Réforme du système de santé : l’Ordre s’en mêle

« Ce n’est pas la réforme de l’Ordre mais celle voulue par les médecins », a commenté le président du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM), Patrick Bouet, en présentant les 10 propositions de réforme du système de santé adressées aux candidats à l’élection présidentielle.

Il est vrai que ces propositions découlent du livre blanc élaboré au début de l’année, lui-même issu de la grande consultation menée préalablement par l’Ordre auprès de 35 000 médecins. Pour Patrick Bouet, c’était peut-être aussi une façon d’anticiper les critiques des organisations syndicales qui lui reprochent de sortir avec ce type d’initiative de son champ de compétences naturelles que sont la déontologie et l’éthique. C’est effectivement le grief qui est fait à l’Ordre par les présidents de la CSMF, de la FMF, du SML et de MG France interrogés par Le Cardiologue. Sur le fond, les propositions ne sont pas de nature à rencontrer l’hostilité des médecins. Sauf une : la recertification des professionnels tous les six ans (lire l’entretien de Patrick Bouet, président du CNOM)

Le projet de réforme émanant de la consultation des médecins effectuée par l’Ordre en 2015 s’organise autour de quatre axes : « libérer les initiatives, décentraliser les décisions, simplifier les exercices et garantir l’accès aux soins et leur qualité ».

Simplifier l’organisation territoriale des soins avec une gouvernance partagée 

La première priorité du projet de réforme se décline en trois propositions. Premièrement, il est préconisé la mise en place d’un « échelon territorial unique » de coordination des soins au niveau local appelé Bassin de Proximité Santé (BPS), idéalement l’échelle de la communauté de communes. Il s’agit ainsi de mettre fin à l’empilement de structures et d’instances territoriales « organisées en silos », les GHT compris. L’objectif est de regrouper, autour d’un projet de santé commun au BPS, l’ensemble des structures – médecins en cabinet isolé ou travaillant en exercice regroupé, établissements hospitaliers publics et privés – en disposant « de toute capacité d’autonomie dans la prise en charge ambulatoire de sa population en soins de premier et de deuxième recours, y compris en ce qui concerne les actions de prévention et le médico-social ». En second lieu, il importe d’ « instaurer  la démocratie sanitaire à tous les niveaux territoriaux ». Pour cela, les BPS sont dotés d’un comité opérationnel placé sous la responsabilité collective des élus, des représentants des professionnels de santé et des usagers et une coordination régionale des BPS serait l’interlocuteur des ARS. Troisièmement, il est créé pour chaque BPS « un portail d’information unique et enfin fonctionnel entre acteurs de santé et usagers ».

Alléger l’exercice, réviser la formation

Quatre mesures permettraient d’ « alléger et décloisonner l’exercice professionnel des médecins ». Il faut d’abord de « rendre du temps médical aux médecins » en réduisant les tâches administratives et comptables : promotion de l’exercice regroupé, développement de la télémédecine et des nouveaux usages numériques, mutualisation des moyens administratifs et allègement des procédures en établissement de santé. Viennent ensuite les propositions pour « un système social plus protecteur et un mode de rémunération valorisant pour tous », la promotion et la facilitation des coopérations inter et intraprofessionnelles, et la simplification des relations avec les organismes gestionnaires, notamment avec la mise en place d’un interlocuteur unique pour l’Assurance Maladie et les complémentaires santé.

Ouvrir et professionnaliser la formation des médecins

Le projet de réforme présenté par l’Ordre suggère la création d’un numerus clausus régionalisé élaboré à partir des capacités de formation des facultés et de réformer la Première Année Commune des Eudes de Santé (PACES) en l’élargissant à l’ensemble des professions de santé mais en prévoyant des passerelles supplémentaires voire en instaurant une présélection afin de limiter le taux d’échec. Le projet envisage également de transformer l’actuelle Epreuve Classante Nationale (ECN) donnant accès au 3e cycle en épreuve sur cinq grandes interrégions – la possibilité étant ouverte de concourir dans plusieurs interrégions – et prône le renforcement de la « professionnalisation » du 2e cycle des études médicales, notamment par la multiplication des stages. Enfin, le projet prévoit d’organiser la « recertification » des médecins tous les six ans (soit deux périodicités du DPC), qui permettrait « une accélération du parcours professionnel », ainsi que l’explique le président du CNOM, Patrick Bouet (voir entretien ci-contre) mais dont les médecins, ou du moins leurs représentants syndicaux, ne veulent pas entendre parler.