Faire la loi oui, mais comment ?

Rejet du PLFSS par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, loi Valletoux détricotée par les Sénateurs… légiférer en santé est-il encore possible ?

Contrairement au Projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) n’est pas automatiquement renvoyé aux commissions parlementaires chargées des affaires sociales. Cependant, il est de tradition qu’elles l’examinent, après avoir entendu les ministres concernés. De plus, la commission des finances s’en saisit également pour avis. Pour rappel, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale rassemble 73 députés représentant les différents groupes parlementaires.

La responsabilité du gouvernement à nouveau engagée

Lors de la séance plénière du mercredi 25 octobre, les articles 1 et 2 du projet de loi ont été supprimés par les députés qui ont adopté la première partie du texte portant sur l’exercice 2023 de la Sécurité sociale. Mais la commission des Affaires sociales ayant rejeté le texte le 20 octobre, la première Ministre Elisabeth Borne a choisi d’engager la responsabilité de son gouvernement et à recourir à l’article 49.3 pour faire adopter la partie « Recettes » du texte. Des motions de censure ont été déposées dans la foulée par les groupes LFI et Rassemblement national. Si ces motions sont rejetées, ce qui devrait être le cas, le texte sera considéré comme adopté par l’Assemblée nationale (sans discussion ni débat), et poursuivra son parcours législatif.

La loi Valletoux détricotée par les sénateurs

En parallèle de l’examen du PLFSS par l’Assemblée nationale, la loi Valletoux a été adoptée par le Sénat, après que sa commission des affaires sociales du Sénat a retiré près du quart des articles, notamment l’article 3 qui prévoyait le rattachement automatique des praticiens aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin de faciliter la coordination entre les professionnels.

De même, l’article concernant la permanence des soins assurée par les établissements de santé a été réécrit : le but était de davantage faire contribuer les cliniques aux gardes et astreintes mais les sénateurs proposent que la contrainte par les ARS ne s’exerce qu’en dernier recours. De plus, la garde d’un praticien dans un autre établissement que le sien ne pourra se faire que sur la base du volontariat.

Les amendements visant à réguler l’installation des médecins ont tous été repoussés, essentiellement par crainte d’un déconventionnement massif et du signal négatif qui serait adressé aux étudiants.

Le texte va désormais être examinée par une commission mixte paritaire sénateurs – députés pour dégager une version commune qui sera proposée au vote des députés.

Quelle place pour les syndicats ?

Alors que les négociations conventionnelles sont sur le point de reprendre, on peut penser que si la mobilisation des syndicats et des médecins au cours des dernières semaines n’est certes pas le seul facteur expliquant les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics (alimentées par les oppositions politiciennes), elle a néanmoins contribué à une certaine prise de conscience conduisant députés et sénateurs à juger les projets décevants et pas à la hauteur des enjeux ni des besoins des patients.

Alors qu’un nouvel équilibre semble se dessiner entre pouvoirs publics et corps intermédiaires, les syndicats sont déterminés à maintenir la pression pour faire entendre la voix des médecins libéraux.

Nathalie Zenou

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