Les NACO sous surveillance

368-369 – L’envolée de la prescription des Nouveaux AntiCoagulants Oraux (NACO) depuis leur mise sur le marché il y a cinq ans conduit l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute Autorité de Santé (HAS) et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) à engager une série d’actions en faveur du bon usage de ces produits.

Il y a quelques semaines, l’ANSM, la HAS et la CNAMTS ont présenté leur « plan » pour le contrôle de l’essor des prescriptions des nouveaux anticoagulants oraux, dits NACO. Afin de favoriser leur bon usage – et « sans arrière pensée économique » – les trois institutions ont détaillé plusieurs actions coordonnées en cours et à venir.
Mais pourquoi une telle mobilisation ? Apparus sur le marché depuis cinq ans, les NACO ont connu un « succès » croissant : en moins d’un an, près de la moitié des patients débutant un traitement anticoagulant oral s’est vue prescrire un NACO et près de 100 000 patients ont remplacé leur traitement par AVK par un NACO. Ce qui, en soi, ne constitue pas forcément un problème. Où se situe donc le problème ? « Si les données de surveillance relatives à ces spécialités montrent des effets rapportés conformes à ceux qui étaient attendus, en particulier sur le plan hémorragique, la surveillance renforcée relative à ces NACO a aussi identifié des risques de saignement et de thrombose », indiquent les trois organismes. En outre, il apparaît qu’une partie des patients sous NACO prend en même temps des médicaments majorant le risque hémorragique. Une étude de l’Assurance Maladie montre en effet que 15 % des patients sont parallèlement sous antiagrégants plaquettaires et 21 % sous amiodarone.
Dans ces situations, les autorités de santé rappellent que « seule la prescription d’AVK permet une mesure précise du degré d’anticoagulation obtenu et de disposer d’une antidote si nécessaire », ce qui n’est pas possible avec les NACO, dépourvus d’antidote pour l’instant.
La même étude montre également qu’entre 5 et 10 % des prescription de NACO correspondent à des indications non validées, éventuellement dangereuses, pour des patients avec une insuffisance hépatique ou rénale, des patients en fibrillation auriculaire porteurs de valvulopathies.

Un coût notable

A ces problèmes de santé publique s’ajoutent une considération économique non négligeable : le coût d’un traitement par NACO est environ cinq fois plus élevé que celui d’un traitement par AVK, ce dernier s’établissant entre 10 et 15 euros mensuels alors qu’un traitement par NACO s’élève à 75 euros par mois.
On est donc en droit de penser que malgré leur déclaration, « arrière pensée économique » ne doit pas être tout à fait absente de l’action entreprise conjointement par l’ANSM, la HAS et la CNAMTS pour une meilleure utilisation des NACO.
Laquelle action comporte plusieurs volets. L’ANSM, avec l’Agence européenne du médicament (EMA), va poursuivre le suivi de pharmacovigilance des trois médicaments concernés : Pradaxa® (Boehringer-Ingelheim), Xarelto® (Bayer), Eliquis® (Pfizer/Bristol-Myers Squibb). Avec la CNAMTS, elle lancera deux études pharmaco-épidémiologiques dont les premiers résultats devraient arriver au cours du premier semestre 2014.
La première, menée par l’ANSM, comparera les risques – en particulier hémorragiques – entre les patients traités par NACO en relais d’un traitement par AVK et ceux restés sous AVK. Seront également surveillés dans les deux groupes les éventuels événements cardiovasculaires.
La seconde étude, pilotée par la CNAMTS, étudiera la survenue d’éventuels événements hémorragiques et cardiovasculaires chez les patients pour lesquels sont initiés des AVK ou des NACO.

Des actions de sensibilisation

Par ailleurs, depuis l’été dernier, les généralistes sont visités par les DAM qui leur remettent un mémo validé par la HAS sur la place des NACO dans la fibrillation atriale non valvulaire. Et depuis quelques semaines, les médecins-conseils de l’Assurance Maladie conduisent des entretiens confraternels avec les cardiologues libéraux. La même démarche sera faite l’année prochaine auprès des médecins hospitaliers.
Il semblerait que ces actions de sensibilisation auprès des praticiens aient commencé à porter leurs fruits, puisqu’on observe  un infléchissement des prescriptions depuis le printemps dernier, le marché se répartissant actuellement entre 70 % pour les AVK et 30 % pour les NACO.

La réévaluation des trois NACO « dans un an » (bien avant la réévaluation quinquennale) par la Commission de Transprence permettra de repérer les prescriptions de NACO pouvant faire l’objet d’un mésusage. Il ne faut certainement pas rejeter ces nouvelles molécules qui représentent une grande innovation thérapeutique. Il est indispensable d’informer le patient et de respecter des règles de bon usage, comme le rappelle le Pr Ludovic Drouet (voir l’entretien dans la rubrique Profession).

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