Trois rapports pointent les défaillances de l’ANSM

Le site d’information Mediapart a récemment révélé le contenu de trois rapports confidentiels qui décrivent de lourdes défaillances dans le fonctionnement de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM).

382 – Créée en mai 2012, pour succéder à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) à la suite de l’affaire Médiator qui avait mis à jour les failles du système de pharmacovigilance et le poids des liens d’intérêts, l’ANSM est l’objet à son tour de sombres constats quant à son fonctionnement et à son efficacité décrits dans trois rapports : celui de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS), qui date d’avril dernier, celui de la Cour des Comptes (fin 2014) et celui du cabinet Secafi (avril 2014), agréé par le ministère du Travail. Pour l’IGAS, « en dépit d’évolutions positives, de nombreuses faiblesses affectent la surveillance et la sécurisation du médicament ». La Cour des Comptes pointe la difficulté de l’agence à détecter et analyser « les signaux faibles, c’est-à-dire les informations émises par des lanceurs d’alerte » et ses magistrats estiment que « l’agence ne s’est toujours pas mise aujourd’hui en capacité de repérer ce type d’alerte et d’en tirer les conséquences en termes d’identification des risques puis d’action ». Deux ans après sa création, qu’est-ce qui peut expliquer une telle situation ? On se souvient qu’un des objectifs fixé à l’ANSM était de réduire l’influence de l’industrie en son sein, ce qui s’est traduit par des départs et un moindre recours à des experts externes. En conséquence de quoi, les personnels de l’ANSM, en nombre insuffisants, croulent sous la charge de travail et… croulent tout court ! « Compte tenu de la charge de travail et de la pression psychologique auxquelles le personnel est soumis, la situation actuelle n’est pas pérenne, souligne l’IGAS. Elle est non seulement porteuse de risques pour la santé physique et mentale du personnel, mais elle constitue un possible facteur de détérioration de la qualité du travail rendu par l’ANSM ». Ce que confirme Secafi, qui estime que « 44 % des agents sont en niveau de RPS (Risques Psycho-Sociaux) fort à très fort », les tests faisant apparaître un taux de stress « éminemment élevé ». Car, outre les départs et le moindre recours aux experts extérieurs, une réorganisation interne, menée « à marche forcée » et dans « le manque de transparence et d’information » aux dires des organisations syndicales citées par l’IGAS, a affecté les fonctions de 80 % des agents et généré du stress.

Fin 2012, Mediapart indique que la direction de l’ANSM aurait trouvé un « stock caché » de 14 602 dossiers de demandes d’AMM non enregistrés, certains en attente depuis plus de quatre ans… Et au début de cette année, « l’agence est en phase d’augmentation des stocks de dossiers à traiter en matière d’AMM », insiste l’IGAS qui souligne que « la prise en compte tardive de certaines demandes peut entraîner un risque sanitaire, notamment s’agissant des modifications d’AMM intervenant suite à la prise en compte de données de pharmacovigilance ». Selon le directeur de l’ANSM, Dominique Martin, interrogé par Mediapart, il faudra entre un et deux ans pour résorber le retard pris dans le traitement des dossiers. A propos de la pharmacovigilance, l’IGAS estime que la direction spécifique qui a été créée souffre « d’un positionnement bancal qui ne lui permet pas d’assurer les missions pour lesquelles elle a été créée » : faible expérience, voire absence totale d’expérience en la matière de la moitié des évaluateurs en pharmacovigilance qui, en outre, ne peuvent pas s’appuyer, comme cela était pourtant prévu lors de la réorganisation, sur des évaluateurs seniors .

Enfin, l’IGAS estime que la séparation entre l’ANSM et la HAS entraîne une perte d’information et une prise en compte insuffisante des informations sur le mésusage des médicaments par les agents de l’ANSM : l’évaluation du bénéfice/risque menée par l’agence est liée à l’évaluation sur SMR menée par la HAS, mais « les conclusions de la Commission de Transparence (CT) ne font pas partie des données utilisées par les évaluateurs de pharmacovigilance », note l’IGAS.

Dominique Martin ne nie pas les difficultés mais se veut « constructif » : un plan de prévention des risques psychosociaux a été voté et un gros effort de formation est fait pour renforcer l’expertise interne.

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