Après le vote de la loi de santé : Et maintenant, que vont-ils faire ?

La loi de « modernisation de notre système de santé » a été définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale qui a réintroduit dans le texte les mesures supprimées ou modifiées par le Sénat, dont le tiers-payant généralisé et le Service Public Hospitalier, et les conditions pour en faire partie qui excluent, de fait, les établissements d’hospitalisation privée. La prochaine « épreuve » des médecins libéraux est maintenant celle des négociations qui devraient s’ouvrir au printemps prochain. Leurs représentants syndicaux ont affiché, il y a peu, leur volonté de l’affronter unis. Mais l’union qui a prévalu contre le projet de loi de santé survivra-t-elle quand il s’agira pour chacun d’obtenir le mieux -ou le « moins pire »- pour ses adhérents ?

Sans surprise de dernière minute, la loi de « modernisation de notre système de santé » a été définitivement votée par l’Assemblée Nationale le 17 décembre dernier. Quelques jours auparavant, les députés avaient adopté le texte en nouvelle lecture après y avoir rétabli l’essentiel des mesures modifiées ou supprimées par le Sénat. Le texte compte désormais 227 articles (contre 57 initialement), dont la majorité (118) a été adoptée conformes par les deux chambres.

Parmi les mesures confortées par les députés, on trouve les mesures les plus emblématiques du texte, celles qui ont déclenché la contestation des médecins. Les députés ont ainsi conforté la généralisation du tiers-payant à l’horizon 2017 et rétabli leur propre version de l’article 26 qui refonde le Service Public Hospitalier (SPH) en le définissant comme un bloc et non plus sous la forme de plusieurs missions de service public, instaurées par la loi HPST de 2009 et qui pouvaient être contractualisées. L’absence de dépassements d’honoraires fait donc partie des caractéristiques du SPH et il n’est plus question de dérogations limitées que la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) a cru un moment obtenir. Les cliniques privées dans lesquelles des médecins pratiquent des dépassements d’honoraires ne pourront donc prétendre au SPH, mais les praticiens hospitaliers pourront continuer de le faire dans le cadre de leur secteur privé au sein du service public…

 

Prévention et incohérence parlementaire

Rejeté à une très large majorité au Sénat, l’article instaurant un paquet de tabac neutre à compter du 20 mai 2016 avait été rétabli par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale. Pour autant, son adoption par les députés l’a été de justesse. Lors d’un scrutin public et par 56 voix contre 54, ils ont rejeté huit amendements identiques de suppression de l’article sur le paquet neutre émanant des groupes UDI, des radicaux de gauche, mais aussi d’une trentaine de députés socialistes. L’article a finalement été adopté par 54 voix contre 39. Les lobbies alcooliers ont sans doute pesé plus lourd que le réseau des buralistes, car l’article du projet de loi assouplissant les conditions de la publicité sur l’alcool a été lui adopté à une large majorité par les députés, à l’issue d’un débat de plus d’une heure au cours duquel on a pu entendre des arguments assez ahurissants. « Il ne s’agit pas d’autoriser de nouveaux supports ou de nouvelles formes de publicité, mais d’apporter une sécurisation juridique et d’éviter que l’on assimile un contenu journalistique, oenotouristique, culturel ou artistique à de la publicité », a ainsi déclaré Bernard Perrut (LR, Rhône), qui semble ignorer la très, très mince frontière qui sépare souvent le reportage du publi-reportage… « Je trouve plus que regrettable, triste même, que ce soit à l’occasion d’un texte de santé publique que la loi Evin soit défaite », a déploré Marisol Touraine, qui n’est pas parvenue à convaincre : les députés ont adopté l’article par 102 voix par, 29 voix contre et 4 abstentions.

 

Et maintenant, que vont-ils faire ?

Si l’opposition au projet de loi de santé a suscité un front uni de la profession, on peut s’interroger aujourd’hui sur la pérennité de cette union affichée au lendemain des élections aux URPS lors d’une conférence de presse commune au cours de laquelle la CSMF, le SML, la FMF et Le Bloc ont affirmé leur volonté de constituer un front uni pour aborder les futures négociations conventionnelles et d’élaborer des propositions communes qu’ils présenteront ensemble le 11 février prochain, jour où devrait se tenir la « grande conférence de santé » voulue par le Premier ministre – après l’adoption de la loi de santé – et boudée par la profession.

Depuis, il semble que l’unité se fissure quelque peu. Trois syndicats de généralistes, MG France, l’UNOF et la FMF, ont tenu une conférence de presse et lancé une concertation commune en ligne pour savoir quels types d’actions les généralistes sont prêts à mettre en œuvre (contestation tarifaire, refus de télétransmission ou de recours aux téléservices de l’Assurance Maladie) pour poursuivre leur mobilisation. Mais le SML avait décliné l’invitation lors d’une réunion de son assemblée générale…

Enfin, si les responsables des cinq organisations syndicales représentatives ont bien prévu de se revoir à deux reprises d’ici février 2016 pour préparer leur plate-forme commune en vue des négociations conventionnelles, c’est bien un par un qu’ils ont défilé dans le bureau de Marisol Touraine pour égrener leurs desiderata à la ministre, à qui la loi de santé confie la mission de cadrer les négociations conventionnelles avant leur ouverture (la lettre de cadrage devant parvenir à la l’UNCAM avant le 15 décembre !). L’unité, le dialogue syndical perdureront-t-ils autour de la table des négociations conventionnelles ?

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