26 avril 2024
Depuis le début de la vaccination anti-Covid-19 jusqu’à novembre 2021, plusieurs centaines de millions de doses de vaccin à ARNm ont été injectées dans le monde. Les équipes de pharmacovigilance scrutent la survenue d’effets secondaires. Parmi ceux-ci, le cardiologue est particulièrement concerné par les effets secondaires cardiaques, à savoir la survenue de péricardites, de myocardites et les troubles du rythme cardiaque. Qu’en est-il ?

EFFETS INDÉSIRABLES CARDIAQUES

DES VACCINS À ARN
CONTRE LE SARS-COV-2

Serge Sarzotti. 

Beaulieu-sur-Mer

Epidémiologie

 

Tout d’abord, cadrons le débat. Le comité européen de pharmacovigilance a conclu que les effets indésirables cardiaques des vaccins à ARM étaient extrêmement rares, beaucoup plus rares que la myocardite induite par l’infection par le SARS-CoV-2, virus responsable de la Covid-19. 

Après un syndrome Covid-19 non sévère, une étude chez des athlètes nord-américains a enregistré jusqu’à 2,3 % cas de myocardites, la plupart asymptomatiques. Après une Covid-19 sévère – et en réanimation –, l’atteinte myocardique peut concerner jusqu’à 42 % des patients dans l’étude réalisée à Nice par D. Doyen. Inversement, la survenue d’une myocardite post-vaccinale est un événement rare qui concerne surtout des hommes jeunes (entre 12 et 39 ans), les symptômes survenant typiquement dans les trois jours après la deuxième injection du vaccin.

En période épidémique, on a mesuré que la probabilité d’avoir une myocardite après une vaccination anti-Covid-19 par ARNm est quatre fois moindre que lors d’une infection par le SARS-CoV-2. Pour fixer les idées, selon le CDC américain, si l’on vaccine un million d’hommes âgés de 12 à 29 ans avec deux doses de vaccin à ARNm, environ 47 seront atteints d’une myocardite ou d’une péricardite, tandis que l’on évite 560 hospitalisations, 138 admissions en soins intensifs et 6 morts dues à la Covid-19. Ainsi, à l’exception des enfants de moins de 12 ans chez lesquels le rapport bénéfice-risque du vaccin n’est pas encore connu, même dans une population à risque de myocardite post-vaccinale, le bénéfice de la vaccination reste majeur.

 

Mécanisme, tableau clinique et analyse histologique, mécanisme

 

Des myocardites avaient déjà été observées lors des vaccinations de masse, notamment lors des campagnes de vaccination antivariolique. Cet effet secondaire n’est donc pas spécifique de la vaccination par ARNm.
Dans le cas du vaccin anti-SARS-CoV-2, le mécanisme de l’atteinte cardiaque n’est pas connu. S’agit-il d’une réaction inflammatoire non spécifique ? Ou bien d’une atteinte par similitude antigénique entre la protéine Spike du SARS-CoV-2 et une protéine non connue du myocarde. 

La publication de huit cas de myocardites post-vaccinales en juin 2021 dans la revue Circulation a permis de préciser le tableau clinique. Il s’agissait de huit patients de sexe masculin âgés de 21 à 56 ans, qui avaient eu des douleurs thoraciques précocement après l’administration d’un vaccin à ARNm, survenant dans 7 cas sur 8 après la deuxième dose de vaccin. Une fièvre était survenue dans les 24 heures après vaccination pour cinq patients. La douleur thoracique était constante, invalidante, et avait débuté entre 2 à 3 jours après la vaccination. La troponine était augmentée dans tous les cas avec un pic le jour suivant l’hospitalisation. La recherche du SARS-CoV-2 était négative. A l’échocardiographie, il y avait une FEVG inférieure à 50 % chez 2 patients et 5 patients avaient des anomalies de la contraction segmentaire. A l’IRM cardiaque au gadolinium, il y avait un aspect en faveur d’un œdème myocardique, permettant de poser le diagnostic avec certitude. 

Le traitement a reposé sur des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour 3 patients, de la colchicine pour 2 patients, de la cortisone pour 2 patients et 3 patients n’ont pas reçu de traitement. Les patients ont dû s’abstenir de compétition sportive pendant une période de 3 à 6 mois avec une nouvelle évaluation avant la reprise sportive.

Fin septembre 2021, ont été publiées deux observations de myocardites post-vaccinales avec confirmation histologique (ce qui est rare) dans le New England Journal of Medicine (NEJM). La première a concerné une patiente de 45 ans, vaccinée par une première dose de vaccin Pfizer (commercialisé sous le nom de Corminaty), 10 jours auparavant et qui a ressenti une dyspnée. Au bilan, il y avait une tachycardie, une dysfonction VG (FEVG à 20 %) et une élévation de la troponine. A la biopsie endomyocardique, il y avait un infiltrat inflammatoire avec lymphocytes T, lymphocytes B, macrophages, éosinophiles et cellules plasmatiques. Un traitement classique de l’insuffisance cardiaque avec soutien inotrope et corticothérapie a été associé à une sortie de l’hôpital 7 jours après l’admission avec, à ce moment-là une FEVG à 60 %. 

