374 – Quelles sont vos critiques à l’égard du projet de loi de santé ?
Eric Perchicot. Je constate tout d’abord un grand écart entre la Stratégie Nationale de Santé (SNS) telle que Marisol Touraine l’a présentée et ce projet de loi de santé. Selon la SNS, la prise en charge du patient devait ête organisée de façon à éviter les recours inutiles à l’hospitalisation, et le problème était bien posé. Or, le projet de loi est entièrement centré sur l’hôpital. C’est le principal reproche que l’on peut formuler : le projet organise toute la prise en charge autour de l’hôpital public. En outre, il donne aux ARS les moyens d’imposer un cahier des charges inacceptable aux établissements d’hospitalisation privés pour participer au service public hospitalier qui, s’ils le refusent, seront privés de tout moyen. Il contient aussi des éléments qui laissent à penser que, à terme, les ARS pourraient faire obstacle à l’installation des médecins. On irait ainsi progressivement vers un conventionnement individuel et une contractualisation régionale par la régionalisation de la convention nationale. Or, il faut avoir à l’esprit que ce projet de loi ne sera effectif que dans quatre ou cinq ans quand il y aura pléthore de médecins. Et dans cette situation de pléthore, il se trouvera toujours des médecins pour accepter cette contractualisation avec l’ARS.
De même, le texte actuel dans son chapitre II et sous le titre « Exercice en pratique avancée » ouvre la porte à une très large délégation de tâches qui serait une catastrophe. Le médecin n’est pas un professionnel de santé comme les autres, dont on peut déléguer les compétences à d’autres professionnels et c’est une duperie que de le laisser penser. Les infirmières cliniciennes, cela fonctionne bien dans les pays anglo-saxons, où leur pratique est d’ailleurs très encadrée, mais nous ne sommes pas un pays anglo-saxon. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est ouvrir la boîte de Pandore.
Vous ne retenez donc rien de ce projet de loi ?
E. P. : En l’état, ce projet n’est pas à négocier mais à rejeter totalement. Outre les dangers dont j’ai déjà parlé, il introduit également le tiers-payant généralisé auquel les médecins sont opposés et dont tout le monde s’accorde à penser qu’il est inapplicable, il officialise la pratique inacceptable du testing, il détricote le DPC en confiant la responsabilité de la pédagogie aux universitaires. Bref, il est une attaque frontale de la médecine ambulatoire. Il devrait être présenté dans quelques semaines en Conseil des ministres et débattu à l’Assemblée Nationale au printemps. Mais il est inutile d’attendre pour dénoncer un projet en complète contradiction avec la Stratégie Nationale de Santé et liberticide pour la médecine libérale.