Médicaments anti-Alzheimer : inefficaces, dangereux mais remboursés

Malgré la confirmation d’un Service Médical Rendu insuffisant et d’effets secondaires potentiellement dangereux, les médicaments anti-Alzheimer continueront d’être remboursés. Trois syndicats médicaux appellent leurs confrères à ne plus les prescrire.

C’est une vieille tradition française que de continuer à rembourser – même à un taux dérisoire – des médicaments dont les experts jugent que le Service Médical Rendu (SMR) est insuffisant voire nul et qu’ils peuvent même être dangereux.

Le dernier cas en date concerne quatre médicaments « anti-Alzheimer » (1). Fin octobre, la Haute Autorité de Santé (HAS) a confirmé que le SMR de ces produits était désormais considéré comme insuffisant par la Commission de Transparence (CT) pour justifier leur remboursement.

Déjà, en 2011, la CT avait procédé à une réévaluation et abaissé le SMR et l’Amélioration du SMR (ASMR) des quatre médicaments, conduisant à une baisse de leur taux de remboursement de 65 % à 15 %. Mais ces produits sont pris en charge à 100 % dans le cadre de l’ALD concernant la maladie d’Alzheimer.

Altérer la qualité de vie

Aujourd’hui, la HAS indique que les quatre médicaments visés sont des traitements symptomatiques qui ne modifie en rien l’évolution de la maladie, que leur efficacité n’est établie qu’à court terme, essentiellement sur les troubles cognitifs, et dans des études cliniques versus placebo dont la pertinence clinique et la transposabilité en vie réelle ne sont pas assurées, notamment parce que ces études concernent des patients plutôt jeunes et ne présentant ni comorbidité, ni risques d’interactions médicamenteuses comme la majorité des personnes atteintes dont la moyenne d’âge est plus élevée.

En outre, la HAS souligne que « les données cumulées depuis la commercialisation des médicaments confirment le risque de survenue d’effets indésirables (troubles digestifs, cardiovasculaires ou neuropsychiatriques pour les plus notables) potentiellement graves, pouvant altérer la qualité de vie » des patients.

Pas de déremboursement dans l’immédiat

La décision de dérembourser ou non les quatre médicaments concernés revenait au Gouvernement. « Il n’y aura pas de déremboursement dans l’état actuel des choses », a déclaré Marisol Touraine, il y a quelques semaines.

La ministre justifie son choix par l’absence actuelle de dispositif de prise en charge pour les malades et veut « mettre en place un parcours de soins, un protocole de soins élaboré par les scientifiques, en lien avec les associations de patients ». « Et tant que ce protocole de soins ne sera pas élaboré et mis en œuvre, la question du déremboursement ne peut pas et de doit pas se poser », affirme-t-elle.

Certes, la HAS a annoncé qu’elle « publiera dans les prochains mois un guide relatif au parcours de soins des patients concernés », mais entre la mise à disposition d’un guide et celle des moyens, tant humain que financier, pour répondre aux besoins des quelque 850 000 personnes touchées par cette maladie en France, du temps s’écoulera et ces médicaments continueront d’être utilisés.

Ou pas. Certains médecins sont en tout cas résolus à ne plus les prescrire. Trois syndicats, MG France, la FMF et Le Bloc, appellent en effet leurs confrères à « cesser complétement » la prescription de ces produits. Dans un communiqué commun, ces organisations rappellent que « plus de dix ans ont été nécessaires pour que les autorités sanitaires françaises se décident au retrait du Mediator®, dont la dangerosité et l’inefficacité étaient prouvées » et interrogent : « Combien d’années seront nécessaires pour que l’inutilité et les effets secondaires des médicaments de la maladie d’Alzheimer aboutissent à leur retrait ? ».

Les responsables pourraient être mis en cause…

Elles soulignent que, en cas de plainte, les responsables politiques et sanitaires seront mis en cause mais que pourraient l’être aussi « les prescripteurs, informés des risques, et qui continueraient à prescrire ».

Enfin, les trois syndicats arguent également du fait que « la dépense évitée par la non-prescription de traitements inutiles et dangereux peut-être plus efficacement consacrée à l’accompagnement des malades et à l’aide aux aidants, en facilitant notamment le maintien à domicile par des “solutions de répit” ».

Avant eux, le Dr Philippe Nicot, généraliste expert externe pour la HAS, était sorti de sa réserve, parce que « Marisol Touraine foule aux pieds le travail qui a été fait », et avait estimé que les 500 millions d’euros environ qu’ont coûté les médicaments « anti-Alzheimer » à l’Assurance Maladie pourraient être utilisés « pour recréer des emplois dans les EHPAD (Etablissements Hébergeant des personnes Agées Dépendantes) ».

Bien avant encore, la Cour des Comptes, dans un rapport de 2013, avait aussi considéré que les financements consacrés à ces médicaments « pourraient être, le cas échéant, affectés à d’autres priorités, comme la recherche ou l’accompagnement des malades et de  leurs aidants ». Mais les experts délivrent leurs avis et les politiques décident…

(1)  Aricept® (donépézil, Eisai), Exelon® (rivastigmine, Novartis), Reminyl® (galantamine, Hanssen, groupe Johnson & Johnson) et Exiba® (mémantine, Munbeck)

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