Information, prévention et gestion des risques liés aux tests d’ischémie

303 – Valider l’indication

C’est bien sûr la première étape logique à respecter pour tenter de réduire les risques d’accidents. Cette étape est d’autant plus nécessaire que, dans la pratique, celui qui réalise le test est rarement celui qui a posé l’indication. Du fait de l’indépendance professionnelle, aucun médecin ne peut se considérer comme un prestataire de service et par conséquent le cardiologue qui effectue le test doit impérativement vérifier le bien-fondé de celui-ci.

Pour la sécurité du patient, mais aussi pour la sérénité du cardiologue, celui-ci doit inciter ses confrères prescripteurs à rédiger un courrier circonstancié posant l’indication.

S’il est en général en confiance avec une prescription cardiologique, il devra, par contre, redoubler de vigilance lorsque la prescription vient d’un médecin généraliste, forcément moins familier avec les subtilités de l’exploration. Un interrogatoire rapide et une auscultation cardiaque (rétrécissement aortique) ne seront pas superflus dans ce contexte.

De façon systématique, avant de démarrer le test, le cardiologue vérifiera l’absence d’évolutivité des symptômes depuis la prescription du test et analysera le tracé ECG de base afin d’éliminer une déstabilisation de la maladie qui pourrait contre-indiquer le test.

Si les cardiologues connaissent bien les contreindications des tests d’effort, ils sont souvent moins à l’aise avec celles spécifiques du dipyridamole. Celles-ci sont rappelées dans les recommandations de la Société Française de Cardiologie (Bibliographie : « Mise à jour des recommandations concernant la pratique des épreuves de provocation d’ischémie en cardiologie nucléaire chez l’adulte et l’enfant. » Arch. Mal Coeur. 2002 : vol 95. 850-74. ). Le dipyridamole est contreindiqué en cas d’hypotension artérielle (< 90 mmHg de systolique), d’asthme (± BPCO grave), de blocs auriculo-ventriculaires ou d’allergie connue. Enfin, le test est sans valeur s’il a été réalisé sous théophylline, ou après la prise de caféine, théine qui antagonisent tous le dipyridamole.

à l’occasion d’une scintigraphie au dipyridamole, compliquée d’un accident fatal, plusieurs praticiens (un généraliste, un cardiologue et le scintigraphiste) ont été mis en cause. Le défaut d’information, le non-respect d’une contre-indication et la mauvaise gestion de la complication leur ont été reprochés.

Information des patients

Force est de constater que les cardiologues éprouvent des difficultés à évoquer les risques de l’exploration, craignant sans doute un refus ! Pourtant les accidents ne sont pas rares et les préjudices parfois élevés. Il est donc de l’intérêt du cardiologue prescripteur d’expliquer à son patient le but, les modalités et les risques de l’examen. C’est, en fait, en expliquant les risques spontanés de la maladie que l’on arrive naturellement à faire accepter l’examen. La survenue d’une mort subite ou d’un infarctus du myocarde durant l’effort ou à son décours immédiat, sous réserve d’une indication bien posée, sont généralement considérés comme des aléas thérapeutiques, sans faute, par l’expert judiciaire. Pour le patient, c’est un événement auquel il ne s’attendait pas et son avocat tentera toujours de dire que l’effort qu’il a fait pendant le test n’est pas celui de sa vie quotidienne. L’invocation du défaut d’information est souvent la « dernière cartouche » des avocats pour tenter d’obtenir une indemnisation. C’est pour cette raison qu’il ne faut donc pas sous-estimer la portée de cette revendication, qui souvent se joue après des plaidoiries interminables, bien éloignées de la rationalité scientifique.

