L’intelligence artificielle – Introduction à la Santé

L’Intelligence Artificielle (IA) est vouée à se développer considérablement dans les années à venir. Si l’on vante ses technologies, l’aide au diagnostic, ses qualités prédictives et sa capacité à apprendre, des voix s’élèvent contre ses potentiels dérapages, la modification pofonde des relations humaines (médecins et patients). Une prise de conscience du corps médical est nécessaire afin d’adapter et d’intégrer cette technologie ainsi que l’ouverture de réels débats politique, éthique et juridique.

Remplacer les compétences du médecin dans son évaluation et son pronostic,  développer son apprentissage grâce à ses facultés cognitives, diagnostiquer la maladie avant qu’elle prospère ?…  L’intelligence artificielle fait son nid au milieu de ces nombreuses interrogations où la démocratie sanitaire est loin de faire l’unanimité, celle-là même qui permettrait une égalité d’accès aux soins pour tous  grâce aux machines, ainsi qu’à une amélioration du système de santé, grâce notamment à la conversion des déserts médicaux en cabinet virtuel avec un suivi à distance, tant en télémédecine que par le biais d’objets connectés (capteurs). 

Encore faudrait-il que le territoire français soit réellement connecté et que la population soit « technico » et « financièrement » compatible avec ce développement (20 % de la population n’a pas d’accès au haut débit, soit par le nombre chronique de zones blanches, soit pour des raisons financières ou une incapacité à se servir d’un ordinateur).

Les débuts de l’IA

La présence de l’intelligence artificielle dans le domaine de la Santé date de 1965 avec le système Dendral (1) qui avait pour tâche d’aider les chimistes à identifier des molécules organiques inconnues en analysant leurs spectres de masse et en automatisant le processus de prise de décision. De nombreux systèmes ont été dérivés de ce système, même s’ils ne sont plus décrits aujoud’hui comme « intelligence artificielle ».

Le véritable départ de l’IA a eu lieu avec le développement de la vitesse de calcul des ordinateurs, de l’utilisation des données – essentielles – ainsi que les nouvelles technologies qui y sont rattachées.

Toute l’astuce de l’intelligence artificielle passe par les données qu’elle a reçu et le deep-learning, technologie qui est, rapellons-le, un système d’apprentissage s’appuyant sur un réseau de neurones artificiels s’inspirant du cerveau humain : plus le système accumule d’expériences différentes, plus il sera performant.

Les marches du succès

La médecine prédictive

Pour certains, l’intelligence artificielle nous emmène à l’ère de la médecine prédictive : le but n’est plus de soigner les patients mais de les empêcher de tomber malade.

Comme son nom l’indique, l’une des promesses de l’IA est la capacité de prévoir les affections, même si elles sont liées à l’imperfection des marqueurs génétiques et pathogéniques de la maladie. Mais la probabilité se porte sur une population générique et non individuelle et ne détermine pas celle d’un individu, (2) même s’il est porteur en moyenne d’une centaine de maladies génétiques. 

Le concept en lui-même n’est pas nouveau, mais à terme, il est notable de souligner que l’exploitation de l’intelligence artificielle et du machine learning dépendra de la qualité des informations disponibles. Les données patients utilisées pour l’apprentissage devront être particulièrement fiables. Il faut bien sûr oublier les données grand public créées à l’occasion par les Gafam et Baxt, (3) se juxtaposant à un intérêt quasi-unique de profit.

Ces données sont bien sûr – nous en avions déjà parlé dans d’autres articles – la providance de l’intelligence artificielle et sa source de travail. On se souvient par exemple de ce scandale du géant Amazon qui, en concluant en 2018 un contrat avec le National Health Service (NHS), avait réussi à subtiliser des millions de données, une valeur inestimable. Cette source avait permis aux patients britanniques de recevoir de meilleurs conseils médicaux par le biais de l’assistant vocal Alexa…

On ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec le Livre Blanc (4) publié en 2018 par le Cnom et ce principe fort : « Une personne et une société libres et non asservies par les géants technologiques ».

La précision diagnostique

La valeur prédictive dépend de la sensibilité et de la spécifité des tests. La sensibilité est la capacité à détecter un maximum de malades (avoir le moins de faux négatifs) et la spécificité à ne détecter que les malades (avoir le moins de faux positifs). L’hypothèse diagnostique repose tout de même avec plus ou moins de certitude car tout dépend des niveaux de référence dûment introduits dans la machine qui, n’en doutons pas, organisera dans le futur ses propres conclusions grâce au machine learning.

En 2018, IDx-DR, un logiciel lié à l’Intelligence artificielle, a été capable de détecter une rétinopathie diabétique et d’établir un diagnostic grâce à son analyse sur des clichés de la rétine du patient.

Ce dispositif, autorisé de mise sur le marche par la FDA (Food and Drug Administration), (5) s’était basé sur une étude clinique portant les images rétiniennes de 900 patients diabétiques. Dans près de 90 % des cas, le IDx-DR a réalisé le bon diagnostic, que le patient soit ou non atteint d’une rétinopathie diabétique.

Dans le domaine de la cardiologie, une IA totalement autonome serait capable de détecter de potentielles maladies cardiovasculaires en analysant la pression sanguine.

C’est dans cette optique que des chercheurs ont eu l’idée d’utiliser l’angiographie rétinienne afin de déceler la présence d’une hypertension au niveau des vaisseaux sanguins. Ils ont entraîné une intelligence artificielle à l’aide de 70 000 images provenant de personnes d’origines diverses pour qu’elle puisse faire sa propre comparaison, comprendre d’elle-même les risques de maladie cardiovasculaire. Ces images se concentraient notamment sur les marqueurs communs à identifier dans le système vasculaire rétinien.

Les applications

Les outils regroupés sous l’intelligence artificielle sont ainsi regroupés (6) :

  • aide au diagnostic : analyse des données ou d’images ;
  • chirurgie robotique ;
  • réalité virtuelle : actes de chirurgie éveillée ou modélisation du patient afin de gagner en précision ;
  • applications et objets connectés : permettre aux patients de s’impliquer dans leur prise en charge, et au soignant d’assurer une surveillance plus régulière et approfondie ;
  • tests génétiques : permettre la prédiction du risque et du taux de survie ;
  • exploitation de données dans la recherche ;
  • imprimantes 3D : réalisation des dispositifs médicaux sur mesure ;
  • formations professionnelles : serious games et simulation.

(1) Dendral est un système expert ou programme interactif créé en 1965 qui modélise la connaissance d’un expert, qui a ainsi ouvert la voie de ce qui a été par la suite appelé « système expert ».
(2) Armelle de Bouvet, Pierre Boitte, Grégory Aiguier, Questions éthiques en médecine prédictive, John Libbey Eurotext, 2006, p. 43.
(3) Gafam (américain) : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft et Baxt (chinois) : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.
(4) Janvier 2018, livre blanc du Cnom : « Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle ».
(5) fda.gov (lien en anglais).
(6) Source Cnom.

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