L’épineuse question des urgences

Dans un livre blanc récemment publié, SAMU-Urgences de France détaille en 20 propositions qu’elle devrait être demain l’organisation des urgences en France pour répondre aux besoins.

Nul doute que les libéraux apprécieront peu la vision très hospitalo-centrée qui s’en dégage, avec notamment la création d’une plate-forme SAMU-Santé-113 (un numéro d’appel unique), « chef d’orchestre » de toutes les régulations. D’autant que, sur le terrain, les libéraux montrent qu’ils peuvent organiser efficacement la Permanence Des Soins Ambulatoire, même sous enveloppe contrainte gérée par l’Agence Régionale de Santé, comme le prouve l’expérimentation menée depuis 2011 dans les Pays-de-la-Loire. Reste que l’extension – souhaitée par Marisol Touraine – de ce « modèle » à l’ensemble des régions ne va pas de soi : le Diable est dans la taille de l’enveloppe…

Après le rapport de Jean-Yves Grall sur « la territorialisation des activités d’urgences » rendu public en juillet et qui lui avait été demandé par Marisol Touraine, SAMU-Urgences de France apporte spontanément sa pierre à l’édifice en publiant son livre blanc intitulé « L’organisation de la médecine d’urgence en France : un défi pour l’avenir », assorti de 20 propositions. « L’organisation actuelle de la médecine d’urgence ne permet plus, et ne permettra pas demain, de faire face aux inéluctables évolutions des besoins de soins et de notre système de santé », peut-on lire dans le préambule. Les auteurs (1) constatent que le « système initialement conçu pour répondre aux drames de la traumatologie routière doit maintenant répondre à des besoins de santé différents des pathologies nouvelles (cardiovasculaires et neurologiques, complications aiguës de cancers et des maladies chroniques…), de nouveaux contextes (vieillissement, handicap, exclusion sociale, fin de vie, hospitalisation à domicile…), la concentration de l’offre de soins et des plateaux techniques, l’exigence des patients et de la société en termes de qualité/sécurité des soins… » Dans ces conditions, « demain, le recours aux structures de médecine d’urgence continuera à augmenter avec une réponse hospitalière qui n’est plus adaptée ».

Dans un premier temps, SAMU-Urgences de France estime qu’il est nécessaire de faire évoluer les structures des urgences et d’instaurer une « labellisation » par les ARS, selon un cahier des charges précis, non fondé sur le nombre de passages. Il est proposé une description des établissements disposant d’une structure des urgences selon six axes : accueil et prise en charge des urgences, plateau technique, prises en charge chirurgicales et spécialisées, activité SMUR, hospitalisation, gestions des lits. Selon ces critères, les établissements seraient classés en trois catégories, ceux avec un plateau technique d’urgence de proximité,  les établissements à plateau technique d’urgence d’appui et ceux avec un plateau technique d’urgence de recours.

Une plate-forme SAMU-Santé-113 pour tout réguler

Pour une efficacité maximum, il faut « un chef d’orchestre » pouvant répondre 24/24 h et 7/7 j à l’ensemble des besoins des patients et les orientant en se fondant sur une analyse médicale. SAMU-Urgences de France propose de confier ce rôle à une plate-forme de régulation médicale, la « plate-forme SAMU Santé ». Ces plates-formes seraient situées dans des établissements, articulées et interconnectées entre elles mais aussi avec les réseaux de télémédecine, et regrouperaient la régulation médicale de l’aide médicale urgente, celle des crise sanitaires, la réponse toxicologique d’urgence, la régulation des transports sanitaires urgents, des urgences psychiatriques, gériatriques, médico-sociales, des transferts périnataux et… la régulation médicale de la continuité des soins en médecins générale.

Le livre blanc évoque également cinq « fausses bonnes idées » et développe les arguments en leur défaveur. Parmi elles, la nécessité qu’il y aurait à multiplier les Maisons Médicales de Garde (MMG), les auteurs estimant que « tout ce qui a pu être fait (pourtant souvent avec des moyens assez importants), notamment pour développer les Maisons Médicales de Garde (présentées par certains comme une panacée), si cela répond à un besoin de médecine générale, n’a jamais fait reculer la croissance régulière du recours aux structures d’urgence ». A quoi le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF-CSMF, répond judicieusement que les MMG n’ont pas été créées dans cet objectif (voir entretien ci-dessous). Concernant la PDSA, SAMU-Urgences de France estime qu’elle « doit évoluer pour répondre aux besoins », suggérant tout d’abord que le concept soit élargi « à l’ensemble des besoins de soins urgents et non programmés » relevant de la médecine générale et prenne l’appellation de Pérennité des Soins. Cette PdS  « organise, 24/7, la réponse à des demandes de soins urgents et non programmés dès lors que ceux-ci ne relèvent pas du plateau technique d’un établissement siège de structure des urgences. Coordonnée à l’échelle du territoire de santé d’urgence par la plate-forme SAMU-Santé-113 », cette réponse repose sur les médecins libéraux volontaires, généralistes et spécialistes, en association ou pas, les maisons de santé pluridisciplinaires engagées contractuellement à assurer la prise en charge des patients adressés par la plate-forme SAMU-Santé-113 et des « centres de soins non programmés ou centres de soins immédiats tels que proposés dans le rapport de Jean-Yves Grall ». Quant au pilotage de l’organisation de la médecine d’urgence, il est « exclusivement  assuré par les Agences Régionales de Santé » auprès desquelles des Comités Techniques Régionaux des Urgences (CTRU) « sont les acteurs principaux de cette réorganisation qui est validée par la Commission Spécialisée de l’Organisation des Soins de la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie ».

(*) Le livre blanc a été rédigé par le conseil d’administration de SAMU-Urgences de France dont François Braun est le président.