
Propos recueillis par Nathalie Zenou
1) Dans quel contexte cette proposition s’inscrit-elle ?
Attendue depuis plusieurs années, cette réforme est devenue essentielle pour redonner du sens au métier d’infirmier. Les évolutions technologiques et les transformations du système de santé appellent à revoir les périmètres d’actions des infirmier(e)s. L’après crise sanitaire a également plongé la profession et plus particulièrement les libéraux dans une certaine incompréhension face au manque de considération de la part des pouvoirs publics : à la confiance et au développement d’une certaine autonomie a succédé un retour au droit commun très violent.
L’inadaptation du système de santé aux besoins de santé de la population et l’absence de recours à des compétences existantes rendent nécessaire de repenser le métier. Les infirmier(e)s ne sont pas là pour compenser les défaillances du système.
2) Que peut-on dire aujourd’hui de la profession d’IDE ? Qu’attendent-ils et que souhaitent-ils ?
La profession est dans une certaine incompréhension. Les besoins dans les années à venir sont importants (vieillissement de la population, développement des pathologies chroniques, maintien à domicile) et sont autant de facteurs qui imposent de revoir les contours du métier.
Depuis des années notre profession est régie par un décret d’actes qui nous contraint à n’effectuer que des actes, sans reconnaître notre compétence à évaluer, suivre, mettre en œuvre des actions auprès des patients. Notre profession n’est envisagée que dans une approche patients (dons la pathologie) et non populationnelle (en mettant en avant la prévention, l’éducation à la santé).
Il faut revoir les modalités de prises en charge afin d’amener plus de coopération entre les professionnels de santé, faciliter l’exercice quotidien pour redonner du sens au métier, maintenir les professionnels en exercice et repenser la formation des futurs professionnels. On observe trop de départs anticipés aussi bien en exercice que lors de la formation. Le nombre d’infirmier(e)s libéraux sur le territoire a par exemple pour la 1ère fois en 2023 baissé après 20 années de croissance d’environ 3,5% par an.
3) Quelles sont les principales mesures proposées par le projet de loi concernant les infirmier(e)s ?
La principale mesure est l’abandon de l’approche par actes pour nous amener à des missions. Les IDE auront ainsi 4 missions socles : la réalisation de soins et leur évaluation, le suivi du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation.
En outre cette réforme du métier introduit la consultation infirmière (qui ne vise pas à se substituer à la consultation médicale mais vient la compléter avec une approche infirmière et ses diagnostics infirmier(e)s. Ceux-ci ne visent pas la recherche de la pathologie (qui est de l’ordre médical) mais les conséquences de la pathologie sur la vie quotidienne du patient.
Enfin, il est prévu d’amener la profession vers l’accompagnement des nouveaux professionnels et l’encadrement des étudiants afin de favoriser un cadre propice à la formation et conserver les professionnels nécessaires pour relever les défis de demain.
Cette loi sera complétée par un décret qui décrira les compétences infirmières dans chacune de ses missions, mais aussi d’un arrêté avec des actes que l’infirmier(e) peut réaliser. Cet arrêté est essentiel notamment pour l’exercice libéral qui permet le paiement à l’acte.
4) Comment jugez-vous ces propositions ?
Ces mesures sont essentielles et relèvent du bon sens. Nous y voyons plusieurs points positifs :
- Reconnaître et valoriser les compétences de la profession ;
- L’amener vers plus d’autonomie en favorisant la collaboration avec les autres professionnels de santé et notamment les médecins ;
- Amener la profession vers plus d’expertise (suivi des pathologies chroniques en lien avec les médecins, expertise dans le suivi des plaies…).
5) Que peuvent-elles apporter pour les patients et pour les IDE ?
Pour les patients :
- Une réponse aux besoins de santé ;
- Une meilleure coordination des parcours de santé entre les professionnels de santé et surtout entre la ville et le domicile ;
- Une réponse plus rapide dans certaines prises en charge comme la dépendance ou la prise en charge des plaies.
Pour la profession :
- Reconnaissance des compétences ;
- Simplification de l’exercice ;
- Possibilité pour les libéraux d’ouvrir des négociations dans un contexte économique difficile (les ministres se succèdent et conditionnent l’ouverture de négociations conventionnelles à la mise en place de la réforme du métier).
6) Quel message souhaitez-vous faire passer aux médecins et notamment aux cardiologues libéraux ?
Cette réforme est nécessaire pour la profession. Elle doit permettre de développer la coopération avec les médecins et plus encore avec les spécialistes comme les cardiologues. Les pathologies explosent avec le vieillissement de la population, il est essentiel de développer cette coopération entre les infirmier(e)s libéraux qui voient les patients à domicile et les cardiologues qui ont besoin des informations nécessaires à la prise en charge optimale de leurs patients. La complémentarité doit se développer dans les années à venir, avec chacun son domaine de compétences mais une complémentarité qui ne pourra qu’apporter une meilleure qualité de prise en charge et de bien être auprès de la population.
Il sera également essentiel de revoir les modalités de coopération entre cardiologues et infirmier(e)s libéraux. Le suivi de l’insuffisance cardiaque est actuellement possible par l’infirmier uniquement après une décompensation et une hospitalisation.
A l’heure actuelle pouvons-nous encore accepté ce principe ? Le cardiologue devrait pouvoir prescrire un suivi infirmier pour les patients qu’il juge vulnérables sans attendre l’aggravation de la pathologie. Un cadre est nécessaire mais c’est cette intelligence collective et de terrain qui permettra de répondre aux besoins de santé de demain, au mieux vieillir et sûrement à une efficience des prises en charge permettant de réduire les coûts de la santé.
