Tous contre le projet de loi de santé !

Tandis que le nombre de syndicats appelant à la grève ne cesse d’augmenter, l’Ordre des médecins et l’Académie de Médecine expriment également leur opposition au projet de loi de santé. 

376 – Plus les jours passent et plus grossissent les rangs des opposants au projet de loi de santé du Gouvernement. Après la CSMF dans ses composantes généraliste (UNOF) et spécialiste (UMESPE), le SML, la FMF, MG France, c’est au tour de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) d’appeler « l’ensemble de la profession à s’élever contre une loi d’étatisation, bureaucratique et coûteuse qui, sous prétexte de vouloir défendre l’intérêt des patients, va leur ôter leur liberté de choix en matière de santé, risque de provoquer une désorganisation complète de l’offre de soins sur les territoires, sans s’attaquer aux vrais enjeux d’efficience sur fond de déficit structurel béant ». Pour son président, Lamine Gharbi, « ce texte, fondé sur un credo idéologique antilibéral, est un casus belli pour les entreprises de santé que nous sommes ».

L’effet domino

La FHP a donc décidé lors d’un comité exécutif extraordinaire d’appeler les cliniques privées à cesser leur activité à partir du 5 janvier prochain. Dans la foulée, le Bloc, qui intègre l’Union Des Chirurgiens de France (UDCF), le Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens (SYNGOF) et l’Association des Anesthésiologistes Libéraux (AAL) a relayé ce mot d’ordre d’arrêt d’activité, qui s’inscrit « en continuité de la mobilisation fin décembre des autres syndicats de médecins libéraux », souligne le Bloc.

Sans rejoindre, bien sûr, les syndicats dans leur mouvement de grève, les vénérables institutions que sont l’Académie de Médecine et l’Ordre des Médecins ont cependant rallié le chœur des opposants où elles font entendre leurs critiques, certes en termes choisis, mais qui n’en sont pas moins sévères.

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) n’émet d’ailleurs pas de critiques, mais formule des « observations ». A propos de la régionalisation de la convention médicale préfigurée dans le projet, il rappelle que les dispositions de cette convention « doivent s’appliquer sur l’ensemble des territoires de santé ». L’Ordre souligne que « la qualité des services et le libre choix par les usagers des médecins et professionnels de santé ne peuvent pas conduire à placer sur un territoire de santé le secteur de l’hospitalisation privée et l’exercice ambulatoire de la médecine libérale sous la tutelle purement administrative de l’ARS ».

Concernant les « pratiques avancées », le CNOM estime que « les évolutions de pratiques professionnelles ne doivent pas conduire à transférer des actes médicaux vers d’autres professionnels sans une analyse soigneuse des conséquences que cela entraîne ». La qualité des services ne saurait supporter que les rémunérations des médecins soient conditionnées aux exigences de l’organisme payeur. Cette position de l’Ordre « n’est pas contraire au versement des honoraires aux médecins libéraux par un tiers payeur, à la condition que ce mode de rémunération ne soit pas celui d’un assujettissement obligatoire, hormis les situations de dispense d’avance de frais pour les ALD, pour des bénéficiaires de droits sociaux, pour les soins relevant de l’urgence », explique le CNOM dans une formulation un rien alambiquée pour signifier son opposition à la généralisation du tiers-payant.

L’Académie de Médecine y met aussi du sien

Résolument contre cette généralisation pour son caractère inflationniste, l’Académie de Médecine va plus loin et se prononce pour… la généralisation d’« un ticket modérateur d’ordre public qui ne serait pris en charge ni par les mutuelles ni par les assurances » pour « responsabiliser chaque partenaire ». Dans le futur « service territorial de santé », l’Académie ne voit pour les généralistes contractants que « des contraintes supplémentaires et un surcroît de tâches administratives », qui risquent de « détourner les plus jeunes du choix de l’exercice de la médecine générale ». Les académiciens de la rue Bonaparte ne voient pas l’intérêt de relancer le DMP, qui a déjà coûté « au moins 210 millions d’euros de 2004 à 2011 et un demi-milliard en incluant les dossiers hospitaliers informatisés ». Un argument plus recevable que cet autre, avancé par l’Académie : « rien ne prouve que, s’il se met en place un jour, le DMP changera réellement les comportements médicaux et apportera beaucoup plus que le dossier que tout médecin a déjà l’obligation de tenir ». L’Académie dénonce aussi la création du nouveau métier d’infirmière clinicienne, redoutant, d’une part, des demandes similaires venant d’autres professions paramédicales et, d’autre part un surcoût pour l’Assurance Maladie et des recours devant les tribunaux. Un peu moins sévères avec le chapitre « prévention », les académiciens renouvellent cependant leur hostilité totale à l’expérimentation de « salles de shoot ». En bref, l’Académie de Médecine estime que le projet de loi de santé « génèrera à court terme plus de dépenses que de bénéfices » et va donc à l’encontre de l’objectif gouvernemental de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques d’ici à 2017.

Il ne manquerait plus que les syndicats hospitaliers s’y mettent et Marisol Touraine aurait alors l’ensemble du corps médical contre son projet. Et cela pourrait bien arriver. Quatre des cinq intersyndicales de praticiens hospitaliers avaient levé leur préavis de grève déposé en octobre pour protester contre les dispositions du projet de loi concernant la gouvernance à l’hôpital. Elles estimaient avoir reçu des garanties suffisantes de la part de la ministre. Mais voilà que trois d’entre elles ont récemment « claqué la porte » d’une réunion avec la DGOS, excédées de ne voir venir ni mesures, ni informations, ni avancées. Le préavis de grève pourrait bien redevenir d’actualité.