Les syndicats de médecins libéraux entrent en négociation avec la Cnam

Medscape – Pour les syndicats de médecins libéraux, la date de la rentrée ce sera jeudi le 17 septembre. En effet, la CSMF, la FMF, le SML, MG France et le Bloc ont rendez-vous avec Thomas Fatome, le nouveau directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), pour une réunion qui apparait comme le pendant libéral du « Ségur de la santé ». Cette réunion inaugurale d’un nouveau cycle de négociations portera sur l’exercice coordonné, la télémédecine et le service d’accès aux soins (SAS), dont l’aboutissement sera un neuvième avenant à la convention médicale.

Pas de fausses notes entre le gouvernement et l’Assurance maladie

Thomas Fatome connait bien la maison puisqu’il a été, entre 2005 et 2008, le bras droit du directeur général de la Cnam de l’époque, Frédéric van Roekeghem. Il sait également précisément ce que le gouvernement attend de cette négociation après avoir été directeur adjoint de cabinet d’Edouard Philippe, jusqu’au départ de celui-ci de Matignon en juin, et il remplace Nicolas Revel qui dirige aujourd’hui le cabinet de Jean Castex. Il ne devrait donc pas y avoir de fausses notes entre le gouvernement et l’Assurance maladie dans les prochains mois.

Deux jours après sa prise de poste le 17 août, Thomas Fatome recevait sa lettre de cadrage de la part du ministre de la santé pour ouvrir des négociations avec les médecins et les priorités restent les mêmes qu’avant la pandémie : « une meilleure organisation territoriale de la santé », « la réponse aux demandes de soins non programmés » et « l’essor de la télésanté » dans la logique du plan « Ma santé 2022 » qui tient lieu de feuille de route du gouvernement depuis septembre 2018.

Un ministre de la santé fermé à toute hausse du C

En revanche, aucune enveloppe budgétaire n’a encore été mise sur la table et c’est bien ce qui inquiète les syndicats qui craignent qu’aucune revalorisation tarifaire ne soit à l’ordre du jour. « Nous devons revoir les tarifs des actes médicaux au plus vite, a martelé, devant Thomas Fatome, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français) en clôture de l’université d’été du syndicat à Antibes le 6 septembreCommençons par les actes cliniques, c’est urgent au risque de voir disparaître des spécialités entières en ville ! La négociation qui va s’ouvrir doit aborder largement la valeur des actes au-delà de cette lettre de cadrage du ministre étroite et loin des nécessités. Les médecins libéraux attendent beaucoup plus après cette grave crise sanitaire ». Or le ministre de la santé semble aujourd’hui fermé à toute hausse du C, la lettre-clé du médecin généraliste, comme il l’a fait savoir dans une interview au Le Quotidien du médecin. En revanche, dans sa lettre de cadrage, il a entrouvert la voie à des revalorisations pour quelques spécialités qui font peu d’actes techniques comme les gynécologues-médicaux, les psychiatres et les pédiatres. La rémunération à la « qualité et la performance des soins » pourrait être également approfondie.

Le SML a également réclamé du « grain à moudre ». « La revalorisation de la consultation médicale de base est non seulement une question de justice et de reconnaissance envers les médecins libéraux, mais c’est aussi un signal fort adressé aux jeunes qui hésitent à s’installer » plaide le syndicat qui réclame un tarif minimum de 46 euros. La FMF, pour sa part, estime que la convention de 2016 « n’a pas tenu ses promesses » en termes de revalorisations. Elle rappelle que « le Ségur de la santé a mis sur la table 7 milliards d’euros pour l’hôpital, dont le rôle est certes fondamental, mais qui ne prend en charge que neuf pour mille des pathologies et même un pour mille pour les CHU » et en réclame logiquement autant pour la médecine de ville.

MG France mise sur la revalorisation de la visite

MG France estime également que « l’investissement durable et indispensable sur la médecine générale et les soins primaires se chiffre nécessairement en milliards d’euros » mais opte pour une stratégie un peu différente. En haut de ses revendications, ce syndicat de généralistes a choisi de placer la revalorisation de la visite du médecin. « C’est une visite très importante pour nos patients dépendants qui leur permet d’éviter d’aller à l’Ehpad, souligne le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Or c’est une consultation qui prend du temps et qui nécessite parfois qu’on contacte également l’infirmière libérale ou l’équipe médico-sociale ». Mais le syndicat est également intéressé par les « éléments d’organisation des soins qui figurent dans cette négociation» en particulier le service d’accès aux soins et l’exercice coordonné. « La crise épidémique a montré qu’il faut donner un vrai coup d’accélérateur à la coordination des soins » estime Jacques Battistoni.

« La crise a été un accélérateur pour fédérer les équipes»

Pour le coup, c’est un avis partagé par l’Assurance maladie qui, dans ses orientations de négociation, note que « les formes d’exercice coordonné, même embryonnaires, ont participé efficacement à la gestion de crise » et estime que « les professionnels de santé ont montré un vif intérêt à l’égard de l’exercice coordonné » et que « la crise a été un accélérateur pour fédérer les équipes». Même si le mouvement a été naturellement ralenti par la crise épidémique, en juin dernier, 19 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) avaient signé un accord avec leur CPAM leur permettant de bénéficier de financements, un an après la signature de l’accord cadre interprofessionnel (ACI). Un peu plus de 500 structures sont actuellement en projet. C’est justement sur elles que va s’appuyer la mise en place du service d’accès aux soins (SAS) qui a pour objectif « d’assurer au patient, lors de l’absence de son médecin traitant, un contact unique dans sa demande de conseils, d’avis et de gestion de ses problèmes de santé que ce soit en urgence, en soins non programmés, de jour comme de nuit ». La négociation conventionnelle devra ainsi permettre de valoriser la participation des médecins libéraux à ces dispositifs.

Enfin, le dernier point de la négociation concerne la téléconsultation qui a montré toute sa pertinence pendant la crise épidémique.  Deux pistes sont pour l’instant sur la table : faire évoluer certaines dispositions conventionnelles fixées dans l’avenant 6 – comme la règle d’une consultation présentielle dans les 12 mois précédents ou le recours à des praticiens en dehors du territoire pour des besoins de soins légitimes – ou encore élargir la population éligible à la télé-expertise afin d’améliorer la prise en charge des patients nécessitant un avis spécialisé.

Aucune date-butoir n’a été fixe pour la fin des négociations des médecins qui devra s’inscrire en parallèle d’une négociation interprofessionnnelle sur le sujet plus spécifique des CPTS.

Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC – 17 septembre

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