Meursault Village 2013 Pierre Boisson

Des saveurs tranchées, un parfum éblouissant, un équilibre entre texture onctueuse, vivacité, minéralité et, pour faire bonne mesure, une part de mystère, voilà ce qu’expriment les grands blancs bourguignons de chardonnay.

Et quand on demande aux vignerons de cette région à quoi tiennent ces remarquables qualités, la plupart répondent « C’est le terroir évidemment » en oubliant (par modestie ?) leur part de responsabilité. En matière de terroir, quoi de plus fascinant que celui ou plutôt ceux de Meursault, car ce vignoble offre une diversité de « climats » produisant des vins de personnalité et de structure très variées, dominés par le puissant trio des Premiers Crus : Charmes, Genevrières et Perrières. Mais ces grands vins sont de plus en plus inaccessibles en raison de la demande mondiale et des tarifs exorbitants de certains viticulteurs : 300 à 700 euros au domaine d’Auvenay ou chez Arnaud Ente. Aussi, il est réjouissant de dénicher des Meursault génériques, tels ceux de Pierre Boisson, dont la qualité avoisine celles de nombre de Premiers Crus.

L’effervescence des amateurs

Les vignes du domaine Boisson-Vadot furent plantées vers 1940, enracinées sur des sols de calcaire dur, parfois très pierreux sur les hauts de Meursault, village, dont les moines de l’abbaye de Citeaux au Moyen-Age avaient déjà pris la mesure de la qualité des vins. Ceux du domaine de 9 ha sont maintenant vendus sous trois pavillons, car Bernard Boisson et son épouse, née Vadot, passent progressivement la main à leurs deux enfants, Anne et Pierre, qui élaborent leurs vins sous leur propre étiquette, mais tous vinifiés, au domaine, en famille, gardent le même style. Seules, les parcelles varient en fonction du propriétaire.

Ce domaine Boisson-Vadot crée l’effervescence parmi les amateurs depuis une dizaine d’années, car la nouvelle génération a fait entrer les vins du domaine déjà d’un bon niveau dans le cercle fermé des grands bourgognes blancs.

Du bio sans le dire
Le travail à la vigne n’est pas un vain mot. La conduite de la viticulture est, en théorie, conventionnelle, « à l’ancienne », dit le père : respect des sols par élimination des produits systémiques, des engrais chimiques, labourage attentif, un bon palissage, une attention de tous les instants, bref, du bio, sans le dire. A partir de là, les jus offrent une grande expression du fruit nourri par une terre saine.

Les vendanges manuelles sont relativement précoces, pour que les raisins ne produisent pas des vins trop mous. La vinification est assurée essentiellement par le fils Pierre, précis, sérieux, dont la grande amitié avec Raphaël Coche-Dury du célébrissime domaine leur permet d’échanger informations, réflexions, conseils. Ainsi, Pierre a posé son empreinte et sa rigueur, son intransigeance le poussent vers la perfection. Il limite au minimum les interventions au chai. Les élevages sur lies fines en fûts déjà utilisés, sans bois neuf pour les Meursault villages, sont longs sur 15 à 21 mois avec des batonnages délicats destinés à remettre en suspension les seules lies fines qui, par leur côté réducteur, apportent ce grillé caractéristique, sans excès de gras. Les vins ne sont pas filtrés.

Intensité et persistance gustative remarquables

Ce Meursault village 2013 de Pierre Boisson à la teinte jaune paille soutenue, lumineuse et brillante rehaussée par des touches de vert chartreuse fait jaillir du verre des parfums de fleur blanche, tilleul, acacia, de citron, de zestes d’agrumes, de sésame grillé, de silex et pierre chaude. En bouche dominent la tension, le minéral et apparaissent les arômes murisaltiens : beurre fondu, brioche, noisette grillée. Le vin s’étire tout en longueur en caressant le palais sur un bel équilibre gras, opulence versus tension, minéralité. L’intensité, la persistance gustative sur une finale saline et salivante sont remarquables. La fraîcheur, les jolies notes grillées, l’ossature opulente évoquent fortement le style de l’icône des bourgognes blancs : Coche-Dury.

Ce Meursault 2013 accompagnera parfaitement un foie gras en terrine pour ceux qui répugnent à servir en début de repas un vin sucré ou liquoreux. Le vin de
Pierre Boisson fera merveille avec les préparations à base de veau, tels bouchées à la reine, vol-au-vent, ris. Il s’accorde bien avec filet mignon, médaillon de veau aux champignons ou agrémenté d’épices et d’une garniture, type olive ou aubergines, dont la légère amertume est équilibrée par le gras du vin. Une volaille sauce crémeuse sera flattée par son équilibre et son moelleux.

Mais c’est avec les produits de la mer que ce vin exprimera toutes ses potentialités : poissons nobles à chair ferme avec un beurre manié ou une sauce mousseline : turbot, barbue, saint-pierre, croustillant de bar au foie gras en millefeuille de pomme de terre. Un peu vieilli, ce vin se marie bien avec des fromages d’alpage : comté, vieux fribourg, reblochon.

Ce « simple » Meursault générique est indéniablement magnifique. Mais voilà le hic : la ruée frénétique des amateurs (en particulier pour les cuvées parcellaires Grands Charrons, Chevalières, 1er Cru Genevrières), la politique tarifaire exemplaire des Boissons leur interdit d’accepter de nouveaux clients !

Vous pourrez peut-être trouver quelques flacons sur quelques sites de vente en ligne ou chez des cavistes avisés.

Meursault Village Pierre Boissson
21190 Meursault
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