Cour des comptes : une part non négligeable des fraudes et irrégularités attribuées aux médecins

Medscape – Comme chaque année, la Cour des comptes a rendu son rapport sur la fraude sociale, quels que soient les organismes sociaux touchés : la caisse d’allocation familiale, Pôle emploi, la caisse vieillesse ou encore l’assurance maladie.

En 2019, établit la Cour, ces organismes ont détecté quelque 1 milliard d’euros de fraudes avérées ou suspectées, dont 287 millions d’euros pour la seule assurance maladie, 1,8 fois plus qu’en 2010.

« Pour l’assurance maladie, ce sont les professionnels et les établissements de santé et médico-sociaux qui concentrent une part prépondérante des montants de préjudice subis et évités, soit près de 80% du total en 2019 ».

La fraude, ajoute la Cour des comptes, porte sur les facturations d’actes médicaux et paramédicaux, les séjours en établissement de santé, les prestations et biens de santé fictifs ainsi que les surfacturations.

Si le préjudice subi par l’assurance maladie s’élève en 2019 à 287 millions d’euros, en revanche, les pertes estimées semblent être plus importantes, de l’ordre de 1 milliard d’euros.

Qui sont les fraudeurs ?

La question se pose : qui sont les fraudeurs ? Les activités fautives des professionnels de santé et établissements ne représentent que 20 % des cas versus 51 % pour les assurés. En revanche, en termes de préjudice financier, sur les 287 millions d’euros de fraude détectés par l’assurance maladie, les assurés en assument 60 millions soit 21% du total et les professionnels de santé 47,6% soit 136 millions. Les infirmiers libéraux sont à l’origine de l’essentiel des irrégularités des professionnels de santé : 29% soit 39,3 millions d’euros. Mais les médecins arrivent en deuxième position, avec 25% du montant total, soit 34,1 millions d’euros. Parmi les médecins, ce sont les spécialistes qui concentrent le plus de fraude avec 18% soit 6,5 millions, alors que les généralistes ne concentrent que 7%. Les chirurgiens-dentistes sont à l’origine de 15% du montant, et les masseurs kinésithérapeutes de 13%.

Qu’encourent les médecins et professionnels de santé fraudeurs ?

« À partir d’un certain seuil de préjudice, les caisses de sécurité sociale ont l’obligation de saisir le procureur de la République en se constituant partie civile. Depuis 2015, ce seuil est fixé à 8 plafonds mensuels de sécurité sociale, […] soit actuellement 27424 euros ». Mais les caisses de sécurité sociale recourent de moins en moins à l’action pénale. « Dans l’assurance maladie, le nombre de plaintes s’est contracté de près de moitié entre 2014 et 2018 (de 1 040 à 577), avant de remonter ponctuellement en 2019 (1 059 plaintes) », explique la Cour des comptes. En 2018, 148 peines d’emprisonnement ont été prononcées, dont 40 fermes. Le montant moyen des amendes prononcées était de 8081 euros. Mais il faut relativiser : les 733 condamnations prononcées en 2018 correspondent à moins de 1% des fraudes détectées.

L’assurance maladie peut aussi avoir recours aux sanctions ordinales. En 2018, la majorité des peines prononcées par les Ordres concernaient des interdictions provisoires d’exercer. Les interdictions définitives d’exercer touchaient 3% des cas traités, les simples avertissements ou blâmes 4%, et les rejets ou absence de sanctions 3% et 6% respectivement. L’assurance maladie peut aussi sanctionner en déconventionnant. En 2019, « 34 déconventionnements sont intervenus en 2019. La plupart concernaient des transporteurs sanitaires, des taxis conventionnés et des infirmiers ». Mais l’assurance maladie n’est pas le seul organisme à pouvoir déconventionner : entre 2010 et 2016, 317 déconventionnements de médecins ont été prononcés, dont les deux tiers par la justice ou les ordres.

Enfin, les caisses peuvent aussi infliger des sanctions administratives. « Les sanctions administratives consistent en des avertissements et en des pénalités financières, prononcées par les directeurs de caisses à la suite d’une procédure contradictoire, écrite et le cas échéant orale, avec la personne en cause ». « Le nombre d’avertissements (3 710 en 2019) a été multiplié par 2,5 depuis 2010 ; celui des pénalités (3 385 en 2019) par 2,9 », sans préciser si les médecins sont les plus visés parmi les professionnels de santé, par ces sanctions administratives.

Recommandations

Quelles sont les recommandations édictées par la Cour des comptes pour mieux contenir, à l’avenir, ces fraudes et irrégularités ? Pour ce qui concerne les professionnels de santé, en particulier les médecins, la Cour préconise diverses mesures. Elle souhaite que les prescriptions médicales soient obligatoirement dématérialisées y compris en établissement de santé. Elle propose aussi d’automatiser les contrôles des règles de compatibilité et de cumul des actes et prestations facturées et suggère que ces contrôles soient intégrés dans les logiciels de facturation des professionnels de santé. De la même manière, la facturation par professionnel de ville même salarié doit être individualisée, et les données d’horodatage des logiciels de facturation des professionnels de santé pourraient être consultées par les caisses d’assurance maladie. D’autres mesures plus drastiques sont envisagées, comme le déconventionnement d’office.

Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC  – 11 sept 2020.

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