Les missions des AGA sont élargies au contrôle fiscal

A compter du 1er janvier prochain, les Associations de Gestion Agréées (AGA) pourront procéder à « un examen périodique de sincérité » des pièces justificatives de leurs adhérents pour s’assurer de la régularité des déclarations fiscales soumises à leur contrôle.

A compter du 1er janvier prochain, la loi de finances rectificative pour 2015 (ou « collectif budgétaire »), adoptée à la fin de l’année dernière, incluera, en son article 37, un dispositif renforçant les missions des Organismes de Gestion Agréés (OGA) – dont font partie AGA – qui assurent aux libéraux de santé une assistance à la gestion, en particulier dans le domaine fiscal.

Les mesures contenues dans cet article 37 renforce surtout les pouvoirs des OGA en matière de contrôle de la sincérité de la comptabilité des adhérents. Le Gouvernement voulait ainsi améliorer les outils des OGA « pour veiller à la régularité des déclarations fiscales soumises à leur contrôle ». Le décret d’application est paru courant octobre, qui détaille le déroulement de « l’examen périodique de sincérité » que devront désormais effectuer les OGA.

Ce décret du 11 octobre indique donc que « l’association réalise un examen périodique de sincérité des pièces justificatives de ses adhérents dans le but de vérifier que leurs déclarations fiscales sont correctement établies ». Ce qui constitue un grand changement, puisque jusqu’à présent, les adhérents d’une AGA n’avaient aucune obligation de lui transmettre ces pièces justificatives, et surtout pas dans le but « vérifier » le bon établissement de leur déclaration fiscale. Les termes mêmes du décret indique donc qu’il s’agit donc d’un contrôle fiscal mais qui ne sera pas effectué par l’administration fiscale.

Cet examen périodique ne sera pas annuel, mais devra avoir lieu « au moins tous les six ans lorsque les comptes de l’adhérent sont tenus ou présentés annuellement par un professionnels de l’expertise comptable et au moins tous les trois ans dans le cas contraire ». C’est l’AGA qui procédera au choix des adhérents « examinés », selon une méthode qui sera fixée ultérieurement par un arrêté du ministère du Budget.

Toutefois, certains adhérents seront choisis par tirage au sort, ce qui n’exclut donc pas d’être « examiné » deux années de suite… Le nombre de pièces examinées « est modulé selon la taille de l’entreprise », autrement dit selon le montant des recettes. L’administration a retenu pour le moment le barème suivant :

  • Recettes < 32 900 euros : 5 pièces
  • Recettes > 32 900 euros et < 150 000 euros : 20 pièces
  • Recettes > 150 000 euros et < 400 000 euros : 30 pièces
  • Recettes > à 400 000 euros : 40 pièces

C’est également aux AGA que revient le choix des pièces examinées, en prenant appui, selon le décret « sur la remise par l’adhérent d’un document fournissant une vision exhaustive des opérations comptables de l’entreprise ». En clair, cela signifie que les adhérents devront fournir leur grand livre de comptabilité, ce que la plupart des AGA ne demandaient pas jusqu’à présent. Le décret précise que ce grand livre de comptabilité sera « détruit par l’AGA une fois l’examen réalisé » et qu’ « il n’est en aucun cas fourni par l’association à l’administration fiscale ». Mais les résultats de l’examen, eux, seront transmis à cette administration. S’il ne s’agit pas là d’un contrôle fiscal délégué par l’administration fiscale aux AGA, cela lui ressemble fort.

Ce que n’ont pas manqué de dénoncer les organisations représentatives des professionnels libéraux. L’Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL), présidé par le Dr Michel Chassang, « réaffirme son opposition ferme et définitive à cette réforme qui établit un système de contrôle fiscal privé destiné à stigmatiser les professionnels libéraux ». Elle voit dans ces mesures une étape supplémentaire dans « ce transfert méthodique des missions de service public de l’Etat vers le citoyen (contribuable en l’espèce), à ses frais exclusifs ».

La CSMF, elle aussi, « refuse que le Gouvernement stigmatise, une fois de plus, les professions libérales » et fustige « ces examens périodiques de sincérité (qui) n’offrent de plus aucune garantie au contribuable, comme cela est la cas lors d’un contrôle fiscal, et créent ainsi une procédure totalement arbitraire ». Le décret ne prévoit en effet qu’une seule garantie pour l’adhérent qui est « mis en mesure de présenter ses observations en réponse aux éventuelles questions et critiques formulées par l’association dans le cadre de cet examen ».

Mais en cas d’anomalie constatée et de litige, que se passera-t-il ? Ce qui est certain c’est qu’elles devront porter le résultats de ces examens de sincérité sur le compte rendu de mission envoyé chaque année à l’adhérent et à l’administration fiscale. Avec le risque d’inciter le fisc à déclencher une vérification de comptabilité en cas d’anomalie. On peut penser que tout dépendra du zèle que mettront les AGA à accomplir dans leurs nouvelles missions. Mais trop « zélées », elles risqueraient de générer des litiges avec leurs adhérents, qui pourraient aller voir ailleurs, pas assez les AGA encourraient le risque de se voir retirer leur agrément par l’administration fiscale qui a indiqué qu’elle suivrait attentivement l’application de ces nouvelles missions.