Terrazas De Los Andes Malbec Reserva 2010 – Mendoza – Argentina

Les Argentins se plaisent à raconter qu’ils vénèrent 3 dieux : le tango, Evita Peron et Maradona. Un récent voyage dans ce pays magnifique m’a également permis d’apprécier 2 demi-dieux épicuriens : l’inégalable viande de bœuf et leurs puissants vins rouges.

La remarquable progression qualitative des vins argentins depuis 20 ans est expliquée par divers facteurs : l’arrivée d’investisseurs et œnologues du monde entier, la rénovation et la création de bodegas (caves), la plantation de la vigne à des altitudes de plus en plus élevées, en moyenne 1 000 mètres jusqu’à 3 000 dans la province de Salta ! A de telles hauteurs, les températures sont suffisamment basses, la nuit, pour permettre des cépages rouges aux arômes intenses et à la couleur profonde.
La région de Mendoza est incontestablement la vedette de la viticulture argentine grâce au cépage emblématique malbec introduit au XIXe siècle à partir de plants bordelais. Le goût des malbecs argentins est fort différent de celui des vignobles cadurciens, d’autant qu’il s’est adapté au climat de l’hémisphère sud, avec des baies plus petites et plus denses.
Terrazas de Los Andes, créée en 1999 dans la région de Mendoza sur le haut plateau de Lujan de Cuyo par la bodega Chandon, spécialiste des vins effervescents, filiale de LVMH, s’est développée sur un vignoble implanté fin XIXe siècle sur une série de terrasses à une altitude variant de 800 à 1 500 mètres. La région bénéficie d’atouts importants pour la viticulture. Sise au pied de la Cordillère des Andes, dont les hautes cimes stoppent les vents humides du Pacifique, elle réalise une oasis de verdure au sein d’un désert semi-aride. Malgré une latitude quasi tropicale, l’altitude procure des hivers froids favorisant la dormance de la vigne, un soleil intense, avec un air sec, dans la journée, des nuits froides avec des amplitudes thermiques importantes. Le problème est la sécheresse, car l’eau peut devenir rare, du fait de la faiblesse des précipitations, si bien que de nombreux vignobles sont irrigués. Terrazas utilise le système traditionnel indien d’inondations par canalisations alimentées par la fonte des neiges.
Les maladies de la vigne étant rares grâce à l’air froid des montagnes, nombreuses vignes sont franches de pied, non greffées, en particulier pour Terrazas sur la parcelle de Las Compuestes. Le soleil intense stimule la photosynthèse et favorise la maturation naturelle des phénols.
La bodega Terrazas de Los Andes a optimisé l’implantation des cépages, chacun, trouvant à une altitude différente, l’expression du maximum de ses qualités, le malbec étant implanté à plus de 1 000 mètres sur un sol sableux, alluvionnaire et graveleux.
Les vignes, plantées à une densité de 5 500 pieds/ha en taille Guyot, sont marcottées, les manquants étant vite remplacés, pour obtenir un âge moyen élevé. Les vendanges, manuelles avec un double tri sélectif, se déroulent tardivement vers la 2e ou 3e semaine d’avril après une longue maturation des baies durant 75 jours (45 en moyenne dans le Bordelais).

Un cheval prestigieux

La bodega dispose d’une grande winery moderne, mais dont les murs et colonnes de brique gardent un certain charme suranné. Sa réputation n’est plus à faire, d’autant que le propriétaire LVMH a largement répandu en France, ses meilleures productions. La marque a établi avec Pierre Lurton de Cheval Blanc, une association donnant naissance à un vin argentin prestigieux : Cheval des Andes plus fougueux et plus coloré que son cousin libournais.
La vinification, assurée par Roberto De la Motta, passe par une macération en cuves avec pigeage manuel s’étendant sur 3 semaines, un élevage durant 12 mois avec soutirage tous les 3 mois, en barriques de chêne pour 80 % d’origine française avec 30 % de bois neuf.
Le Malbec Reserva 2010 Terrazas de Los Andes, habillé d’une robe sombre grenat foncée avec quelques nuances de pourpre, est un vin complexe, long en bouche, riche et crémeux, sans lourdeur malgré ses 14,5°.
Le nez est envahi par les fruits noirs, cassis, myrtille, les épices douces, muscade, paprika, le graphite, avec des touches boisées de vanille et chocolat. La bouche ressent une légère sucrosité aux arômes de prunes et pruneaux, avant que n’apparaissent des notes plus typiques du malbec, réglisse et violette. On est charmé par l’intensité du fruit, la suavité et le velouté des tanins. La finale, toute en longueur entre puissance et raffinement, retrouve une pointe d’acidité équilibrant le fruité.
Ce Malbec se confirme être le compagnon idéal des belles grillades de bœuf bien saignantes, vuelta y vuelta, fierté des Argentins, tel le baby beaf (500 à 800 g/personne tout de même !), mais aussi entrecôtes, côtes de bœuf, T-bone, bavettes, etc., qu’elles soient cuites classiquement sur gril ou barbecue ou selon la technique « al asador », en position verticale. Ce vin, par son intensité aromatique, épousera avec plaisir les autres classiques de la gastronomie argentine : en entrée, empanadas à la viande, puis choripanes (saucisses), chiporro (agneau patagon), carrés d’agneau sauce chimichurri. Il ne se déplaira pas en compagnie d’un fromage à pâte dure : comté, beaufort, tommes diverses.
La beauté des paysages, la richesse culturelle de Buenos-Aires, la musique de Carlos Gardel, l’accueil chaleureux des Argentins (si on ne parle pas de foot), le parfait mariage du bœuf et du malbec ne peuvent que nous faire clamer : Hasta luego ! Vaya Argentina ! n