Les points majeurs du projet de loi de santé

381 – Les « communautés professionnelles de territoire »

© Andres Rodriguez
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L’article 12 du projet qui instaurait un « service territorial de santé au public », avait suscité les plus vives critiques des médecins libéraux qui redoutaient la main mise des ARS sur leur exercice. Après amendements, l’article 12 adopté par les députés traite désormais de l’équipe de soins primaires de premier recours définie comme « un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’une structure d’exercice coordonnée ». L’équipe « contribue à la structuration des parcours de santé des usagers » ; son projet de santé a pour objet « par une meilleure coordination des acteurs, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ». Pour cela, des professionnels de santé « peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé », prévoit  l’amendement sur ces communautés qui devient un nouvel article à la suite de l’article 12. A défaut d’initiative des professionnels, c’est l’ARS qui peut prendre « en concertation avec les URPS, les initiatives nécessaires à la constitution » d’une telle communauté.

Pour « répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux » et « sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé », l’ARS peut conclure des « contrats territoriaux de santé ». Ce contrat « définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation ». Pour leur réalisation, l’ARS peut attribuer des crédits du Fonds d’Intervention Régional (FIR).

Les pratiques avancées

© Endostock
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L’article 30 définit « l’exercice en pratique avancée ». Craignant la remise en cause de leur rôle, les médecins avaient fortement contesté cet article. Un amendement gouvernemental précise donc que les professionnels paramédicaux peuvent exercer en pratique avancée « au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d’une équipe de soins en établissement coordonnée par un médecin ». De même, le terme de « diagnostic » a été ôté des activités du professionnel en pratique avancée et remplacé par celui de « conclusion clinique ». L’article stipule qu’un futur texte d’application devra détailler « les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée », texte d’application qui devra être élaboré après avis de l’Académie de médecine et « des représentants des professionnels de santé concernés ».

Tiers-payant généralisé

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L’article 18 relatif à la généralisation du tiers-payant dans sa nouvelle mouture, détaille le calendrier de sa mise en œuvre progressive. Il prévoit la rédaction d’un rapport commun par l’Assurance Maladie et les complémentaires santé « au plus tard le 31 octobre 2015 », qui devra présenter les solutions techniques pour la mise ne place du dispositif. « Il détermine les solutions techniques permettant d’assurer aux professionnels de santé la simplicité de l’utilisation, la lisibilité des droits et la garantie du paiement ».

Le rapport devra mentionner les « calendriers et modalités de test des solutions envisagées au cours de l’année 2016, en vue de parvenir à ouvrir à tous le bénéfice effectif du tiers-payant à compter du 1er janvier 2017 ». Pour ce qui est du calendrier, il est le suivant : à partir du 1er juillet 2016, les professionnels libéraux pourront pratiquer le tiers-payant pour l’ensemble des assurés pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, en plus des bénéficiaires de la CMU et de l’ACS. Ils auront l’obligation de le faire à compter du 31 décembre 2016.

Dès le 1er janvier 2017, ils pourront proposer le tiers-payant à l’ensemble de leurs patients et seront obligés de le faire à partir du 30 novembre 2017, quand cela deviendra un droit pour le patient. Si l’article 18 dans sa nouvelle rédaction ne prévoit aucune sanction à l’égard des professionnels récalcitrants – comme s’y était engagée Marisol Touraine – en revanche, il rend impérative pour le médecin l’application du tiers-payant généralisé alors que la version initiale renvoyait les modalités de sa mise en œuvre à la négociation conventionnelle.

Le service public hospitalier

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Un amendement à l’article 26 édicte les conditions d’habilitation et d’association au SPH. Elles sont conformes à celles qu’avait indiquées Marisol Touraine fin décembre et qui avaient conduit la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) à suspendre son mouvement de grève des cliniques. Les établissements privés sont habilités, sur leur demande, par le directeur général de l’ARS « s’ils s’engagent, après avis favorable conforme de la CME et dans le cadre de leurs négociations contractuelles à exercer l’ensemble de leur activité dans les conditions énoncées ».

Peuvent être « associés » au SPH les établissements privés, autres que les ESPIC et les cliniques habilités à assurer le SPH, qui sont autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d’urgence. « L’ensemble des cliniques disposant d’une activité d’urgences » peuvent donc être associé au SPH mais « uniquement pour cette activité spécifique ». L’autorisation et l’association au SPH peuvent être « suspendues ou retirées » en cas de manquement aux obligations du SPH, et une pénalité financière peut être prononcée.

En outre, l’amendement précise qu’il n’existe aucun lien entre le SPH et le droit des autorisations, ce qui était une inquiétude des cliniques privées. En revanche, l’article 26 s’en tient à la stricte absence de dépassements d’honoraires pour prétendre au SPH. Il n’est plus question  de possibles « dérogations limitées » évoquées en fin d’année 2014 par la ministre lors des négociations avec la FHP.

 

Le Sunshine Act à la française renforcé

En application de la loi « Bertrand » de décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, à ce jour, les groupes pharmaceutiques ont l’obligation de rendre publiques les conventions passées, notamment avec les professionnels de santé, mais pas le détail des rémunération versées. Un amendement gouvernemental au projet de loi de santé « autorise la publication des rémunérations perçues par les professionnels de santé dans le cadre des conventions signées avec les laboratoires pharmaceutiques ». Marisol Touraine a expliqué qu’il s’agissait d’aller « jusqu’au bout de la logique de transparence » et de « mettre fin aux soupçons en permettant la mise en ligne des rémunérations versées dans le cadre de collaborations entre industries et professionnels de santé ». Cet amendement intervient après la révélation de Mediapart concernant le Pr François Lhoste qui, alors qu’il était membre du Comité Economique du Médicament (CEM), devenu Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) en 2000, a perçu des rémunérations du groupe Servier.

 

Le gouvernement pourra réformer l’Ordre par ordonnance

Dans ce vaste fourre-tout qu’est devenu au fil des mois le projet de loi de santé, quelques mesures sont passées inaperçues. Ainsi cet amendement du gouvernement, adopté par le commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et voté par les députés, l’autorisant à réformer par ordonnance le fonctionnement et l’organisation des ordres de professions de santé. les modifications envisagées pour les ordres professionnels visent notamment à faire évoluer les compétences de leurs organes ainsi que leur composition, à alléger les procédures qu’ils mettent en œuvre, à renforcer leurs moyens « afin de veiller au respect de la législation relative aux avantages consentis par les entreprises ». Ces évolutins « prendront notamment en compte les recommandations faires par la Cour des Comptes s’agissant des pharmaciens et des médecins ». S’agissant de ces derniers, le rapport annuel de la Cour des Comptes de 2012 sur l’application des Lois de Financement de la Sécurité Sociale s’était montré sévère, jugeant « peu efficace » la prévention des conflits d’intérêts assumée par l’Ordre des médecins et qualifiait sont rôle de « très décevant » en termes de contrôle du respect de la déontologie médicale.