Passion hypertension – épisode II : histoire et avenir de la prise tensionnelle

La mini-série du Pr Xavier Girerd pour le SNC

 – Tout le monde soigne des hypertendus mais cette maladie nous intéresse-t-elle encore et surtout, comment en améliorer la prise en charge ? Président de la fondation de recherche sur l’hypertension artérielle, le Pr Xavier Girerd, cardiologue à l’APHP partage avec nous son enthousiasme pour l’hypertension artérielle et des leçons tirées de ses 40 années de pratique.

Episode II : Histoire et avenir de la prise tensionnelle

Tous les médecins savent prendre la tension et diagnostiquer une HTA… en théorie. Trois méthodes permettent aujourd’hui de mesurer la tension. Après 100 ans de bons et loyaux services, la mesure auscultatoire est depuis 20 ans concurrencée par la mesure oscillométrique utilisée par les tensiomètres électroniques.

Cette automatisation de la mesure rend possible l’implication des patients à la prise en charge de leur maladie. Cette démarche d’empowerment a été mise en avant par les médecins anglosaxons et constitue un des piliers de l’éducation thérapeutique. Elle a fait la preuve de son efficacité dans de nombreuses maladies chroniques (HTA et surtout diabète).

Le numérique en santé, ou e-santé, est l’étape la plus récente de cette évolution et son intérêt pour améliorer la prise en charge des hypertendus est démontré par de nombreuses études de très bonne qualité méthodologique.

L’automesure de la tension, rendue possible par l’usage du tensiomètre automatique, permet d’améliorer le diagnostic de l’HTA en aidant le médecin à ne pas se tromper dans les cas d’HTA blouse blanche et d’HTA masquée qui constituent près de 50 % des patients pris en charge pour une HTA (> recos ISH 2021) !

La prise en compte par les autorités sanitaires de ces nouveaux usages du numérique en santé permettant d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients peut, à moyen terme, faire envisager une valorisation financière des médecins utilisateurs du numérique pour la prise en charge des hypertendus (téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance).

La dernière méthode, basée sur l’analyse d’un signal optique transcutané, est révolutionnaire car elle permet la mesure sans le gonflement d’un brassard donc sans aucune gêne pour le patient (en particulier sans provoquer un réveil pendant le sommeil). Si la méthode est à proprement parlé avant-gardiste, il faudra plusieurs décennies pour qu’elle arrive à remplacer la méthode oscillométrique. Le numérique est indispensable pour l’usage de cette méthode (applications dédiée, analyse en IA, hébergement des données personnelles).

De nombreux obstacles sont encore à franchir et je peux prédire que les cardiologues de plus de 50 ans ne seront pas impliqués par ce bouleversement majeur de la prise en charge des hypertendus.

Si donc les nouvelles méthodes de mesure de tension et le numérique apportent beaucoup pour le diagnostic de l’hypertension et la gestion au quotidien des chiffres de la tension : une application garde en mémoire l’historique des mesures de tension et des traitements antihypertenseurs utilisés… autant se simplifier la vie, alors qu’on doit déjà répondre aux questions des patients et notamment à leur préférée : « Docteur, pourquoi ai-je de l’HTA ? » …

L’objectif du suivi d’un patient hypertendu, c’est de lui redonner confiance. C’est plus facile qu’avec d’autres pathologies cardiaques. Le sourire du patient, ça vaut tout le travail qu’on fait pour progresser et s’améliorer. Mais pour y arriver, il faut commencer par bien mesurer la pression artérielle…

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