La deuxième observation était dramatique et a concerné un homme de 42 ans ayant eu une dyspnée et des douleurs thoraciques 15 jours après la deuxième injection d’un vaccin Moderna. A l’échocardiographie, il y avait une dysfonction biventriculaire avec une FEVG à 15 % et le patient est décédé 3 jours après son admission hospitalière. A l’autopsie, il y avait une myocardite biventriculaire avec un infiltrat non spécifique comparable à l’examen histologique de la patiente précédente.

 

Cas particulier du vaccin Moderna

 

La pharmacovigilance est très efficace dans les pays scandinaves et c’est la Suède qui avait, la première, rapporté 440 cas de narcolepsie post-vaccination anti H1N1.

En Suède, l’agence du médicament a recensé 34 cas de myocardites et 11 péricardites après l’injection de 1,8 million de doses de vaccin Moderna alors qu’à l’issue de 10,6 millions de doses du vaccin Pfizer, n’ont été enregistrés que 75 cas de myocardites et 44 cas de péricardites. Comme ces événements surviennent chez des hommes jeunes, la Suède puis les pays scandinaves, ont interdit la vaccination par le Moderna en dessous de 30 ans. 

En France, l’étude Epi-Phare a confirmé le risque de survenue de rares cas de myocardites d’évolution favorable. Dans la population de moins de 30 ans, ce risque est 5 fois moindre pour le vaccin Pfizer par rapport au vaccin Moderna (100 microg) chez les 12-29 ans. La HAS recommande donc maintenant l’utilisation du seul vaccin Pfizer, qu’il s’agisse de primovaccination ou de rappel en dessous de l’âge de 30 ans.

Pour l’instant le vaccin Moderna ne doit plus être utilisé en dessous de 30 ans. Dans le futur et en fonction des résultats des études c’est la demi-dose de Moderna qui pourrait être utilisée en dessous de 30 ans.

 

Hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque

 

Dans les rapports de la pharmacovigilance française, il y a des cas d’hypertension artérielle dans le profil d’effets indésirables des vaccins à ARN anti-Covid-19 et 1 500 cas de trouble du rythme cardiaque ont été rapportés avec le vaccin Pfizer. Il est possible que ces troubles soient consécutifs à l’anxiété provoquée par la vaccination, mais peut être aussi au vaccin lui-même.

 

Cas particulier de l’enfant de moins de 12 ans

 

Mi-novembre 2021, la France n’a pas commencé à vacciner les enfants de moins de 12 ans, contrairement aux Etats-Unis et à Israël. Pour ces derniers, c’est le vaccin Pfizer qui a été choisi. Des résultats sur de grandes séries seront bientôt disponibles. Dans cette population particulière, la mesure de l’incidence des myocardites post-vaccinales est fondamentale dans l’évaluation du rapport bénéfice-risque. En effet, le bénéfice individuel du vaccin pour un enfant de moins de 12 ans est limité puisque ce virus tue moins en France que la méningite, les varicelles ou les rotavirus.

Les données concernant l’incidence des myocardites post-vaccinales chez les enfants de moins de 12 ans sont donc particulièrement attendues et détermineront l’utilisation de ce vaccin dans cette population. Aux Etats-Unis, la fréquence des myocardites chez les garçons de 12-15 ans (162 cas/million) est supérieure à celle observée chez les garçons de 16-17 ans (94 cas par million) ce qui est un mauvais signal. Si ce signal se confirmait en dessous de 12 ans, il est probable que les responsables français n’autoriseront pas la vaccination systématique dans cette population par le vaccin Pfizer.

En Conclusion

 

Les atteintes cardiaques liées aux vaccins anti-SARS-CoV-2 à ARNm sont des événements rares, beaucoup plus rares que les atteintes cardiaques liées au virus SARS-CoV-2, mais graves, et elles conduisent à une hospitalisation. 

Le mécanisme physiopathologique n’est pas encore connu, il peut s’agir d’une réaction immunitaire lymphoplasmocytaire non spécifique qui s’emballerait et qui atteindrait le cœur ou d’une parenté antigénique entre une protéine non connue du myocarde et le spike du SARS-CoV-2.

Du fait d’un plus grand nombre de myocardites induites, le vaccin Moderna n’est plus utilisé en dessous de 30 ans.

Chez l’enfant de 2 à 11 ans, du fait de l’existence de myocardites induites par les vaccins à ARNm, le rapport bénéfice-risque de la vaccination par le vaccin Pfizer est étroitement surveillé par les pays qui ont lancé la vaccination dans cette tranche d’âge. Actuellement, ce rapport est plutôt en faveur de la vaccination dans cette tranche d’âge aux Etats Unis. En France où la population pédiatrique est différente (moins d’obésité, meilleur accès aux soins) les études se poursuivent.

Le Cardiologue n° 443 – Novembre-Décembre 2021

Quelques lectures pour approfondir vos connaissances et en particulier la dernière référence qui fait état des résultats d’ACST2. 

(1) Anne L Abbott, Stroke 2009;40:e573-e583

(2) Lars Marquardt, Stroke 2010;41:211-e17

(3) Anne G den Hartog, Stroke 2013;44:1002-1007

(4) Alison Halliday, Lancet Vol 398 September 18, 2021

 

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