Intelligence artificielle, le secteur « stratégique » pour la santé

Le rapport Villani retient la santé comme étant un des « secteurs stratégiques » pour le développement de l’Intelligence Artificielle (IA) et émet des recommandations pour assurer le succès de ce développement.

A la demande du Premier ministre, le mathématicien et député LREM Cédric Villani a effectué une mission sur la stratégie française en matière d’Intelligence Artificielle. Son rapport, rendu récemment, délivre « 10 messages clés » pour une stratégie française et européenne (voir encadré) et « face aux géants chinois et américains » recommande que la France et l’Europe « concentrent leurs efforts sur des secteurs spécifiques, où il est encore possible de faire émerger des acteurs d’excellence ». Le rapport Villani identifie quatre « secteurs stratégiques » : les transports, l’écologie, la défense/sécurité et…la santé. Dans ces secteurs, « la stratégie industrielle doit permettre de mobiliser et de structurer les écosystèmes autour de grands défis sectoriels », indique le rapport qui, concernant la santé, fait référence à la détection précoce des pathologies, la médecine 4P (Personnalisée, Préventive, Prédictive, Participative) et la disparition des déserts médicaux.

Ces secteurs étant identifiés, il importe de « mettre en place des plateformes sectorielles de mutualisation » des données pertinentes pour le développement de l’IA et de créer des « bacs à sable d’innovation » dans lesquels des allègements temporaires des contraintes réglementaires et organisationnelles permettraient de « laisser le champ libre » aux innovateurs et où pourraient être conduites « les expérimentations en conditions réelles pour les technologies d’IA en santé, au sein des CHU et des lieux d’expérimentation locaux en santé, voire jusqu’aux professionnels ».

Dans un « focus sectoriel » que le rapport consacre à la santé, la mission Villani estime que la « vitesse d’évolution » et la « démocratisation des usages » liés à l’IA en santé « exigent des pouvoirs publics une adaptation rapide sous peine d’assister impuissant à la reformulation complète des enjeux de santé publique et de pratiques médicales ». Pour autant, assure-t-elle, « il n’est pas question de remplacer les médecins par la machine », mais d’ « organiser des interactions vertueuses entre l’expertise humaine et les apports de l’IA ». Les professions médicales les plus impactées seront « les spécialités basées sur l’analyse de signaux et d’imagerie médicale », mais les compétences d’orientation, de coordination, d’explication et d’accompagnement du patient « se révèleront probablement plus résilientes ».

Introduire l’IA dans la formation médicale

Le rapport insiste sur le fait que les professionnels de santé vont « jouer un rôle fondamental dans l’expérimentation et l’entraînement des IA à des fins médicales dans des conditions réelles ». Encore faudra-t-il pour cela qu’ils aient été formés à cela. C’est pourquoi le rapport Villani propose de « transformer les voies d’accès aux études de médecine » en intégrant « davantage d’étudiants spécialisés dans le domaine de l’informatique et de l’IA ». Les professionnels de santé devront être formés aux usages de l’IA, des objets connectés et du big data en santé. « Cette transformation de la formation initiale pourrait avoir lieu dans la réforme en cours du premier et deuxième cycle de médecine. »

Il sera aussi nécessaire de « clarifier la responsabilité médicale des professionnels de santé » en cas d’incident. « En l’absence de la reconnaissance d’une personnalité juridique autonome pour l’algorithme et le robot, il serait envisageable de tenir le médecin pour responsable de l’utilisation des programmes, algorithmes et systèmes d’IA, sauf défaut de construction de la machine », suggère le rapport.

Par ailleurs, pour pouvoir entraîner les technologies d’IA sur des données suffisamment nombreuses et de qualité, le rapport préconise de « lancer un nouveau chantier spécifique de production d’informations et de données de santé ». Certes, la mission Villani reconnaît le « caractère pionnier » de la mise en place du Système National d’Information Inter-régimes de l’Assurance Maladie (SNIIRAM) et du Système National des Données de Santé (SNDS), mais ces deux systèmes présentent des limites pour le développement de l’IA en santé. Il conviendrait donc de créer « une plateforme d’accès et de mutualisation des données pertinentes pour la recherche et l’innovation en santé » qui, outre des données médico-administratives, pourrait contenir aussi des données génomiques, cliniques et hospitalières, et dont l’accès serait organisé par l’Etat.

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