A titre de comparaison, un cadre « d’état major d’entreprise » déclare travailler 2 130 heures par an, un cadre 1 870 heures, et un médecin hospitalier 2 180 heures (enquête Emploi de l’INSEE, 2007).

Une « paperasse » envahissante _ Le travail administratif influe beaucoup sur la perception que les médecins libéraux ont de leur temps de travail. Dans la hiérarchie des temps, ils distinguent nettement ce qui est médical et ce qui ne l’est pas, et disqualifient radicalement la « paperasse » qui envahit, non seulement le temps médical, mais aussi le temps personnel. La confrontation aux difficultés du corps social, le sentiment de n’être pas « justement » rétribué, la figure montante du patient « consommateur de soins » sont autant d’éléments qui influent sur la perception que les médecins libéraux ont de leur temps de travail. Ce qui fait conclure aux auteurs de l’étude : « L’investissement en temps n’est pas la bonne mesure de l’effort consenti et ressenti par le médecin. C’est davantage l’investissement choisi et réussi dans une certaine médecine, jugé suffisamment rétribué tant économiquement que symboliquement, qui donne la mesure subjective de l’effort. »(gallery)

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