Urgences : Agnès Buzyn compte sur la ville, mais le compte y-est-il ?

Pour enrayer la crise des urgences, la ministre de la Santé propose un « pacte de refondation des urgences » qui sollicite largement les médecins libéraux. Mais ces derniers estiment que les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées.

Le pacte proposé par Agnès Buzyn comporte 12 mesures clés et dotés de 754 millions d’euros de 2019 à 2022. En incluant les 70 millions d’euros octroyés en juillet pour financer la prime urgences et les crédits estivaux exceptionnels ainsi que les financements déjà obtenus dans le cadre de « Ma santé 2022 » pour certaines mesures, cela porte à 1 milliard d’euros sur cette période pour la mise en œuvre de ce pacte.

La mesure phare du plan ministériel consiste en la création d’un Service d’Accès aux Soins (SAS), dont la mise en place est prévue pour l’été 2020 et auquel 340 millions d’euros sont destinés. « Je souhaite mettre en place dans tous les territoires un service universel pour répondre à toute heure à la demande de soins des Français », a déclaré la ministre. Ce service sera accessible « par téléphone, en ligne » permettant au patient « d’obtenir un conseil médical et paramédical, de prendre rendez-vous pour une consultation ave un généraliste dans les 24 heures, de procéder à une téléconsultation, d’être orienté vers un service d’urgence ou de recevoir une ambulance ». Le SAS sera doté d’ « un outil en ligne cartographiant les structures disponibles à proximité » (cabinets médicaux et paramédicaux, pharmacies de garde, services d’urgence) et figurant « une estimation du temps d’attente pour les soins courants ».

La ministre entend que ce SAS soit créé « avec les médecins libéraux, avec la régulation médicale des services hospitaliers » et qu’il soit organisé de façon territoriale et « piloté de concert par les acteurs hospitaliers des Samu et libéraux fédérés en CPTS ». Elle donne deux mois à l’ensemble des acteurs pour lui soumettre « un modèle qui réponde à ce besoin que les Français ont exprimé ». Les travaux seront menés dans le cadre de la mission sur les urgences confiée à la mi-juin au député Thomas Mesnier (LREM, Charente), urgentiste, et à Pr Pierre Carli, président du Conseil National de l’Urgence Hospitalière (CNUH), dont les conclusions définitives sont attendues pour novembre.

Plus de guerre de tranchées
« Je ne veux plus de guerre de tranchées entre les médecins libéraux, les médecins hospitaliers et les secours d’urgence, ça n’est plus possible », a déclaré la ministre, qui dit ne pas préempter « un numéro X ou Y » mais « souhaite qu’on décloisonne la médecine libérale, la régulation hospitalière et les liens avec les secours » et estime que le SAS ne peut « pas être uniquement un numéro de régulation libérale ». C’est prendre à rebours l’ensemble des syndicats de médecins libéraux qui plaident depuis longtemps pour le déploiement national du numéro d’appel 116 117 pour la permanence des soins, mais aussi la conférence des présidents de CME de centre hospitalier et Samu-Urgences de France qui militent, eux, pour un numéro de santé unique. « Rien ne semble décidé concernant l’avenir de la régulation libérale et le 116 117 », déplore le SML.

« La création d’un SAS assorti d’un budget important reste très floue », remarque la CSMF, qui « réaffirme que cela ne doit pas être une organisation centrée sur l’hôpital, sous forme d’un numéro unique issu de la régulation hospitalière », mais que ce service « doit s’appuyer sur la régulation libérale et s’organiser dans les territoires avec et par les médecins libéraux ». MG France redit que « le 116 117 doit être mis en place pour les soins non programmés, le 15 étant réservé aux urgences vitales » et la FMF souligne que les médecins « sont prêts à une organisation territoriale des soins non programmés sous conditions d’une régulation libérale et d’une revalorisation » de leur prise en charge. Les syndicats insistent aussi sur la nécessité des moyens adéquats.

La CSMF estime que « solliciter les médecins de ville déjà surchargés passera immanquablement par la mise en place de mesures d’incitation fortes et de réorganisation » et « appelle la CNAM à ouvrir, sans délai, des négociations pour une meilleure valorisation de soins non programmés réalisés après régulation ou orientation ». MG France « veillera à ce que les investissements nécessaires soient au rendez-vous ». Pour sa part, le SML « note que le gouvernement entend soutenir l’offre de soins non programmés dans les cabinets médicaux » mais que « l’investissement proposé est loin d’être à la hauteur des attentes : 10 millions d’euros… »