Interview – Jean-Paul Ortiz : « Il faut mettre l’hôpital à la maîtrise médicalisée »

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« Il n’y a plus de marge d’économie possible sur la médecine libérale. » © Pascal Wolff

Quel commentaire vous inspire la participation à hauteur de 10 milliards d’euros demandée par le Gouvernement à la santé ?

Jean-Paul Ortiz : A la CSMF, nous considérons que ce qui est fondamental c’est de « déshospitaliser » le pays en développant la chirurgie ambulatoire, en diminuant les durées de séjour, en évitant les hospitalisations inutiles, etc. L’objectif de Marisol Touraine, nous le partageons et nous sommes d’accord pour participer à cette évolution. Mais aujourd’hui, la médecine de ville a très largement accompli sa part de maîtrise des dépenses de santé : la médecine de ville a fait plus que respecter les ONDAM qui lui ont été fixés puisqu’elle les a même sous-exécutés ces trois dernières années. En 2013, la sous-exécution de l’ONDAM en ville s’élève à 800 millions d’euros.

Dans ces conditions, on ne peut plus envisager de demander encore plus d’efforts de maîtrise à la médecine de ville : il n’y a plus de marge d’économie possible sur la médecine libérale, il n’y a plus de gras, on attaque l’os ! En revanche, il y a des marges organisationnelles qui concernent l’hôpital. Mais pour participer à la diminution des recours à l’hôpital, la médecine de ville doit avoir les moyens de le faire.

Entre les intentions gouvernementales et les détails financiers, il y a des contradictions, il faut être cohérent dans la répartition des efforts d’économie demandés. Prenez l’exemple des génériques. C’est encore la médecine de ville qui en prescrit le plus ! Pourquoi si peu d’ordonnances de génériques sortent de l’hôpital ? Il faut identifier les prescripteurs hospitaliers et qu’ils participent à la maîtrise médicalisée au même titre que les médecins libéraux.

La CSMF revendique un C à 25 euros. Dans le contexte économique actuel, est-ce bien raisonnable ?

J.-P. O. : L’enjeu actuel et de renforcer la médecine de ville pour éviter les recours inutiles à l’hôpital. Or, nous constatons qu’en médecine générale, comme en médecine spécialisée d’ailleurs, nous avons de moins en moins de consultations « simples » et de plus en plus de consultations complexes, avec des polypathologies, les personnes âgées, des problèmes-médico-sociaux, etc. Tout cela requiert un temps médical et donc une revalorisation de l’acte de base, ridiculement tarifé à l’heure actuelle et une  hiérarchisation des consultations. Cette hiérarchisation a commencé avec des majorations pour certaines consultations, cela va dans le bon sens, mais il faut poursuivre. Elaborons des stratégies gagnant-gagnant.

Qu’envisagez-vous s’agissant de la revalorisation tarifaire des spécialistes ?

J.-P. O. : La CCAM clinique et la CCAM technique doivent être révisées, bien évidemment. Mais concernant plus spécifiquement les cardiologues, je pense aux actes de télémédecine que l’Assurance Maladie doit accepter de rémunérer correctement. La télésurveillance des porteurs de défibrillateurs ou de pacemakers représente des économies manifestes pour l’Assurance Maladie, alors, là encore, il faut trouver une solution qui soit gagnante pour chacun.

Par ailleurs, je suis particulièrement attentif au problème que rencontre les cardiologues en ce qui concerne les autorisations de matériels lourds et d’activités. Il y a actuellement une volonté de recentrage sur l’hôpital public qui s’appuie sur des bases strictement idéologiques. Mais nous allons nous battre !

La CSMF et – une fois n’est pas coutume – MG France s’opposent radicalement aux projets du président de la CARMF, Gérard Maudrux, concernant la retraite des médecins. Mais quel recours ont réellement les syndicats ?

J.-P. O. : Les mesures de réformes nécessaires n’ont pas été prises dans les années 90 mais les faits sont têtus et Gérard Maudrux est aujourd’hui rattrapé par la dure réalité. Il propose des modifications de la retraite complémentaire des médecins qui reviennent à décaler la retraite à taux plein au-delà de 66 ans, ce qui n’est pas acceptable. Les pouvoirs publics doivent s’impliquer dans cette affaire et prendre l’initiative de réunir autour d’une table l’ensemble des acteurs, Etat, caisses et syndicats, ce que nous réclamons depuis longtemps. Il faut réfléchir calmement au moyen de favoriser les conditions les moins défavorables pour les actifs et les retraités.

 

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