Y a-t-il un pilote pour la politique de santé ?

Héritier de la réforme Juppé de 1995, la discussion parlementaire du PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) constitue chaque année le point d’orgue du calendrier politique médico-social. C’est dans ce texte que le Gouvernement insère ses grandes (et petites) ambitions pour l’année suivante. Avec des orientations budgétaires majeures comme la définition de l’ONDAM (Objectif National de Dépenses de l’Assurance Maladie), véritable budget prévisionnel, divisé en deux sous-objectifs pour la ville et l’hôpital. L’an dernier avait ainsi été programmé l’objectif rigoureusement intenable de + 1,1 % pour la ville avec la conséquence prévisible du déclenchement du Comité d’alerte survenu dès juin.

« Ceinture et bretelles » pour la maîtrise comptable

Cette année, le nouveau Gouvernement, issu du double scrutin de printemps, a soufflé le chaud et le froid. Le chaud avec la sage promesse de M. Éric Woerth, à l’été, de se doter d’un objectif pluri-annuel de croissance de 2 % en volume, équitablement partagé entre la ville et l’hôpital. Et le froid avec le texte finalement soumis au débat du Parlement qui a déséquilibré cet objectif initialement louable. Le produit des franchises (850 millions d’euros) étant fléché sur trois objectifs – prise en charge des cancers, de la maladie d’Alzheimer, des soins palliatifs – il ira majoritairement pourvoir au budget de l’hôpital. Conséquence : le secteur ambulatoire se retrouve doté d’un objectif de 2,3 % quand l’hôpital est crédité de 3,5 ; néanmoins insuffisant selon les gestionnaires qui réclamaient 4,5% et qui considèrent que les établissements seront en faillite virtuelle en 2008.

Problème sans doute appelé à revenir d’actualité après les municipales. Mais le monde libéral ne tiendra pas forcément jusqu’à l’échéance car il bouillonne déjà à regarder le sort que lui réserve le Parlement et il faut, ici, en revenir au contenu du PLFSS. Lequel comporte donc des dispositions un peu disparates mais dont la logique comptable apparaît évidente. Il y a d’abord ce que la presse a qualifié de « stabilisateur économique », en fait un dispositif prévoyant qu’un accord conventionnel dûment signé ne s’applique qu’au bout de six mois, lorsque peut être validée la certitude qu’il ne mettra pas en péril le respect de l’ONDAM. Ceinture et bretelle : une intervention du Comité d’alerte peut également le remettre en cause. Autant dire que la liberté de négociation des partenaires conventionnels est soigneusement obérée !

Autres mesures péjoratives pour les mêmes acteurs : l’introduction de la contractualisation individuelle, la possibilité d’expérimenter des modes de rémunérations alternatifs au paiement à l’acte… et les atteintes prévisibles à la liberté d’installation. Certes, le mois de grève des internes a écarté le spectre des zones interdites à la primo-installation et le sujet est renvoyé à des États Généraux programmés pour février 2008, mais si les mesures « coercitives » apparaissent exclues, les dispositions « désincitatives » ne sauraient être écartées… Tout se passe comme si les morceaux d’un « puzzle » inédit commençaient d’être installés au quatre coins du nouveau cadre… dans l’attente des pièces centrales !

« Mais qui connaît M. Yves Bur ?

Le problème est que personne ne peut dire aujourd’hui s’il s’agit d’une évolution ou d’une révolution et qu’on ne sait même pas si un plan directeur régit ces amendements au système pour la bonne raison que la campagne électorale avait fait l’impasse sur ces sujets. Personne n’aurait ainsi pu envisager que Nicolas Sarkozy allait mettre en cause la liberté d’installation des jeunes médecins avant de consentir un repli tactique. Personne ne sait deviner les vraies intentions du Gouvernement envers le secteur 2… Dommage car celles-ci conditionnent les marges de manoeuvre des actuels négociateurs du secteur optionnel.

Ce manque de lisibilité n’est pas seulement préjudiciable à la crédibilité des acteurs. Il l’est également pour la gouvernance du système. Yves Bur est député UMP du Bas-Rhin. Chirurgien-dentiste de son état dont les relations avec les médecins doivent être exécrables car il est l’auteur de deux amendements provocateurs vis-à-vis de ces derniers. Le premier amendement visait à censurer largement la liberté tarifaire des praticiens du secteur 2, le second à taxer, à 0,50 €, les feuilles de soins papier des réfractaires à la télétransmission. La surprise vient du fait que ses amendements – qualifiés de « scélérats » par la CSMF – ont été adoptés lors de la première lecture de l’Assemblée, contre l’avis de Roselyne Bachelot, la ministre, mais avec le concours malicieux des socialistes… avant d’être mis à la trappe par le Sénat.

Cette initiative est peut-être à mettre au compte des « ruades » du groupe parlementaire UMP qui ne veut pas devenir « godillot », mais elle donne la désagréable impression d’une cacophonie inquiétante dans le poste de pilotage de l’Airbus A380 qu’est devenue la Santé.

De fait, 2008 a déjà programmé quelques rendez-vous potentiellement décisifs : les États généraux de l’organisation des soins, dont on imagine mal qu’ils rentent cantonnés aux problèmes de démographie médicale, la concertation sur la mécanique du financement (TVA sociale ou autre…), avec ses conséquences sur la gouvernance, la réforme de l’hôpital suspendue aux conclusions du rapport commandé à Gérard Larcher, prédécesseur de Xavier Bertrand au ministère du Travail, celle sollicitée de M. Ritter, ancien ARH d’Ile de France sur les futures Agences Régionales de la Santé.

Normalement donc l’exercice 2008 devrait être fécond sur l’ensemble des dossiers qui intéressent le monde de la Santé.

Mais, dans le contexte de l’hyperexposition qui caractérise les premiers mois de l’ère Sarkozy, la question peut aussi être inversée : la Santé -où il y a beaucoup plus de coups à prendre que de lauriers à espérer- intéresset- elle le Président ? Réponse sous quelques mois. •

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