Mais le problème le plus épineux reste celui de la traçabilité. Si, bien sûr, le patient doit être informé oralement, il est impératif de pouvoir prouver la délivrance de cette information. De façon optimale, la remise conjointe du document de la Société Française de Cardiologie (téléchargeable sur www.cardio-sfc.org) est préférable. Puisqu’il est en général assez difficile de faire signer le document immédiatement en consultation, il faut, par contre, demander au patient de l’apporter signé le jour de l’examen, en restant ouvert à ses questions dans l’intervalle. Parallèlement, le prescripteur doit impérativement noter la mention d’une information délivrée dans son dossier ou idéalement d’y faire allusion dans le courrier destiné au médecin qui fera le test. Ã son tour, le cardiologue qui va faire le test doit s’assurer que le patient a bien reçu une information. Dans la situation peu confortable où le patient n’a pas été informé, il est préférable de marquer un temps d’arrêt pour l’information et de demander au patient de prendre le temps de lire le document de la SFC et le signer, quitte à éventuellement différer l’examen. Pour prévenir cette situation désagréable, le cardiologue doit inciter ses confrères à délivrer une information dès le moment de la prescription et ceci dans un intérêt commun.

Organisation du test

C’est un motif récurrent de plaintes. En effet, à la suite d’infarctus survenant dans l’intervalle qui précède le test, des cardiologues se sont vu reprocher de ne pas avoir donné de rendez-vous assez rapide ou d’avoir laissé le patient gérer son rendez-vous. Outre l’appréciation de la gravité de la maladie, il convient d’être clair avec son patient sur le délai à ne pas dépasser pour faire le test en le notifiant par écrit. Pour éviter les errances de son patient, il est même judicieux de fixer directement le rendez-vous pendant la consultation. Enfin, le patient doit être averti qu’en cas d’évolution des symptômes il devra soit consulter en urgence soit contacter le SAMU. Dans l’attente du test, un traitement comprenant au moins un antiagrégant plaquettaire et un dérivé nitré d’action rapide (avec les consignes d’utilisation) pourront idéalement être prescrits si la conviction clinique est nette et en l’absence de contre-indication.

Déroulement du test d’ischémie

Les conditions de sécurité sont clairement notées dans les recommandations de la SFC(). La première règle est de faire le test assisté d’une autre personne (médecin, infirmière ou manipulateur), qui permettra d’aider à la réanimation en cas d’arrêt cardiaque et de demander des renforts. Le local doit comporter un chariot de réanimation complet (dont le contenu est contrôlé régulièrement) avec un défibrillateur et doit être situé à proximité d’une structure de réanimation (USIC, réanimation ou salle de réveil) facilement joignable.

Le patient doit comprendre les étapes de l’examen et savoir signaler l’apparition de symptômes.

La chute compliquée de fractures n’étant pas exceptionnelle, le médecin doit vérifier l’aptitude physique de son patient à faire le test et dépister tout handicap menaçant l’équilibre de celui-ci (morphologie, âge, arthrose ou parésie d’un membre inférieur) et doit assurer une surveillance constante, en évitant, par exemple, d’être distrait par des appels téléphoniques.

Gestion d’un résultat positif

Dans le cas de test précocement positif, ou en présence de signes péjoratifs, il faut savoir imposer une hospitalisation immédiate en cardiologie (parfois en USIC) pour surveillance. Dans les cas moins graves, l’instauration ou l’adaptation thérapeutique doit être décidée le jour même. Si le cardiologue ou médecin traitant ne peut pas voir le patient très rapidement, le cardiologue d’épreuve d’effort devra rédiger l’ordonnance nécessaire. Il convient d’être particulièrement vigilant lorsque le traitement habituel n’est pas connu avec certitude, car toute confusion sur les molécules (entre nom commercial et générique) peut aboutir à des surdosages létaux.

Conclusion

Derrière l’apparente banalité des tests d’ischémie se cachent une multitude de pièges pouvant engager la responsabilité des cardiologues. Une part importante des mises en cause relève d’un manque de coordination entre plusieurs praticiens, notamment dans l’indication et la gestion du résultat. Pour éviter d’être condamné à l’occasion d’un accident aléatoire, sans faute médicale, les patients doivent bénéficier, dès l’indication posée, d’un processus d’information avec une parfaite traçabilité. Enfin, une relecture des dernières recommandations de la SFC ne peut être que rafraîchissante !

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