Le cœur artificiel total bioprothétique, issu des recherches du Pr Alain Carpentier et développé industriellement par la société Carmat, a obtenu le marquage CE en décembre dernier. Il sera prochainement commercialisé en Allemagne. En France, une étude va démarrer en vue d’obtenir son remboursement.
Le cœur artificiel de Carmat a maintenant un nom : Aeson, du nom d’un personnage de la mythologie grecque tué et revenu à la vie rajeuni. Carmat peut désormais commercialiser dans l’Union Européenne son dispositif médical en tant que pont à la transplantation chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire terminale (classe Intermacs 1-4) ne pouvant pas bénéficier d’une thérapie médicale maximale ou d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche (LVAD) et susceptible de bénéficier d’une transplantation cardiaque dans les 180 jours suivant l’implantation.
Le directeur général de Carmat, Stéphane Piat, a indiqué que la société française allait se concentrer sur deux pays en 2021 : l’Allemagne où le lancement commercial est prévu pour le deuxième trimestre, et la France avec des inclusions dans une étude afin de constituer le dossier de demande de remboursement. Cette étude, baptisée EFICAS, doit débuter au deuxième trimestre de cette année et inclura 52 patients. Elle permettra d’« affiner » les connaissances et de « favoriser l’adoption » de ce nouveau traitement. Le dossier de demande de remboursement devrait être déposé « avant le 2e trimestre 2023 ».
L’étude, qui a obtenu un financement de 13 millions d’euros de l’Etat, commencera dans cinq centres, les Hospices Civils de Lyon (HCL), le CHU de Toulouse, celui de Lille, la Pitié-Salpêtrière à Paris (AP-HP) et le CHU de Rennes, qui seront ensuite rejoints par d’autres établissements.
Stéphane Piat a précisé que si l’on distingue deux situations pour les cœurs artificiels – pont à la transplantation et implantation définitive ou thérapie de destination –, dans la pratique, « les deux catégories sont difficiles à distinguer a priori ». Un patient peut donc avoir été implanté dans un but de pont à la transplantation et ne pas trouver de greffon. En outre, au-delà d’un an après l’implantation, le cœur artificiel ne peut plus être explanté. En conséquence, le directeur général de Carmat explique qu’on ne doit pas considérer l’indication actuelle comme réduite mais au contraire comme pouvant concerner « une très large catégorie de patients ».
Stéphane Piat souligne que le marché potentiel pour le cœur artificiel Carmat est très important. Aux Etats-Unis et en Europe, « plus de 100 000 personnes » chaque année pourraient avoir besoin d’une greffe cardiaque. Et pourtant, 3 % seulement reçoivent un greffon. C’est ainsi que 55 % à 77 % décèdent annuellement faute de greffe. En outre, les systèmes de cœurs artificiels actuels sont très peu utilisés : une trentaine par an en Allemagne et à peu près autant en France. Selon les données de fin 2019, 700 patients sont sur liste d’attente de greffes cardiaques en Allemagne et 900 en France. En élargissant à d’autres pays européens, Carmat estime que l’indication pourrait concerner au moins « 2 000 personnes par an en Europe ».
Carmat ambitionne de s’implanter aux Etats-Unis et lancera une étude de faisabilité qui doit débuter dans le courant de ce premier trimestre. Elle inclura 10 patients et des chirurgiens de trois centres ont été formés à Pittsburgh. Elle sera suivie d’une étude pivot afin d’obtenir l’AMM américaine. En termes de production, Carmat espère passer rapidement la barre des 100 cœurs artificiels par an, le site de production de Bois-d’Arcy (Yvelines) pouvant monter jusqu’à 350 à 400 dispositifs par an. Mais pour répondre au marché potentiel estimé à 2 000 par an, la construction d’un autre site de production sera nécessaire.