Les plaintes contre les cardiologues en 2008 : Rapport du Conseil Médical du Sou Médical-Groupe MACSF

331 – Tendances chiffrées

La sinistralité (nombre de dommages déclarés à l’assureur faisant l’objet ou non de plaintes pour 100 sociétaires) est relativement stable par rapport à 2007 : 1,72 %. Derrière cette apparente stabilité des déclarations, on constate une progression des plaintes formalisées d’emblée par les patients et une diminution des déclarations de prudence faites par les sociétaires (avant plainte).

Le taux de condamnations dans les procédures civiles « au fond » se stabilise à 67 %, avec un montant moyen des indemnisations aux alentours de 203 000 euros par dossier. Devant les CRCI (Commission Régionale de Conciliation et Indemnisation des accidents médicaux), les avis retenant une faute est aux alentours de 33 % (taux stable).

Pour la cardiologie, la sinistralité s’est accélérée en 2008 avec un taux de 3,8 % (soit 75 déclarations pour 3045 cardiologues sociétaires) contre 2,4 % en 2007.

On dénombre 2 plaintes pénales, 8 plaintes devant le conseil de l’Ordre, 27 plaintes civiles (assignations en référé), 11 réclamations amiables et 27 saisines d’une CRCI. Cette fréquence élevée des saisines de CRCI s’explique par le fait que les accidents en cardiologie sont souvent graves et/ou considérés comme des aléas thérapeutiques, ce qui ouvre droit au principe éventuel d’une indemnisation par la solidarité nationale.

Comme dans toutes les spécialités, les plaignants, surtout depuis la création des CRCI, utilisent plusieurs voies de recours pour une même affaire, afin de multiplier les chances de succès de leur plainte.

Analyse des sinistres déclarés en cardiologie

Erreurs diagnostiques (6 dossiers)

Les cas d’erreurs diagnostiques sont souvent la conséquence de la mise en échec des explorations paracliniques (faux négatifs) : – mort subite 3 mois après une épreuve d’effort négative sur des douleurs atypiques (coronaropathie à l’autopsie) ; – arrêt cardiaque sur IDM antérieur chez un homme de 40 ans après passage aux urgences avec 2 ECG et 2 troponines négatives ; – non-diagnostic d’une endocardite sur prothèse mécanique à l’échographie lors d’un bilan de vertige : diagnostic ultérieur sur ciné de valve lors d’une coronarographie ; – non-diagnostic d’une embolie pulmonaire (malgré HBPM) chez un enfant de 13 ans dans un contexte septique au décours d’une appendicectomie.

Critiques de la prise en charge, la surveillance ou le traitement (20 dossiers) : _ Après un diagnostic correctement fait, c’est la gestion même du cardiologue qui peut être critiquée : – reproche de l’absence de réévaluation d’une coronaropathie. Décès en post-opératoire du pontage ; – insuffisance rénale évolutive, puis greffe : absence d’un bilan étiologique lors de la découverte d’une HTA ; – endocardite après soins dentaires : absence de conseil d’antibioprophylaxie sur fuite mitrale (avant les nouvelles recommandations) ; – absence de coronarographie après une épreuve d’effort positive chez diabétique : IDM fibrinolysé quelques semaines après, puis décès dans l’attente d’un pontage ; – récidive ischémique dans l’attente d’un pontage en centre de réadaptation (insuffisance respiratoire) : reproche d’une mauvaise surveillance (pas de visite quotidienne) et de l’absence de transfert en USIC. Décès ; – défaut de surveillance d’une embolie pulmonaire traitée par héparine, récidive embolique fatale.

La gestion des anticoagulants reste un motif récurrent de mise en cause des cardiologues : 2 cas d’hémorragies graves : un hématome périmédullaire avec paraplégie, un hématome sousdural. Les surdosages sont la conséquence d’une surveillance insuffisante ou d’une mauvaise coordination entre les praticiens. On relève également un manque de réactivité des praticiens. La survenue d’un problème inexpliqué chez un patient sous anticoagulant doit inviter à la réalisation systématique d’un dosage de l’INR.

La survenue d’effets indésirables liés à des médicaments a fait l’objet de réclamations : – thrombose de pontage iliaque par thrombopénie immuno-allergique à l’héparine ; – pneumopathie irréversible à l’amiodarone ; – urticaire majeure à la pénicilline (prévention d’osler litigieuse chez patient déjà connu pour une allergie à cet antibiotique).

Accidents liés à des procédures invasives

Cardiologie interventionnelle (12 dossiers)

On note une stabilité des plaintes dans ce secteur, touchant la coronarographie dans 3 cas et l’angioplastie coronaire dans 9 cas.

