Vœux pieux ?

François Fillon aura eu le mérite de mettre en pleine lumière le débat sur l’avenir de notre système de santé. Les réactions, tant de gauche que de droite d’ailleurs, et la réprobation clairement manifestée par l’opinion publique sur ses propositions libérales l’on promptement incité à faire machine arrière. Cela laisse mal augurer de l’avenir, car cette reculade peut donner à croire que, soit ses positions étaient peu réfléchies, soit son courage politique est à l’aulne de la moyenne du personnel politique.

Malheureusement, la controverse n’a porté que sur le volet financement et équilibre du système de protection sociale. On a évoqué : rétablissement des comptes, panier de soins, périmètre de celui-ci (petit risque ? gros risque ?). On nous a ressorti le Conseil National de la Résistance, Pierre Laroque… bref, la politique politicienne a vite repris son cours. En revanche, personne ne s’est penché sur le problème de fond, celui qui devrait être traité en priorité : l’architecture et l’organisation du système de soins dans un monde qui a radicalement changé depuis 1945 date de la création de la Sécurité Sociale et fin des années cinquante, époque à laquelle a été mis en place notre système hospitalo-universitaire.

Le vieillissement spectaculaire de la population, l’amélioration remarquable des thérapeutiques ont totalement transformé la nature des pathologies que nous prenons en charge. Nos schémas organisationnels sont progressivement devenus obsolètes ce qui a généré des pratiques inadéquates, coûteuses et peu efficientes.

Sans ordre préférentiel chacun peut constater chiffres à l’appui :

  • un surdimensionnement de l’hôpital public formaté pour la prise en charge des pathologies aiguës et non pour l’accompagnement des maladies chroniques ;
  • un mode de rémunération, le paiement à l’acte qui, seul, n’est plus pertinent pour rémunérer l’ensemble des missions du corps médical, même s’il reste incontournable dans certaines situations cliniques ;
  • un fonctionnement « en silo » des différents professionnels, peu à même de créer les conditions de prise en charge efficace des maladies chroniques qui nécessitent un parcours de soins coordonné et cohérent ;
  • l’absence de réflexion, et une défiance évidente de chaque acteur, sur la délégation de tâches qui doit libérer le médecin de tout ce qui ne justifie pas sa haute valeur ajoutée et autoriser chaque intervenant à valoriser son métier ;
  • la non-prise en compte de tous les outils regroupés sous le vocable de e-santé dont on ne mesure pas aujourd’hui ce que l’irruption dans le champ de la santé va chambouler de nos pratiques ;
  • le retard à l’adaptation du mode d’exercice libéral, qui du cabinet isolé doit évoluer vers l’entreprise médicale de proximité, regroupant l’ensemble des professionnels de santé participant aux missions de soins, de prévention et de santé publique dans les territoires. Ces structures associant les équipes de premiers recours et d’expertise ambulatoire doivent devenir la pierre angulaire de la prise en charge des maladies chroniques pour toute personne ne justifiant pas d’une hospitalisation complète :
  • enfin les pouvoirs publics et les représentants de toutes les professions de santé doivent s’entendre pour stopper la déferlante de nouveaux professionnels et stabiliser la densité des intervenants, indispensable pour rationaliser l’offre de soins, mettre en place une coordination efficace et contrôler les coûts.

Voilà ce qui devrait être débattu aujourd’hui, car sujet de société concernant tous les Français qui gagnerait à être exposé sans tabou et en complète transparence.

Tout cela, vœux pieux à l’approche de Noël ?

Il n’est pas indispensable d’être croyant pour avoir foi dans les facultés d’adaptation de la société, même si dans notre beau pays il faut le plus souvent attendre d’être dos au mur pour réagir. Nous y serons bientôt.

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