324 – Disons au passage que ce « mandat » est assez parfaitement virtuel, l’essentiel du champ de la négociation étant déjà balisé. Du moins peut-on en attendre, de manière enfin explicite, la clause mise par l’Assurance Maladie à sa signature au bas du parchemin constitutif de cette arlésienne ayant nom « secteur optionnel ». On sait que les caisses et les mutuelles étaient disposées à accorder aux actuels médecins du secteur 2, opérant sur plateau technique lourd (c’est-à-dire chirurgiens, anesthésistes, obstétriciens), le bénéfice d’un dépassement plafonné mais remboursé sur un quota d’actes en échange d’un abandon en rase campagne du secteur 2. Le « deal » est aussi cynique que cela et, évidemment, difficilement accessible aux syndicats médicaux qui n’entendent pas sacrifier cette partie de leurs mandants. De leur côté, et de manière à peu près unanime, ils défendent un accès plus large au secteur optionnel, notamment aux spécialités non chirurgicales, y compris venues du secteur 1… Les deux positions sont assez éloignées mais le champ du compromis est large, affaire de volonté politique partagée.
Un chantier considérable
A cet égard, le sort fait à cette question récurrente depuis trop longtemps sera décisif sur la capacité de conclure une nouvelle convention avant le début de l’année prochaine. Car le chantier apparaît déjà considérable. Devant ses interlocuteurs conventionnels, mais surtout devant M. Eric Woerth, son (vrai) ministre de tutelle à qui il souhaitait apporter un catalogue de 2 milliards d’économies putatives pour élaborer le PLFS-2010 (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale), M. Van Roekeghem a listé les nouvelles dispositions qu’il souhaiterait insérer à la prochaine convention.
C’est à un véritable « changement de paradigme » que se retrouvent conviés les syndicats de médecins libéraux.
En révisant le dogme du paiement à l’acte exclusif. _ Depuis la Charte libérale de 1927, le paiement à l’acte apparaît consubstantiel du libéralisme en médecine. M. Van Roekeghem propose d’y substituer un système à trois étages : – le paiement à l’acte pour une part centrale mais évidemment appelée à évoluer ; – le système du forfait, très précisément fléché sur le suivi des maladies chroniques, – enfin le système d’intéressement individuel, type CAPI que le directeur de l’UNCAM apparaît disposé à ramener dans le giron de la négociation conventionnelle .fort de l’incroyable succès rencontré auprès de 7 000 généralistes en quelques semaines !
En revendiquant un rôle d’opérateur de soins à l’américaine ! Rocky, puisque c’est son surnom ostensiblement assumé, ambitionne de généraliser le programme Sophia de « Disease Management » . dont le succès est pourtant beaucoup moins avéré que celui du CAPI (7 000 signatures de généralistes fin juillet). Il souhaite élargir son expérience à l’ensemble du territoire (10 départements sont aujourd’hui concernés) et surtout à deux autres types de pathologies : les maladies respiratoires (asthme) et « l’ensemble des pathologies cardiovasculaires ». Pour satisfaire cette ambition, l’homme a besoin du concours plus pro-actif des médecins, dont les cardiologues (qui affichent la même ambition, pour leur propre compte dans le dernier Livre Blanc). Et il apparaît, dans cet état d’esprit, assez disposé à réviser les modalités de suivi des ALD entre le premier et le second recours dans une démarche d’« optimisation » du parcours de soins des malades chroniques. C’est que M. Van Roekeghem sait, mieux que quiconque, que l’évolution « spontanée » de l’incidence et du coût des ALD obère chaque année . 84 % de l’enveloppe qui lui est concédée par le Parlement !
En ne cédant rien, bien au contraire, sur sa légitimité d’« acheteur de soins » : sur le sujet il revendique rien moins qu’un « droit de veto » sur l’inscription au remboursement de médicaments dont l’ASMR serait classé faible ou insuffisant, en mettant en concurrence les producteurs de génériques, en jouant la carte du privé dans la querelle de la tarification, en soutenant la chirurgie ambulatoire en centres autonomes, en tenant compte des « gains de productivité » dans l’élaboration des marges des radiologues, biologistes, etc.
Les mêmes ambitions pour un nouveau mandat
En un mot, le patron de l’UNCAM se pose cette année en éclaireur de la « gestion du risque », dont il revendique – surtout aux yeux du Gouvernement – l’exclusivité de la mission. On aura compris que le message est aussi (et surtout) destiné aux futurs directeurs d’ARS qui, demain sur le terrain, seront fondés à formuler les mêmes ambitions. Lui-même voit son mandat remis sur le métier dans les prochaines semaines et n’a pas, malgré les divergences qui l’opposent au cabinet de Mme Bachelot, renoncé à prétendre à sa propre succession ! Il a, pour ce faire, un impérieux besoin d’aboutir au niveau conventionnel, de sortir de l’impasse du secteur optionnel et de jeter les bases, avant la fin de l’année avec un maximum de syndicats médicaux, d’une authentique réforme de structure. Il dispose, pour aboutir à ses fins, d’une sorte de « bombe atomique » : en suggérant de plafonner à 100 000 € de revenus annuels la participation des caisses aux cotisations sociales des médecins du secteur 1, il remet également en cause la pacte qui, en 1971, avait présidé à la signature de la première convention nationale.
Une véritable révolution, on vous dit !