Régulation de l’installation : la confusion des genres

Nathalie Zenou
Le gouvernement dévoile son « Pacte de lutte contre les déserts médicaux » comme un plan d’urgence : former plus de médecins hors des grands centres, imposer une solidarité territoriale et simplifier l’exercice pour regagner du temps médical.

Présenté le 25 avril 2025 par le Premier ministre, ce plan prévoit plusieurs mesures autour de quatre axes opérationnels :

  • Diversifier et territorialiser la formation ;
  • instaurer une solidarité territoriale obligatoire ;
  • moderniser et simplifier l’exercice ;
  • créer un environnement d’accueil attractif.

La PPL Garot comme source d’inspiration

Sur le fond, cette feuille de route s’appuie largement sur la proposition de loi du député Guillaume Garot déposée en 2023 :

  • Autorisation préalable d’installation : tout médecin souhaitant s’installer dans une « zone sous-dotée » doit obtenir l’aval de l’ARS, comme le prévoyait l’article 1er du texte de Garot.
  • Renforcement de la permanence des soins : le rétablissement d’une obligation de garde pour tous les médecins, au-delà du volontariat, figure dans l’article 4 de la proposition Garot et trouve un écho direct dans le Pacte.

Entre encadrement et contournement

En l’état, le gouvernement assume des mesures qui relèvent encore du législatif : autorisations d’installation, redéfinition des compétences, revalorisation tarifaire. Ces points sont présentés comme déjà « programmés » ou « applicables par décrets », avant même le vote parlementaire, ce qui brouille la frontière entre pouvoir exécutif et législatif et affaiblit le rôle du Parlement.

Un « passage en force » de la négociation conventionnelle

Certaines revalorisations (consultations en zone sous-dense, télémédecine pour les médecins retraités) sont annoncées sans consultation préalable des syndicats médicaux et de l’Assurance-maladie. Or, ces sujets doivent normalement faire l’objet d’accords conventionnels, négociés et ratifiés, pour engager durablement les moyens financiers du système de santé.

En outre, la suspension unilatérale des plafonds de téléconsultation et l’extension massive des assistants médicaux paraissent avancer « par décret », éclipsant les échanges habituellement conduits dans le cadre de la convention médicale.

Le « droit mou » à l’œuvre ?

En accouchant d’un plan dense, doté d’indicateurs trimestriels, sans attendre l’adoption formelle des lois, l’exécutif favorise un « droit mou », où les réformes structurelles sont appliquées de facto, avant même leur validation législative.

Pour les acteurs de terrain, ce calendrier accéléré atteste d’une volonté politique incontestable, mais suscite aussi la crainte d’un pilotage technocratique aux dépens d’un débat démocratique approfondi.

D’autres pistes sont possibles

Loin des mesures contraignantes proposées par les pouvoirs publics, les syndicats proposent de bâtir la lutte contre les déserts médicaux sur la confiance, la coopération pluriprofessionnelle et l’attractivité, plutôt que sur des quotas contraignants.

Ainsi pour Avenir Spé, une « médecine plus libre, mieux préparée et plus solidaire » serait la clé pour restaurer un maillage équilibré des soins sur tout le territoire. Le syndicat rappelle également que le pic des départs en retraite est derrière nous et qu’il convient d’orienter les jeunes générations à s’installer dans les zones en besoin plutôt que de les y contraindre.

Il s’agit donc de renforcer l’attractivité des territoires et la qualité de vie des praticiens mais aussi de mieux connaître les besoins réels grâce à des indicateurs améliorés.

 

© Depositphotos – Pressmaster

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