Vin de moselle « pappoli villa » 2017

Et si avait éclot en Moselle un « wonder kid » de la vinification ? L’obtention pour les vins mosellans d’une AOC en 2010 a indiscutablement entraîné une remarquable progression qualitative derrière des domaines phares (voir Le Cardiologue n° 333) privilégiant la culture bio, affinant des cépages adaptés au terroir : auxerrois, mûller-thurgau, pinot gris, bonifiant le caractère corsé des pinots noirs. A cela s’ajoute l’arrivée de jeunes viticulteurs, illustrée par François Maujard.

Ce dynamique vigneron tout juste trentenaire avait assouvi sa première passion : le rugby évoluant en cadet au club de Metz aux côtés d’un certain Morgan Parra, future star de l’équipe de France. Il avait ensuite voulu travailler dans la finance en débutant une licence d’économie à la faculté de droit de Nancy, mais avait été vite rebuté par l’âpreté et le manque d’éthique du milieu qu’il entrevoyait. Il décide alors de se rapprocher du monde paysan, pour être confronté au concret, œuvrer pour la protection de la nature et l’avenir de ses enfants. Il décide donc de devenir vigneron en passant un BTS viti-oeno à Beaune en alternance avec des stages chez des vignerons réputés : Thibault Liger-Belair, Thierry Mortet, Sylvain Pataille. Cette formation purement bourguignonne va beaucoup influer sur ses choix œnologiques : ses pinots noirs nous rappellent ceux de Nuits-Saint-Georges, ses chardonnays, une rareté dans la région, ont le nez flatteur typique de ce cépage.

Tout récemment installé en 2016, il a pu, grâce à des subventions, acheter ou prendre en fermage des vignobles, dont les propriétaires, pour certains déjà bio, partaient en retraite ou acceptaient de l’aider sur les communes de Plappeville, Lessy, Jussy, Vaux et Rozérieulles couvrant un peu plus de 4 ha complantés principalement en pinot noir, auxerrois, pinot gris. Les terroirs bien drainés, constitués de terrasses pierreuses et de sol argileux sur éboulis calcaires, sont situés sur des coteaux de la Moselle, le plus souvent exposés sud, sud-est générant un microclimat protégé des influences froides. La pluviométrie est régulière, les chaleurs estivales sont tempérées par le fleuve.

Dès le départ, le jeune homme, fidèle à ses convictions, ne conçoit pas de travailler autrement qu’en bio, malgré les contraintes et le surcroît de travail. Les vignes sont enherbées, légèrement griffées sans labour. Toute chimie est exclue. La prévention du mildiou, fréquent en Moselle, repose sur la bouillie bordelaise en limitant les doses de cuivre à moins de 6 kg/ha. Des préparations bio, type tisane d’ortie, sont en préparation. Les engrais sont naturels.

Les vendanges, très soigneusement triées, sont manuelles (obligatoire pour l’AOC) en petites caissettes. La vinification est la plus naturelle possible. Les raisins blancs non égrappés, ni levurés ou enzymés, sont transférés en cuve, pressurés pneumatiquement pendant 2 h, débourbés pendant 24 h. L’entonnage par gravité dans des tonneaux de chêne parfois chauffés permet la fermentation alcoolique grâce aux levures naturelles. La malolactique est systématique. L’élevage en fûts sur lies fines sans aucun batonnage pour respecter le produit, s’étend sur 8 à 12 mois. Après soutirage, la mise en bouteille s’effectue sans collage, ni filtration.

François Maujard a choisi de vinifier séparément chaque parcelle en mono-cépage, pour « distinguer les nuances des terroirs et offrir une palette diversifiée de vins ». Il avait l’intention, selon le modèle bourguignon, d’attribuer à chaque cuvée le nom du village, dont elle était issue, ce que les règles administratives lui ont interdit. Aussi, il contourne la difficulté en prenant leur nom historique datant de l’époque romaine : Pappoli Villa (Plappeville), Vallis (Vaux), Jussiaca (Jussy) !

Malgré son atavisme bourguignon, il a une tendresse toute particulière pour le cépage auxerrois apparu fin du XIXe siècle sur les coteaux de la Moselle, mais qui doit son nom au fait qu’il fut développé dans des pépinières proches d’Auxerre.

Le Pappoli Villa 2017, pur auxerrois, paré d’une brillante robe jaune topaze à reflets verts, fait jaillir du verre d’intenses senteurs de fruits jaunes : poire Williams, pêche, mirabelle (Lorraine oblige !), melon et abricots nuancées de subtiles notes d’agrumes : orange bien mûre, zeste de mandarine, d’épices noires (coriandre) et de vanille traduisant l’élégant boisé. La bouche allie une texture crémeuse à un séveux riche, tendu, ciselé avec une touche minérale pierreuse et crayeuse. La finale raffinée s’attarde sur une certaine douceur miellée liée à un peu de sucre résiduel qui contribue à atténuer l’alcool (13,5 °) et à soutenir la richesse en fruit.

Cet auxerrois mosellan s’accordera parfaitement et logiquement avec la cuisine de la même région : tourte à la viande, pâté lorrain, grenouilles à la mode de Boulay, cassolette d’escargots à l’anis et avant tout quiche bien crémeuse. Il sera également complice de poissons de rivière en sauce : pavé de sandre, brochet braisé à la crème, matelote de poissons d’eau douce. François Maujard estime que certaines notes sucrées et exotiques de son vin peuvent faire merveille avec les plats sucrés-salés : tajine d’agneau aux pruneaux et abricots, pastille de pigeon amande et miel, poulet aigre doux ananas, brochettes de porc satay à la banane.

Les vins de garage élaborés par des viticulteurs inspirés dans des locaux exigus avec les moyens du bord ont autrefois connu leur heure de gloire. François Maujard, dont le chai est installé de bric et de broc dans une vieille grange, va probablement connaître la célébrité en inventant les «vins de grange». En attendant, il se réjouit : « on a la chance, nous les vignerons, de vendre du rêve. Même si le métier est dur, on fournit du bonheur. C’est magique » et les prix à moins de 15 euros plus encore !

Domaine Maujard-Weinsberg 57535 Marange-Silvange

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