Les accidents de point de ponction deviennent une des sources principales de plaintes et surtout de condamnations des établissements et/ou des praticiens, avec une importance croissante des infections. Alors que la voie d’abord radiale devient la voie privilégiée en France (55 %, selon le groupe de cardiologie interventionnelle de la SFC : GACI), elle n’a fait l’objet que d’une seule plainte. Il s’agit d’un hématome de l’avant-bras après un échec de ponction, entraînant une compression nerveuse et une paralysie invalidante de la main. Les 5 autres dossiers qui concernent la voie fémorale sont toutes des complications infectieuses, d’abcès au point de ponction, s’étendant localement (arthrite de hanche, infection de l’artère fémorale avec ischémie puis embolie distale et finalement amputation de cuisse) ou de façon systémique (septicémie ou endocardite). Dans 3 cas, un système de fermeture percutanée avait été utilisé. Les experts sont désormais très vigilants sur les moyens de prévention mis en oeuvre (rasage proscrit, douches, badigeonnages antiseptiques) et surtout sur la traçabilité de ces mesures.

Plusieurs complications du cathétérisme ou de la procédure d’angioplastie elle-même : – une occlusion de l’artère centrale de la rétine traitée par une fibrinolyse malheureusement inefficace ; – une ischémie médullaire (avec paraparésie) par embolie ? – dissection de la coronaire droite, avec un KT guide AL2 avec extension rétrograde dans l’aorte, opérée 24 heures après, sans séquelle. Bien que considérée comme un aléa thérapeutique, il a été reproché au praticien de ne pas avoir fait immédiatement un scanner et de n’avoir pas transféré le patient en chirurgie cardiaque, occasionnant des angoisses et des souffrances ; – dissection du tronc commun et IVA lors d’une angioplastie complexe de la circonflexe, avec choc cardiogénique réfractaire, malgré une prise en charge adéquate ; – mort subite quelques heures après une angioplastie pour un patient et souhaitant récupérer son certificat d’aptitude au pilotage (ischémie silencieuse). Pas d’explication à l’autopsie.

Rythmologie interventionnelle (14 dossiers)

La tendance amorcée ces dernières années s’accentue cette année avec une forte augmentation de la sinistralité, surtout lors des procédures d’ablations par radiofréquence.

Peu de dossiers concernent la primo-implantation des pacemakers, et ceux répertoriés sont en rapport avec la mise en place d’un triple chambre avec défi brillateur : deux hémothorax. Toutes les autres plaintes sont liées à des reprises (repositionnement de sondes, changement de boîtiers). Il s’agit surtout d’infections (3) de loges ou de sondes avec endocardite. L’ablation d’une sonde s’est compliquée d’une plaie de la veine cave, gérée avec succès grâce à la présence d’un chirurgien thoracique sur place. L’élargissement des indications d’ablations par radiofréquence s’accompagne de l’apparition de complications peu connues. Ainsi, un probable défaut de contact des plaques intermédiaires dorsales (forte pilosité, sudation, perte d’adhérence ?) a provoqué des brûlures cutanées du 3e degré (2 cas), dont une avec greffe cutané. Ce phénomène était aggravé par la nécessité d’augmenter la puissance des tirs. Les praticiens ne semblent pas avoir compris l’origine des douleurs pendant la procédure, qu’ils attribuaient à tort aux sensations classiquement ressenties.

3 dossiers sont en rapport avec une tamponade, dont 2 liés à la ponction trans-septale. Dans un dossier, malgré une réanimation immédiate et drainage chirurgical en urgence, un homme de 60 ans a présenté des séquelles anoxiques cérébrales majeures avec une dépendance totale.

Explorations habituellement « non invasives »

– Décès quelques heures après une scintigraphie myocardique, avec ischémie réversible. – Bris dentaire lors d’une échographie transoesophagienne. – Chute avec fracture humérale lors d’une épreuve d’effort sur tapis roulant.

Conclusions et mesures préventives

2008 est marquée par une augmentation nette de la sinistralité des cardiologues, même si de nombreux dossiers sont la conséquence de l’évolution naturelle d’une maladie grave sous-jacente.

Les infections nosocomiales lors de procédures invasives représentent 10 % des dossiers, dans lesquels les moyens de prévention sont parfois insuffi sants ou leur traçabilité défaillante. Elles sont surtout le fait de procédures itératives (ponctions fémorales, repositionnement de sondes ou changements de boîtiers) et doivent inviter à prendre des précautions supplémentaires de prudence dans ce contexte pour enrayer des condamnations de plus en plus fréquentes.

L’essor de la rythmologie interventionnelle s’accompagne de l’émergence de nouvelles complications (brûlures cutanées) ou de l’augmentation des complications graves (tamponnades lors du trans-septal).

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