DPC : Le sévère état des lieux de l’IGAS

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© Diego Cervo

«Au terme de ses investigations, la mission conclut à l’existence de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre du Développement Professionnel Continu. Ces ratés ne révèlent cependant pas de manquements graves, a fortiori de fautes, de la part de l’OGDPC. La conception même de la réforme est en cause ainsi que la conduite de son application. »

Selon les auteurs (1) du rapport, l’analyse de la réforme fait apparaître « plusieurs vices de conception. Ainsi, « l’obligation de formation n’a pas de contenu précis : ni le volume d’heures, ni le contenu de la formation ne font l’objet de prescription ». L’absence d’organisation de la sanction du manquement à l’obligation constitue un autre « vice ». Enfin, « les aléas budgétaires qui affectent la construction des budgets de l’OGDPC ne donnent aucune assurance qu’il sera possible de financer le coût d’un DPC généralisé à tous les effectifs de l’ensemble des professions ».

Viennent ensuite, « quelques mauvais réglages » constatés par l’IGAS. Parmi ceux-ci, la procédure d’évaluation des organismes de DPC par les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI) qui « n’apporte pas toute garantie de qualité » et l’absence de contrôles a posteriori des organismes.

« La conduite de projet a été défectueuse. Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après “arbitrage” politique, les délais trop serrés, le choix technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique, ont mis sous une pression exclusive l’OGDPC », tranche sévèrement le rapport, qui exonère donc l’organisme gestionnaire, dont « la responsabilité apparaît limitée », pour mieux dénoncer un pilotage confus dû à l’omniprésence de l’Etat. Enfin, l’IGAS constate qu’« une carapace de scepticisme entoure cette réforme dont beaucoup considèrent qu’elle échouera ». Aussi la mission recommande-t-elle impérativement un « travail de concertation approfondie » en préalable à toute modification du dispositif. « La concertation doit s’étendre à l’élaboration des textes afin que la réforme s’élabore sans ambiguïté et recueille la meilleure adhésion des acteurs », préconise-t-elle.

Mais quelle réforme apporter au dispositif de DPC ? L’IGAS propose quatre scénarios possibles. Le premier consiste « à maintenir le système actuel en en corrigeant les dysfonctionnements ». Il faudrait notamment consolider le financement du DPC, assortir l’obligation d’un « jeu de sanctions réelles » en cas de manquement. La mission propose également « d’alléger la gouvernance et de garantir une concurrence loyale entre organismes de formation ». Dans le second scénario, les missions de l’OGDPC seraient recentrées sur la formation interprofessionnelle et les priorités de santé publique et tout ce qui a trait aux formations de DPC propre à chaque profession ou secteur d’activité relèverait des organismes gestionnaires spécifiques (ANFH, OPCA et FAF). Dans le troisième scénario proposé par l’IGAS, le DPC serait circoncis « à un socle de connaissance à actualiser que détermine le professionnel après évaluation de sa pratique », socle qui serait à acquérir auprès d’organismes ayant été évalués. Quant au quatrième scénario, il est radical, puisqu’il « consiste en l’application de droit commun de la formation continue : de légale, l’obligation redevient déontologique, l’OGDPC est supprimé et les fonds publics sont convertis en incitations, notamment dans le cadre des conventions avec l’Assurance Maladie ». Des incitations qui pourraient prendre la forme de points supplémentaires dans le cadre de la ROSP ou d’une majoration du C pour les médecins justifiant de leur engagement dans le DPC.

Il revient à présent à Marisol Touraine de trancher entre les quatre scénarios. Mais si elle dispose du rapport de l’IGAS pour éclairer sa décision, elle connaît aussi le souhait de la majorité des professionnels qui, après quinze ans d’errance de leur formation continue de réforme en réforme, vivraient très mal une nouvelle remise en cause radicale. Les syndicats médicaux ont réagi dès la sortie du rapport : ils demandent que soient apportées rapidement des modifications au dispositif de DPC allant dans le sens de sa simplification et d’une augmentation de son financement. Sur ce dernier point, toute la concertation du monde n’aboutira sans doute pas à leur complète satisfaction…

(1) Bertrand Deumie, Philippe Georges, membres de l’IGAS ; Jean-Philippe Natali, interne de santé publique, stagiaire à l’IGAS.

 

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